Une table à l'écart - A Paris partie 6

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L'obscurité avait recouvert toute la Capitale et les vents commençaient à s'amuser de nous voir encore traîner... Comme pour nous inciter à rejoindre rapidement nos chaumières un vent glacé s'est mis à souffler. Les personnes autour de moi ont adopté la même posture de défense : les têtes s'engonçaient, les fermetures remontaient, le pas s'accélérait. A mon tour je frissonnai et rabattai maladroitement ma veste trop légère pour cette soirée parisienne. Un coup d'oeil discret vers Anis ne fit constater qu'il ne semblait pas s'inquiéter de la fraîcheur soudaine du temps, il avait enfilé sa veste noir et avançait sans trouble apparent, les mains dans les poches. On marchait silencieusement. Je l'ai soupçonné de ralentir sa cadence normale pour ne pas me distancier et si je n'avais pas craint d'avoir l'air bizarre je l'en aurais remercié. Avoir sillonné Paris à pied m'avait finalement usé et après cette heure de repos, mes jambes,  m'en voulaient sûrement de les faire repartir. Quand il m'a demandé l'air de rien "tout va bien ?", j'ai pensé que j'avais froid, que mes muscles étaient cassés et que mon estomac était probablement en train de se dévorer lui-même. J'ai répondu :

"-Oui oui... On est encore loin ?" J'ai vu son sourire et ce qu'il disait, c'est qu'il me sentait très bien. J'ai souri en retour, gênée, comme percée à jour.

-Non, on y est justement!" 

Alors il s'est arrêté au seuil d'une porte bien trop discrète pour que je me sois doutée qu'elle renfermait un petit restaurant, très fréquenté et à l'ambiance tout de suite familiale. Apparemment c'était un habitué puisque je l'ai vu adresser des signes de la main à des personnes éloignées et serrer celle du serveur qui nous avait installé quelques minutes après notre arrivée. On nous a conduit directement à l'écart des tables où étaient réunis des groupes d'amis et des familles pour nous installer dans une espèce d'alcôve solitaire. J'ai regardé le serveur qui nous y avait conduit s'en aller et j'avais envie de le retenir et de lui demandé quelque chose de moins... intimiste. Anis s'est installé, il ne partageait pas ma gêne manifestement. Je craignais qu'il comprenne ce qui me retenait et ralentissait mes mouvements s'il me regardait. La soirée prenait soudainement une tournure par beaucoup trop romantique, je me sentais entraînée dans un mouvement que je ne contrôlais pas. Depuis mon arrivée à Paris, il n'y avait apparemment rien que je pouvais faire pour décider de la direction de ma vie. Expliquer à Anis que je me tenais encore debout parce que je ne comprenais rien à ce qui arrivait et que je commençais à en être sérieusement fatiguée aurait juste été ridicule. En plus, je n'étais pas sûre que ce moment de mon séjour à Paris me déplaisait sincèrement... Je me suis donc attablée, comme dans un autre monde et je me demandais si toutes ces choses qui m'arrivaient avaient un sens.  

  

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Voyage au bout de moi-mêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant