Post face

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Au moins cette édition ne l'avait pas astreint à cet exercice toujours scabreux de la préface. L'éditeur s'était pour une fois gardé de cette longue paraphrase qui vous raconte tout ou presque, et vous dégoûte d'avance de lire le livre. Il ne s'était pas effacé pour autant. Il avait comme les autres tenu à justifier son travail, ses choix littéraires, en faisant étalage de l'étendue de son savoir, citant les éditions précédentes, surtout en soulignant les erreurs et omissions. Mais il l'avait fait sous la forme d'une postface, une formule étrange qui sonne comme un mot anglais. La formule était ainsi plus subtile mais n'était pas sans danger. Le lecteur, déjà heureux d'avoir bu le livre jusqu'à la dernière goutte (celui que le romancier avait prévu de lui livrer), pouvait parfaitement déclarer qu'il n'avait plus soif et ranger consciencieusement le livre dans la bibliothèque. Un éditeur n'ignore pas ces dangers, et celui-ci, bien malin, avaient glissé quelques notes de bas de page qui menaient directement le lecteur à la postface. C'était écris au passage, sans l'apparence de l'insistance, mais en montrant clairement que faute de se rendre à l'endroit donné, le lecteur pourrait perdre gros.
L'honnêteté obligeait Xoan à reconnaître l'utilité de cette postface. Elle l'aida à démêler le manteau qui, dit le postfacier, est construit en deux couches compositionnelles, celles du rire et de la souffrance. Enfin c'est ce qu'il croyait comprendre car tout cela était exprimé dans un style si ampoulé que cela revenait à faire de la fumée dans un coin sombre. Ainsi la nouvelle était construite comme un tableau en deux couches superposées, le jaune du dessous rendant le bleu du dessus plus lumineux et plus transparent. Les choses matérielles sont le plus souvent futiles mais leur rôle est en réalité extérieur à leur utilité immédiate: elles sont avant tout un marqueur social. La bureaucratie envahissante tourne sur elle-même, obsédée par les objets qui finissent par être seuls signifiants. Le surnaturel permet à ce pauvre Akaki Akakievitch d'échapper à la dictature des objets. Son retour sous forme de fantôme voleur de manteau jette l'effroi et souligne l'absurdité d'un monde émietté sur lequel l'homme n'a plus prise.

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