Deuxième bonbon - 5/5

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Adrian déglutit, ébloui par la candeur de la créature, même après leurs ébats intenses. Elle semblait ronronner, sûrement loin de se douter des outrages qu'elle avait subi, de l'innocence qu'elle venait de lui sacrifier. Cette pauvre créature n'avait vu que le plaisir, ces sensations nouvelles et déroutantes qui avaient fait réagir son corps. Son corps que le prince avait souillé de son essence humaine, impure et lubrique. Livré en pâture à sa concupiscence.

Il en rougit, et son propre assouvissement lui laissa un petit goût amer. Il se retira sans un mot, provoquant un soupir chez son innocent partenaire.

Flocon n'avait pas l'air de comprendre son désarroi, et tenta de glisser les mains sous les vêtements de l'humain pour le caresser comme ce dernier l'avait fait pour lui. Comme Adrian ne réagissait pas, il lui lança un petit regard triste et le poussa doucement pour le renverser.

Surpris, Adrian se laissa faire, s'allongeant sur le dos dans le matelas moelleux. Flocon grimpa sur lui et s'installa à cheval sur son bassin, le fixant avec une moue penaude. Ses cuisses et son ventre blanc, encore marqués par leur passion, n'avaient pas perdu de leur pouvoir érotique et le prince sentit ses regrets se teinter d'un désir renaissant. Il tendit la main pour caresser la joue de Flocon, effleurant ses cheveux du bout des doigts.

– Tu n'as même pas de raison de m'en vouloir, n'est ce pas... ? Tu ne t'es rendu compte de rien...

Flocon le fixa avec curiosité, frotta sa joue contre la paume du jeune prince avant de capturer son poignet pour laper les doigts tendus. Il chercha à presser son bassin contre celui d'Adrian, quémandant avec une impatience touchante une nouvelle étreinte, comme pour connaître à nouveau ce plaisir intense que le prince lui avait donné.

Mais ce dernier, fatigué et honteux de sa propre dépravation, ne s'en sentait pas capable. Il se redressa, pour embrasser avec une tendresse révérencieuse le front de la jeune fée.

– J'espère que tu pourras me pardonner...

Flocon le regarda partir d'un air penaud. Adrian renfila ses bottes, rajusta ses vêtements sans lui accorder un seul coup d'œil. Agenouillé sur l'édredon, son chignon défait laissant échapper de longues ondulations vaporeuses, Flocon ne devait pas comprendre pourquoi le prince le quittait si vite. Son beau regard azur était un peu déboussolé, semblait lui demander pourquoi il s'en allait, alors que ce qu'ils avaient fait avait été si bon.

Adrian n'en fut que plus troublé. Il rajusta son sabre et se racla la gorge.

– Je te remercie pour ce moment... lui glissa-t-il sur le seuil de la porte.

Il la referma doucement et s'enfuit sans demander son reste, l'esprit aussi confus que troublé.

oOoOo

La neige continuait de tomber au dehors, recouvrant le rebord des fenêtres, étouffant le paysage sous sa blancheur ouatée. Il n'y avait pas un bruit dans la pièce, rien d'autre que le doux crépitement des flammes, et la respiration calme de Flocon.

Sans un mot, ce dernier sentit ses épaules s'affaisser. Agenouillé sur le lit, il regarda l'édredon froissé d'un air distrait, la tête ailleurs, plongé loin dans ses pensées. Un gros oreiller gardait encore la forme de leurs têtes, la sienne et celle d'Adrian. Il l'attrapa et le serra contre lui, fermement, y enfouissant le menton. Le regard vide, il resta ainsi un long moment.

Puis quelqu'un frappa doucement à la porte. Il y eu un long silence, puis le visiteur sembla se rappeler que Flocon ne parlait pas, et ne pouvait donc pas l'inviter à entrer. Quelqu'un tourna la poignée et la tête de Mordigann apparut dans l'embrasure. Voyant Flocon seul, il agrandit un peu plus l'interstice et se pencha à l'intérieur. Derrière lui, ce n'était pas la grande salle au lustre immense par laquelle était arrivé Adrian, mais le désormais familier couloir de la maison Fancy Candies.

– Alors... ? demanda Mordigann en arquant un sourcil.

La tête d'Elendil apparut au-dessus du bras qui tenait la porte. Flocon reconnu le haut de sa chevelure cendrée, le bijou dont il se servait pour nouer ses cheveux ainsi que la tiare dorée qu'il portait toujours sur le front. Curieux, l'elfe se hissa sur la pointe des pieds pour observer la chambre et son occupant. En dessous du bras de Mordigann, la tête de Purr apparut elle aussi, l'air un brin choqué.

Flocon serra un peu plus fort le coussin contre lui, renfrogné. La lèvre froncée, le regard vide, il boudait très clairement. Mordigann comprit aussitôt ce qui le vexait tant.

– Je t'avais prévenu, dit-il d'un ton blasé. Les humains ne sont pas très endurants.

– Je le savais ! cria victorieusement Elendil en s'éloignant. Ça ne lui a pas suffi ! Inari, tu me dois de l'argent !

Purr, lui, s'accroupit sur le sol d'un choqué. Il cligna des yeux plusieurs fois, abasourdi.

– Mais... mais il avait l'air si innocent... !

Mordigann soupira, les yeux levés vers le ciel. Boudeur, Flocon s'assit en tailleur sur le lit pour enfouir son visage tout entier dans son coussin.

– Les fées des neiges n'aiment que deux choses, Purr. Le sucre, et la chaleur humaine.

Flocon renifla dédaigneusement. La chaleur humaine... Il ne parlait pas, mais ses yeux s'exprimaient pour lui.

Ces humains étaient bien fragiles. Juste une seule fois... ! Et courte, qui plus est. À peine de quoi le satisfaire. Il était déçu, et vexé, mais surtout frustré.

Mordigann soupira, chassant Purr d'un petit coup de pieds pour l'envoyer se remettre de son traumatisme ailleurs. Ce pauvre lycan était bien naïf, quand il s'y mettait. Comment pouvait-on seulement croire que Flocon était pur et vierge ? Sa silhouette androgyne débordait d'érotisme et de soif de luxure. Mordigann secoua la tête.

– Tu es toujours d'accord pour travailler ici... ? demanda-t-il en s'accoudant au chambranle. Tu peux encore changer d'avis.

Flocon lui lança un regard effronté, avant d'hausser les épaules. Ses prunelles couleur d'azur dérivèrent doucement de Mordigann jusqu'au plancher, du plancher jusqu'à la table de nuit. Les cupcakes encore intacts élançaient la pointe de leur glaçage coloré vers le ciel. Il les fixa longuement.

Le petit prince humain avait été très loin d'être aussi vigoureux que ses précédents amants. Déçu par ce premier client, il redoutait que les autres soient comme lui.

Mais il y avait les gâteaux. Les biscuits... et les bonbons, les tartes, les mousses, les charlottes. Les éclairs et les guimauves, les pâtes d'amande et les sucettes.

Et les cupcakes. Les meilleurs qu'il n'ait jamais mangés.

Il fit une moue songeuse qui lui tordit le coin de la bouche.

Puis il fixa de nouveau Mordigann et avec un lumineux sourire, hocha vigoureusement la tête.

Bien sûr qu'il était d'accord pour travailler ici.

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