IV

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Les enfants jouent sur la plage et Constance entend leurs rires depuis le salon de son appartement. Les rideaux sont fermés et elle garde ses paupières closes. La beauté du monde n'a plus de valeur sans Théo. Constance préfère éviter de voir les meilleurs détails. Juste au cas où elle serait tentée de vivre. Elle n'accepte toujours pas la décision de Théo. Elle ne veut pas vivre une vie insouciante s'il n'en fait pas partie. Constance est assise dans le canapé et la quatrième lettre est posée sur la table basse. C'est difficile d'avaler de nouvelles idées révolutionnaires alors que sortir de son lit représente déjà un miracle. 

Hercule miaule et Constance sent ses nerfs lâcher. Elle va pas refaire le monde avec un coeur brisé et des ailes cassées. La boule de poil vient se frotter contre les jambes de Constance. L'animal a peut être fini par comprendre qu'il est pas le seul à attendre le retour de son maître. Constance se lève d'un bond et, après avoir prit la quatrième lettre; elle court jusqu'au bord de mer. L'air froid anesthésie ses poumons et des mèches de cheveux se fraye un chemin hors de sa queue de cheval. Mais mon Dieu qu'elle s'en fiche. 

Elle se laisse tomber à même le sable, sous le regard interrogatif des gamins, plus loin. Le soleil lui tape sur la tête mais c'est pas grave. C'est son moment d'intimité avec Théo. C'est le moment de la journée où pour quelques secondes, elle le retrouve. 

« Jour 3; ouvre les yeux, Denver.

Je te connais par coeur, Constance. Je sais que tu es restée jusqu'à ce que la nuit arrive devant ma tombe le jour de mon enterrement. Je sais que tu détestes Hercule. Je sais que tu vas commencé à haïr tout ce que tu aimais simplement parce que je les aimais aussi et, que d'une certaine façon ça te fait penser à nous. Je sais que tu te caches dans ton appartement et que tu restes des heures dans le noir.

J'ai jamais choisi cette vie pour toi. Par pitié Constance, reste le rayon de soleil qui illumine ce monde de fou. Si tu commences à dériver autant que cette putain de planète, alors il reste quoi de notre histoire ? Même si je suis plus là pour te le dire de vive voix, ça veut pas dire que je peux pas le voir de là-haut ou d'en-bas. Ben, ouais, j'étais pas un ange.

En bref, ouvre les yeux sur ce qui t'entoures. Je sais que tu vas chercher à te renfermer sur toi-même. Ne le fais surtout pas. T'auras jamais la patience d'aller chez le psy. Évite-toi la déprime tant qu'il en est encore temps.

Tout ce que je te demande aujourd'hui c'est d'appeler Elliot et de lui dire tout ce que tu as sur le coeur. Tu le faisais déjà quand j'étais là. Il est temps que tu réalises que certaines choses n'ont pas changé. Mon départ n'a rien changé au reste de ta vie. Et la peine finira par partir. »

Constance secoue la tête et chiffonne la lettre dans le creux de son petit poing tremblant. C'est de la pure connerie. Théo ne disparaîtra jamais de sa vie. Impossible. Inconcevable. Et la peine elle peut l'accepter si ça l'aide à se raccrocher à leurs souvenirs. Elle balance le bout de papier à ses pieds et envoie valser le sable. 

Constance sait que Théo n'avait pas prévu cette réaction de sa part. Finalement, il ne savait pas tout. Tout du moins, il ne peut pas savoir ce qu'il n'est pas en mesure de constater. Et, faute du contraire, Théo ne peut pas voir les cicatrices sur son coeur blessé. 

Le téléphone de Constance vibre dans sa poche. C'est Elliot. Elle décroche.

- Constance ? C'est Elliot.

- Je sais qui c'est.

Il a toujours son accent australien. Constance devine son sourire à l'autre bout du combiné.

- Je voulais juste te dire que je rentre demain. Je trouve ça égoïste de ma part de te laisser gérer tout toute seule dans de telles circonstances. 

Constance veut ajouter quelque chose. Elle veut lui dire de rester en Australie avec sa famille. Elle veut lui dire que tout va bien; au moins pour essayer de s'en convaincre elle-même. Mais Elliot a raccroché. 

Elliot est comme ça. Il a juste un truc à dire et une fois que c'est dit, il y a plus à discuter. Constance a oublié sa colère contre Théo. Mais ça, elle s'en rend pas encore compte.

Correspondance à un revenantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant