XIV

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Les éclairs se succèdent dans le ciel d'encre. Les zébrures orange semblent fendre l'océan qui se déchaîne sous le regard nostalgique de Constance. Dans l'encadrure de la porte, Elliot la contemple; stupéfait par la beauté qui se dégage du tableau. Il n'ose pas interrompre cet instant de quiétude qui s'éprend de l'appartement. Le fantôme de Théo s'est momentanément évanouie et, le déchainement météorologique parvient à illuminer les traits paralysés de Constance. Cette dernière ferme les yeux quelques secondes pour se focaliser sur le bruit presque apaisant de l'averse qui claque sur la surface en bois de la terrasse. Les nuits d'orage au creux des bras de Théo lui reviennent en mémoire, se frayant une infime place dans son nouvel espace de sérénité. 

Par instinct, elle quitte son emplacement, réflection de sa solitude, pour se loger contre le torse réconfortant d'Elliot qui l'étreint d'un étau protecteur. Le tonnerre roule, menaçant au loin et, Constance niche son nez dans le cou du châtain qui vient prudemment caresser sa longue chevelure. Dans une infini douceur, il la guide jusqu'au matelas où ils se glissent sous la couette. Théo n'est plus à ses côtés, certes, mais, la solitude n'est pas parvenu à ses fins. Les yeux inquisiteurs d'Elliot cherchent au plus profond de son regard les réponses à ce silence. 

- Vous vous opposez complètement et pourtant, je me sens bien, là, avec toi.

Cette réflexion à haute voix fait naître un fin sourire à la commissure des lèvres d'Elliot. Leurs doigts se lient lentement, rendant ce contact tendre. 

- Tu ne peux pas te sentir malheureuse éternellement, Constance.

Constance relève ses prunelles pleine d'incertitudes en direction de son ami qui la fixe, la mine grave. Elle connaît les réponses que celui-ci a à lui apporter quant à ces frayeurs mais, elle a besoin de les entendre encore et encore pour en saisir pleinement le sens. Les paroles doivent s'imprimer dans son inconscient avant qu'elle ne trouve le repos. 

- J'ai peur, Elliot. J'ai peur de m'autoriser à être heureuse, de m'autoriser à vivre et d'un jour me réveiller pour découvrir que tout ceci est une injustice envers lui. J'ai peur de me rendre compte que vivre est devenu mauvais et égoïste.

Elliot serre les doigts de Constance entre les siens pour lui conférer son soutien. Il n'est pas épuisé par ses inquiétudes incessantes; seulement angoissé qu'elle n'en soit jamais libérée. 

- Tu sais que ce genre de situation n'arrivera jamais, car, Théo écrit lui-même dans ses lettres que c'est exactement qu'il désirait pour toi; un avenir heureux et loin du deuil que sa perte engendrerait.

Sans vraiment s'en rendre compte, leurs corps se rapprochent dans l'esquisse d'une étreinte. L'orage gronde sans relâche au fil des battements de leurs deux coeurs. Les pensées de Constance tourbillonnent dans son esprit aussi tourmenté que les vagues au dehors. 

- A ce propos, je ne sais pas si je vais être capable de continuer la lecture de ces lettres. Surtout si mon objectif est de retrouver un semblant de bonheur. 

Elliot opine du chef, consentant silencieusement à cette requête. Un ange passe avant qu'il ne prenne la parole.

- Emmènage avec moi. Quitte cet appartement lugubre et, démarre une nouvelle vie à mes côtés. Je ne te demande pas d'envisager un quelconque "nous", juste de prendre une nouveau départ.

Constance se redresse légèrement, en appuie sur son coude afin d'étudier l'expression qu'affiche Elliot. Le miaulement aigue d'Hercule fend le calme qui s'est emparé de la chambre et, soudain, la décision de Constance s'impose.

- D'accord.

-

Ce chapitre est l'un des derniers de cette histoire, la fin s'accompagnera d'un épilogue. En espérant que ce chapitre vous aura plu. Jude x

Correspondance à un revenantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant