J'avais écrit sur google "que faire à Paris ?", si j'avais pu j'aurais aussi précisé "dans un endroit sans risque de rencontrer Sonia ou mon frère". J'aurais même précisé "sans avoir l'air d'une touriste qui cherche la Tour Eiffel". Avec mon père et ma mère, on voyageait tous les étés et grâce à leur goût pour les séjours tout organisés en club, j'ai acquis le mien pour l'aventure et les visites loin des sentiers battus. Je m'ennuyais comme un rat mort lors des visites. Respecter les plans des guides m'horripilait. Je déteste les lieux touristiques et je déteste aussi qu'on me prenne pour une touriste. Au point où si je dois prendre une photo je ressens de la gêne à le faire en public. Je me tiens à bonne distance de tout ce qui me rappelle que de l'Histoire, de la culture et des traditions on veut faire sortir des billets violets. Je voudrais me mettre en quête d'authenticité et avec mes expériences de voyage en famille jusqu'à ce jour, j'ai été servie du contraire. A Paris, premier séjour seule, je comptais donner le sens dont je rêve à une expérience loin de la maison.
J'ai vu défiler sur google des noms connus partout de choses à voir à Paris, le Louvre, la Cathédrale Notre-Dame, l'Ar de Triomphe... Disneyland... Je n'avais pas l'envie de visiter les monuments de l'intérieur, j'en avais de toute façon pas les moyens. J'étais venue avec 40 euros en poche et rien sur mon compte. Je comptais clairement, comme depuis toujours, sur mon frère pour assurer. Je prenais la direction de la Cathédrale Notre-Dame, proche de là où j'étais. Puis j'ai déambulé dans les rues en direction de la Basilique du Sacré-coeur. Une amie de ma mère m'avait raconté une fois que c'était un bon spot pour voir tout Paris. Qu'en plus en en descendant on passait par Montmartre et que, fan de tourisme ou pas, il fallait s'y rendre. J'ai marché sans me fatiguer parce que mon attention était toute prise par la vie qui se déroulait partout autour de moi. Finalement, je suis arrivée au pied de la basilique vers 12h et, ne sachant où et quoi regarder, je me suis adossée près des parapets qui annoncent les grands escaliers face à la Basilique. J'aurais aimé choisir un coin directement sur les escaliers pour me reposer quelques minutes mais il était rempli par des bandes de touristes et des bandes de jeunes en général. Il y avait en plus un homme qui se produisait en spectacle, une foule l'entourait et l'acclamait. De mon côté, un peu l'abri de la foule, j'ai décidé finalement d'appeler mon frère. J'avais reçu des appels et des messages désespérés. Il fallait le rassurer.
Il a répondu à la première tonalité et il était à cran, manifestement :
"-Allô ? T'es où ? Est-ce que ça va ? Je suis passée à l'hôtel, le vigile est un bon pote, il m'a dit t'avoir vu sortir à 8h! J'ai cru que t'étais rentrée à Lyon plus tôt du coup!
-Je suis là pour 2 jours. A la base c'était pour voir mon frère, maintenant c'est pour voir Paris et, tu vois, c'est moins décevant.
-T'abuses... Tu sais bien que j'y peux rien. C'est elle là! elle tape des crises c'est à te rendre barjot! Tu peux pas comprendre. Bref t'es où ?"
C'était la parole de trop. J'étais calme et j'avais réfléchi mais balayer toute cette histoire par un "bref" m'a fait un effet que je n'attendais pas. Avec mon calme j'ai eu l'impression d'offrir un cadeau à un ingrat. J'ai voulu me débarrasser de lui rapidement et mettre fin à cet échange. J'ai réussi à voir dans toute l'activité autour de moi des raisons de ne pas trop donner de mon énergie à Salim. Je voulais raccrocher et continuer de me promener, seule. Ce que je voyais à quelques mètres ressemblait à de la joie tandis que ce qu'il me racontait m'ennuyait et me vexait.
-Laisse tomber. Je vais retourner à Lyon, j'ai avancé mon billet.
Pourquoi j'avais menti ? Je ne sais pas trop. Peut-être ai-je cru que dans ces conditions il me lâcherait plus vite. Mais sa réponse est aussi allée trop vite pour moi.
-Ah ouais ? T'sais quoi, c'est mieux comme ça. On rattrapera cette fois-là une prochaine fois c'est promis mais là c'est pas trop le moment. Vaut mieux que tu rentres. Du coup je vais appeler mon pote et annuler l'hôtel. T'inquiète, la prochaine fois ce sera pas du tout comme ça. On peut se voir vite fait quand même. T'es où ?
J'ai décliné sa proposition en prétextant devoir rapidement me rendre à la gare pour mon train. Sèchement, j'ai raccroché. Je crois même qu'il parlait encore quand je coupais la communication mais je m'en fichais. J'ai fait chaque geste très lentement par la suite, je crois que je commençais à avoir peur du temps. J'ai rangé très lentement mon téléphone dans mon sac, comme si ça aurait un fait pour changer le cours qu'avait pris la conversation. Je me suis mise très lentement à marcher en direction du spectacle comme pour donner envie à la foule de faire durer sa joie pour toujours. Je suis restée longtemps le regard rivé sur l'homme qui excitait l'assistance, je voulais piquer dans son énergie. Et puis j'ai lutté pour faire que mes larmes arrivent lentement mais j'ai finalement pleuré. Parce qu'il me restait une journée et demie à Paris et je ne savais plus où aller; parce que Salim pensait que je serai de retour à Lyon ce soir et qu'il avait annulé ma réservation à l'hôtel; parce que je n'avais pas les moyens d'en payer un autre, parce que je ne voulais pas à avoir à penser à tout ça et aussi, parce que j'étais seule.
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Voyage au bout de moi-même
Historia CortaCommencer à fouiller l'histoire de ma famille et de nos origines n'était pas dans mes projets. Après tout, on vivait en paix... Mais la paix ce n'est que quatre lettres pour un concept vite envolé si l'on commence à poser des questions, si l'on est...