Playa del Rio

abuela Une etoile va s'eteindre

J'ai cinquante ans, j'ai soixante ans de vie à dépenser. Ce trésor est encore intact. C'est le commencement.
Ah, ah. C'est exactement l'inverse, je suis assise dans l'épaisseur des cinquante, des soixante ans qui viennent de s'écouler. Je suis une étoile et je regarde la mer. Cette étoile finira par s'éteindre. La mer elle-même va s'évaporer quand le soleil sera devenu une géante rouge, une braise grillant tout sur son passage. Et après?
La mer qui s'évapore ce sera un supplice insupportable.
Ce soir le soleil sera rouge et descendra dans la mer. Elle sera confiante encore, mais quand ce sera la fin? Aura-t-elle peur? Devenue vapeur elle sera pur esprit...
Célia retourne se baigner. C'est comme une respiration entre deux chapitres de son livre. Puis elle ira se promener dans la forêt d'eucalyptus. Il n'osera pas la suivre et elle sera seule.
Célia continuera l'œuvre. Quelle œuvre? Il n'y a pas de filiation. L'autre est toujours un étranger. C'est idiot, cette pensée est idiote, tant de choses nous rassemble. J'ai été médecin, elle sera psychologue. Elle aussi aura des patients plein la salle d'attente. J'ai soigné les âmes autant que les corps.
Mon corps à son existence bien à soi.
Le mien désormais refuse. Il refuse de descendre ces marches jusqu'à la plage, et surtout de les remonter. Il est plus facile pour moi de marcher sur la route, le soir après le dîner, au bras de Célia. Il est tard quand nous montons sur la colline. Les étoiles brillent au dessus de l'horizon.
Lorsque j'arrive au sommet je respire avec peine.
Mon corps exprime ses limites mais je ne suis pas encore pur esprit.
Mon trésor de vie est encore intact.
On peut dire cela même à la fin non?
L'emporterai-je dans la tombe comme un trésor des pharaons?
Je suis au bord de la mort et je la regarde briller à la surface des eaux calmes de la baie.
Je fais semblant de lire car Célia approche. Bientôt elle fera un signe de la main et me demandera si tout va bien.