III

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« Ecris-moi une lettre, dis-moi ce que t'aime chez moi et même ce que t'aime pas. Je veux tout savoir de ce qui se passe dans ton petit coeur, Denver. Une fois que tu l'as écris, dépose-la sous un caillou, sur la plage. Notre histoire perdurera, je te le promets. »

Constance lit et relit l'unique phrase qui compose la deuxième lettre. C'est court mais charmant. C'est bien Théo, ça. Il veut laisser une trace sur Terre. Même six pieds sous terre il continue la pêche aux compliments. Constance sourit en voyant son nom de famille. Il l'appelait souvent comme ça. Surtout quand il cherchait à l'amuser.

Constance prend une feuille et un stylo et entâme sa lettre.

« Théo Abbernaty,

La première fois que je t'ai vu, tu tentais de t'incruster dans ma balancelle. Tu portais ton t-shirt déchiré préféré et une chemise noire. T'as remarqué mon pull aux couleurs des Rolling Stones et je crois que t'en as pincé grave pour moi. Tu t'es installé à côté de moi et on a parlé. Certains adolescents auraient profité de l'occasion pour tester leur technique de drague. Mais, toi, tu me parlais de ton groupe de rock et de ta manie de porter des chemises à fleurs quand ça va pas. 

T'étais un rayon de soleil parmi la tempête. Le gars pour qui j'avais toujours eu un faible au lycée venait de me mettre un râteau d'enfer. Et puis, tu t'es pointé dans ma vie sans demander la permission.

Théo... Je comprends presque pourquoi les anges ont décidé de t'embarqué avec eux. Ils étaient jaloux de savoir qu'un type aussi hilarant que toi se trouvait sur terre et non avec eux. J'espère qu'ils s'occupent bien de toi, là-haut.

Tu dois leur dire qu'en cas de déprime ils doivent passer La Foule d'Edith Piaf et que quand tu es heureux tu fumes plus que d'ordinaire, parce que tu dis qu'autant se contenter des meilleurs moments. Ils doivent aussi savoir que tu raffole des spaghettis carbonara mais que tu hais les tomates. 

Il y a tant de choses qu'ils doivent savoir sur toi et tellement peu qui compte encore dans mon monde. Je voulais que ce monde reste le notre et pas seulement un endroit où je devrais errer jusqu'à la fin de mes jours dans l'espoir de te revoir. Je voulais partir en lune de miel aux Pays-Bas avec toi et voir la bouille qu'auraient nos enfants. Je voulais que notre petit garçon ait tes cheveux ébènes indomptables.

Théo, je veux pas oublier notre voyage à Venise, les câlins sous la couette à la pleine lune, tes bras autour de mes épaules les soirs d'orage, tes yeux noisette et l'odeur de la pizza quatre fromages.

Je t'aime, mon ange, et, même si tu détestes quand je deviens cul-cul la praline, ça m'empêchera pas de te dire que, de là-haut tu demeures mon ange gardien. »

Le stylo tremble contre la feuille noircie d'encre. Constance efface une larme, puis deux. Elle plie le papier en quatre puis file sur la plage où le soleil étincelle. Un caillou attire son attention. Il est grotesque avec ses formes et ses cavités. Alors c'est celui-ci qu'elle choisit.

Il représente leur histoire. C'est bizarre, c'est pas forcément normal ou naturel mais, ça leur correspond.

Correspondance à un revenantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant