Chapitre 20

35 5 2
                                    

Point de vue de Keelie

-Il y a des tas de choses que tu ignores sur notre société, me dit Tyler.

Son ton est grave et sérieux...je n'aime pas ça.

-Tu sais, continue-t-il, lorsque j'engage des valets et des servantes dans ma maison, je leur fait signer une charte de confidentialité qui leur interdit de sortir toute information de cette maison sans l'accord du maître de maison : ici, c'est Alison ou moi-même.
Les employés savent également qu'ils doivent déclarer chacune de leur sortie, et si celle-ci est exceptionnelle -comme la tienne-, ils doivent demander l'accord au maître de maison. Or, Maxens n'a non seulement pas déclaré ta sortie, mais il ne m'a pas non plus demandé mon accord.

-Et c'est pour si peu que vous lui avez demandé de partir ? Ça arrive à tout le monde de faire des erreurs ou d'oublier quelque chose...

-Laisse-moi finir, et tu comprendras tout, Keelie. Ce n'est pas la première fois qu'il nous fait le coup. Il quitte souvent le manoir en fin de journée, et nous ne savons pas où il va. Nous avons découvert qu'il communiquait avec un homme extérieur au manoir au moins une fois par semaine, mais nous ne savions pas ce qu'ils se disaient. Nous avons également remarqué qu'il parlait souvent en messes basses avec Laura, qui a rejoint notre personnel depuis très peu de temps. Nous trouvions cela suspect, et tout comportement suspect doit être surveillé et analysé. Nous ne devions prendre aucun risque. Il y avait beaucoup trop en jeu.
Le jour de ton arrivée, nous avons réussi intercepter l'une de ses communications avec son associé. Il parlait de toi, Keelie. Il a écouté nos conversations et a tout délivré à son interlocuteur. Il a juré de garder toutes les informations qu'il entend confidentielles. Nous n'avions pas besoin de plus pour l'accuser comme traître. J'espère que tu comprends...

Je hoche la tête, muette, avant de la baisser lentement, prenant conscience de ses mots.

-Ce n'est pas par méchanceté que fais cela, Keelie. C'est par précaution. Je fais en sorte de ne pas trop m'impliquer dans la Révolution à cause des problèmes que ça peut causer -tu l'as bien remarqué-, mais c'est parfois compliqué et il faut savoir prendre des décisions très difficiles.

J'ai envie de lui dire que je comprend, que j'accepte sa décision, mais aucun mot ne sort de ma bouche.

-Keelie, m'implore-t-il. Ne pleure pas et parle-moi. Tu m'inquiète.

Je lève la tête et croise son regard inquiet. Je ne m'étais même pas rendue compte que je pleurais. Je dois être vraiment fatiguée, et sûrement légèrement chamboulée par les changements qui s'imposent dans ma vie. Je me rends maintenant compte que je ne suis pas au bout de mes peines, et que ce n'est que le début de mon calvaire.

Je soupire et tente de sortir un mot, pour rassurer Tyler, mais je n'y arrive pas. Je n'arrive qu'a sortir des petits sons saccadés, mais rien de compréhensible. Avant même que je n'ai pu les retenir, les larmes reviennent de plus belles, sans que je ne sache pourquoi.

C'est à ce moment-là que Chaz entre dans le salon. Son regard se pose sur son père, puis moi. Il ouvre la bouche pour dit quelque chose, mais se ravise. Il se tourne de nouveau vers son père.

-Mère veut te parler, c'est au sujet de "Tu sais quoi"...

Tyler hoche immédiatement la tête et se lève du sofa, avant de se pencher vers moi et de me dire avec douceur :

-Si tu as le moindre souci, n'hésite pas à en parler à Alison ou à moi-même.

Je lui souris du mieux que je peux et tente de sécher mes larmes. Ils prennent vraiment soin de moi, ça fait du bien de se sentir un peu considérée.

Après que son père soit parti, Chaz sz tourne vers moi et je vois son regard déterminé.

-Keelie, je suis désolé de m'être emporté tout à l'heure. Je n'arrive pas à comprendre ce que tu ressens, j'ai toujours eu la vie facile. Mes parents sont toujours là quand j'ai besoin d'eux, j'ai des amis, une petite soeur adorable...Je n'ai jamais vécu ce que tu vis, ta souffrance. J'ai réagit comme un idiot.

Encore une fois, aucun mot ne sort de ma bouche. Si je m'attendais à ça ! Ses excuses me viennent droit au coeur, mais je n'arrive pas à le lui dire. Je me contente donc de lui sourire et de lui adresser un clin d'oeil complice. Il se détend aussitôt.

-Je suis heureux que tu ne m'en veuilles pas. Tu sais, je n'ai pas envie qu'on passe notre temps à se haïr et à se disputer. Je sais que William a dû te dire des tas d'horreurs sur moi, mais je suis simplement très compétiteur. Je veux me racheter, mais je ne sais pas comment faire, c'est trop tard, désormais...

Je secoue la tête. C'est faux, on peut toujours se racheter, et je compte bien le lui prouver.

-Tu sais, si tu n'essaies pas, c'est vrai que ça n'avancera pas. Qu'as-tu as perdre ?

-Rien, c'est vrai. Mais je voulais juste te dire que je ne veux pas te renvoyer l'image que William a dû te faire de moi : un homme froid, distant, médisant, égoiste. Je veux te prouver que je vaut mieux que ça, et j'espère que tu me laisseras une seconde chance.

Je hoche la tête, convaincue. Si il souhaite faire des efforts, j'en ferai aussi.

-Peut-être qu'on pourra enfin repartir sur de nouvelles bases, je souffle.

Un sourire naît sur son visage.

-Merci beaucoup. Maintenant, il va falloir que tu t'entraînes a maîtriser ton don. Je crois que mon père t'attendra dans environ trente minutes sur le terrain. Tu sais où il est ?

Je secoue la tête. Lydia m'a fait visiter la maison, mais pas les alentours. Surtout que le terrain est sensé être gardé secret.

-Je te le montrerai tout à l'heure. Tu as déjà une tenue, non ?

-C'est exact.

-Je t'attendrai devant ta chambre pour te montrer le terrain, alors.

Sur ces mots, nous quittons le salon pour rejoindre nos chambres respectives. Arrivée dans la mienne, je trouve de nouveau un mot posé sur mon lit.

"Je viendrai bientôt te faire payer ta résistance, Keelie.
J."

Un frisson me parcourt l'échine. Même si rien ne m'est encore arrivé, le corps de Lyla continue de me hanter, et le mot posé sur son cadavre tourne dans ma tête. Et ce n'est que le début... Je crois que je veux pas connaître la fin.

Blanche [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant