Playa del Rio

abuela Des hommes indolents, ignares et robustes

Deux jeunes hommes indolents, ignares et robustes. La grand-mère, depuis son balcon, et comme chaque matin, observe les deux maîtres nageurs occupés à se balancer sur les deux pieds de leur chaise. Faut-ils qu'ils soient indolents, ignares et robustes? S'ils ne l'étaient pas ils iraient au delà de l'instant et de l'impression qu'ils donnent. Cette impression instantanée est tout ce qu'on leur demande, toute leur utilité, leur finalité même. Les vacances sont faites pour profiter de l'instant.
La somme des instants fait-elle une vie? Nous feignons de les ordonner en un tout intelligible. Mais tout est relecture et reconstruction. Qu'elle énergie y met Virginia Wolf! Son roman est construit comme un temple grec. Pourtant elle décrit avec beaucoup de couleurs chacun des instants qui sont comme les plats si divers d'une cuisine japonaise. Ces atomes en apparence disparates s'assemblent pour former des colonnes, ces six personnages aux vies parallèles abritant le dieu Perceval qui ne s'exprime pas mais retient l'attention de tous. Ainsi dans cette vie reconstruite chaque instant trouve sa place et son sens, les voix des six personnages se répondent dans une nef à l'acoustique parfaite.
Les couleurs sont changeantes avec l'heure du jour, à mesure que cette grosse lampe monte et baisse dans le ciel. Et c'est sans compter les nuages ou cette brume de mer qui en quelques instants change le paysage. Quel talent que de mettre chaque instant à sa place, de créer de l'harmonie dans tout ce désordre, de nous montrer ce ballet ou la musique et la danse se répondent. Je n'y parviens pas. Mon humeur est changeante, je ne suis plus que spectatrice d'un spectacle qui se déroule sans moi. La vie sortira-t-elle de mon corps comme un projectile, par une douleur intense mais brève, ou serais-je victime d'un lent naufrage, regardant au travers d'un fin brouillard le regard inquiet de mes proches?