pedro Un amour de fortune

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Tout ce qu'il pouvait se permette, dit-elle, c'était un amour de fortune, j'ai toujours fait de telle sorte que le notre en ait gardé toutes les apparences.
C'est quoi au juste un amour de fortune? Un amour fugace, qui ne reste pas? Plutôt un amour d'infortune alors, le poisson tourne autour de l'appât, il le suce, il le goutte, il le mordille, il le mange tout entier même, et il va voir ailleurs.
L'amour ne dure pas, le reste le mange.
Pedro lève le nez, il réfléchit. La fortune est là, dans l'amour qui n'a ni le temps de s'épanouir ni le temps de pourrir, qui reste parfait, parce que la construction s'achève dans le rêve, le souvenir perpétuellement reconstruit d'une histoire inachevée.
À chaque fois qu'elle le retrouve elle s'étonne que le vide soit si vite comblé entre le rêve et la réalité. Elle le quitte parce qu'il est trop évident que cet amour, comme les autres, est soluble dans la réalité. Ce luxe n'a qu'un temps. Sauf pour qui à de l'argent, du temps et ce yacht blanc pour parcourir les mers. Mais pourquoi l'amour serait séparé du reste? Mis à l'écart en quelque sorte.
Lui aussi il a de l'attirance pour cet amour là, pour les marins, pour les amours de fortune. De l'aversion aussi, quelquefois. N'est-ce pas une injustice, ces amours insolubles? Il faudrait pouvoir choisir, comme cette américaine. Juste un luxe en réalité hors de sa portée.

Depuis des années déjà elle n'avait d'hommes que de rencontre et c'était une habitude. Sans doute, mais pour lui c'était une fatalité, pas une gloire, à peine un choix. Ça ou rien? La vie est trop courte pour la laisser fuir à petits coups d'histoires inachevées. Les hommes de rencontre c'est facile, le désir est toujours là, à l'affût, indompté. Il suffit de le capter, comme l'eau d'une fontaine qui ne cesse de couler. Mais l'homme, le vrai, celui qui est fait pour vous, qu'on voudrait reconnaître au premier coup d'œil, on le cherche. Et si on n'a pas la volonté de le reconnaître? Alors on ne cherche pas, on chasse. C'est ce que fait l'américaine, elle chasse tous les hommes, jeunes, beaux, énigmatiques. C'est le plaisir ancestral de la chasse. Mais le grand amour ce n'est pas celui-là, c'est celui qui défie le monde et qui l'affronte.

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