XV

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Constance observe l'horizon, accoudée au muret qui délimite le terrain de taille réduite qu'Elliot considère comme son jardin. Le bruit strident des klaxons remplace celui doux des vagues au petit matin et, les gens qui s'amassent dans les rues bondées de la ville n'ont rien à voir avec ceux qui se promène longuement pieds nus dans le sable. Mais, Constance sait que ce nouvel environnement est ce qu'il y a de mieux pour elle, dorénavant. Elliot la rejoint au milieu des herbes folles et indomptables; déposant le tas de lettres sur le vieux barbecue. Entre les mains gelées de la jeune femme, la lettre datée du jour numéro un; celle qui lui ordonne de vivre et qui contient la promesse de retrouvailles dans l'au-delà. Elle envoie une dernière oeillade à son meilleur ami qui allume une allumette. Une flamme jaune-orangée jaillit et, alors qu'elle commence à éblouir le regard embué de Constance, elle glisse inexorablement sur le paquet de lettres qui s'enflamme dans la seconde qui suit.

Un bras réconfortant entoure les épaules de Constance, qui, comprend qu'un retour en arrière n'est plus imaginable et, qu'un poids vient de se délester de ses épaules. Elle suit du regard la montée vertigineuse de la fumée grise et opaque vers les cieux. L'unique lettre restante repose contre son coeur, alors qu'Elliot caresse avec une infinie douceur la peau de son épaule. Au même instant Hercule bondit sur le muret, à leurs côtés et, leur rire se mêle au bruit ambiant de la ville qui s'agite autour d'eux. 

- Je suis fier de toi, lui souffle-t-il à l'oreille.

- La vie peut commencer.

Sur ces paroles, Constance laisse la lettre glisser jusque sur son ventre. Le noeud qui encombrait sa gorge s'amenuit à mesure que le papier et l'encre se métamorphose en cendres. Elle sait que Théo vivra pour l'éternité; il suffit d'écouter son coeur battre à mesure que ses pensées se dirigent vers lui pour s'en rendre compte. 

- Je vais mettre les bagages dans le taxi, rejoins-moi quand tu te sens prête, l'informe-t-il.

Constance lance un regard reconnaissant à Elliot qui s'éloigne en direction du salon où patientent leurs valises à l'attention de Londres. La capitale anglaise correspondait à la destination idéale pour reprendre pied dans la réalité. Elle étudit longuement les courbes que dessinent les feuilles blanches lorsqu'elles se tortillent pour échapper aux flammes destructrices mais, salvatrices. Hercule pousse un énième grognement et, Constance juge le moment opportun pour rejoindre son meilleur ami dans le taxi. 

Dans l'avion, Constance garde les yeux rivés sur les monticules cotonneux que forment les nuages. Elle se dit que l'âme de Théo erre peut être dans un endroit semblable à celui-lui et, que dans ce cas, son repos est assuré. La main d'Elliot vient se loger dans la sienne et, elle sent une nouvelle émotion s'éprendre de son être. Une chaleur douce et dansante se répand au creux de son ventre. La présence du blond semble devenir suffisante et, l'unique réel besoin dont sa vie nécessite. 

Le fantôme de Théo pèse encore sur leurs têtes mais, désormais, il résonne comme une bénédiction. C'est l'accord muet qu'il lui profère; l'incitant à sauter pieds joins dans ce bonheur qui lui tend les bras. 

- Je crois que je suis prête pour un "nous".

Le visage stupéfait d'Elliot se tourne vers elle, la lumière du crépuscule jaillissant du hublot pour illuminer les traits du blond. Avec douceur il replace une mèche brune derrière son oreille, effleurant sa joue du pouce, au passage. Leur front se colle, se rencontre alors que leurs lèvres se redécouvrent et se lient. Des murmures et des soupires envieux s'animent en direction des sièges voisins. Et, pour la première fois depuis ce qui lui semble une éternité, Constance lâche prise. Elle n'est plus seulement un coeur brisé qui vogue désespérément sans quête particulière. Constance est un être qui renaît, dont le palpitant bat comme au premier jour et qui a enfin trouvé sa bouée de sauvetage, prête à l'aider au fil de leur existence.

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Voilà le dernier chapitre de Correspondance à un revenant ! L'écriture de ce chapitre m'a rendu très émotive, en espérant que vous le ressentirez également. Je vous rassure, je ne vous abandonne pas sur cette note finale; un épilogue sera bientôt posté. Je vous embrasse, Jude x

Correspondance à un revenantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant