Huitième bonbon - 3/4

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Elendil posa les pieds sur le plancher de sa chambre, bâilla, puis se gratta les cheveux. Sa tignasse emmêlée tenait plus du nid d'oiseau du fil de soie.

Sa nuit avait été courte et agitée, en partie à cause d'un vampire absolument charmant mais beaucoup trop énergique. Il lui avait sucé le sang à plusieurs reprises, et puis sucé tout court beaucoup d'autres choses, si bien qu'Elendil n'avait plus qu'un souvenir assez confus de la veille.

Et il s'était cogné le crâne contre sa propre tête de lit. Ça ne lui arrivait jamais, d'ordinaire.

Sa sexualité débridée ne fut pourtant pas la seule source de désagrément matinal. Elendil plissa les yeux pour inspecter plus attentivement le parquet. Il plia la jambe, examinant la plante de son pied gauche, et grimaça de dégoût.

Des paillettes. Encore et toujours des paillettes.

Flocon en semait derrière lui chaque fois qu'il passait. Elles éclaboussaient tout quand il faisait jaillir ses grands élytres de papillon, pleuvaient à chaque coup d'aile qu'il donnait pour s'envoler. Mais le pire, c'était quand il les faisait disparaitre : c'était comme si elles se désagrégeaient en poussière scintillante.

Ça s'infiltrait partout, collait à la peau, résistait au lavage. Elendil avait refusé depuis plusieurs jours de recevoir la fée ici et pourtant, il ne pouvait plus faire un pas sans en trouver collé à ses affaires. Il avait beau gronder pour que Flocon garde rangées ses fichues ailes, il n'y avait rien à faire.

C'était un vrai cauchemar.

Heureusement pour lui, Elendil avait deux ou trois autres chambres à investir quand il recevait quelqu'un. Son appartement occupait tout un étage de la maison, autant de portes dérobées pour accueillir différents clients. Il avait en ce moment une chambre baroque, pleine de dorures et de marbre, et une chambre forestière dont il s'était encore peu servi. De façon assez ironique pour un elfe, il n'aimait pas trop la verdure et l'extérieur. Il comptait bien transformer cette pièce, mais ne savait pas encore exactement quoi en faire. D'autant plus que ce n'était pas le moment de faire des dépenses superflues.

Fidèle à sa réputation, il détestait dépenser de l'argent, surtout dans des choses aussi futiles que du mobilier. C'était sur l'hôte que tout reposait ; la chambre n'était qu'un écrin, un enrobage.

Un enrobage plein de paillettes. Il grogna et s'enferma dans la salle de bain pour frotter énergiquement la poussière brillante collée à ses pieds.

Il lui fallut un bon moment pour réussir. Une fois habillé d'une chemise de soie blanche et d'un pantalon de velours, il s'installa devant sa coiffeuse en poussant un soupir. Il brossa longuement ses cheveux emmêlés, vérifia la longueur de sa frange avec une moue circonspecte. Puis il ouvrit l'un des tiroirs où étaient rangés toute une série de tiare sur des coussins de velours. Il en choisit une avec un saphir taillé en marquise, un délicat ovale aux extrémités pointues, et le posa délicatement sur son front, juste sous la naissance de son cuir chevelu. Puis il ramena en arrière le reste de sa longue chevelure et la tira soigneusement sur le haut de son crâne, la fixant par broche dorée.

Il s'accouda nonchalamment sur le bord de sa coiffeuse. Il lui arrivait d'avoir peur de croiser son reflet. Il avait beau l'avoir enterré depuis plus de douze ans, depuis que Mordigann l'avait sorti de son caniveau, il lui semblait parfois que le gamin aux genoux maigres et aux cheveux filasse n'était jamais très loin. Rien que pour le contredire, Elendil rajouta à peine un peu de poudre sur son visage triangulaire, pour avoir un teint parfait.

Il enfila un gilet d'un bleu sombre aux motifs damassés, dont il noua soigneusement les boutons ouvragés. Puis, rajustant ses manches, il enfila un simple anneau d'or autour de son poignet. Il aurait peut-être pu fournir un peu plus d'effort, mais l'essentiel était fait. Il était prêt.

Il n'était pas sitôt descendu à l'étage principal qu'il entendit du grabuge au bout du couloir, et redressa la tête, déjà blasé.

Par un désastreux hasard, il tomba sur Mordigann au moment exact où ce dernier s'apprêtait à retourner dans son bureau.

Il ne pouvait pas le rater. Et pourtant, il fit comme s'il ne le voyait pas. La nuque droite, le regard rivé devant lui et l'expression hostile, il traversa le couloir sans lui jeter le moindre coup d'œil, ni même le saluer.

Son patron, lui, le regarda passer.

Il suivit longtemps la nuque dégagée de l'elfe, sa démarche altière et sa taille souple. Par-dessus les dernières volutes de fumée de sa cigarette et l'odeur de tabac, il sentit le parfum d'Elendil lui assaillir les narines, la senteur familière de sa peau et de ses produits de bain.

La faim lui donna des crampes d'estomac et il brûla subitement d'envie de saisir l'elfe par le bras, de le plaquer contre le mur pour enfouir le nez contre sa gorge et les mains sous ses vêtements. De se loger entre les cuisses fermes d'Elendil. Il pouvait presque sentir ses cuisses s'accrocher à ses hanches pour encaisser ses coups de rein.

Mais le temps que l'idée se fraye un chemin dans son esprit, Elendil s'était déjà évaporé dans le salon, comme la fumée de son mégot mourant.

Fébrile, Mordigann s'appuya contre le mur pour s'allumer une autre cigarette.

Fancy CandiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant