Chapitre 21

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Point de vue de Keelie

Après m'être apprêtée puis relaxée pendant la demi-heure qui m'était accordée, j'entend quelqu'un toquer à la porte. Je me dirige vers celle-ci, l'ouvre et tombe nez à nez avec Chaz. Je lui souris timidement, puis il me rend mon sourire.

-Tu es prête ?

J'acquiesce, et me rend compte que lui aussi est en tenue d'entraînement. La combinaison est moulante à souhait et épouse parfaitement les muscles de ses bras et de son torse. Je dois avouer que le spectacle n'est pas désagréable et je me surpend à le reluquer de haut en bas. Il éclate de rire : je suis repérée. Il faut dire que je ne suis pas la reine de la discrétion.

-La vue te plait ? Me demande-t-il d'un air coquin.

Je ne réponds pas. Je me contente de baisser les yeux, rouge de honte. Lui a l'air de s'amuser comme un fou.

-Je dois avouer que moi aussi j'apprécie le spectacle.

J'écarquille les yeux, abasourdie. Si je m'attendais à ça ! Il faut dire que je l'ai cherché...
Passé ce moment de pure gêne pour moi, il décide enfin d'arrêter de me taquiner et il me guide jusqu'à l'un des deux salons au fond de la demeure. Dans l'angle de la salle, il déverouille une porte dont la couleur se fond dans le mur. Il faut avoir un oeil de lynx pour repérer son emplacement. La porte menant au terrain des Meriador y ressemble sensiblement.

Lorsqu'il me dévoile le terrain, je me rends compte qu'il n'y a pas que la porte qui ressemble à celle des Meriador. Ce terrain d'entraînement est la copie de celui sur lequel j'ai exercé quelques jours plus tôt.

Un sourire naît sur mon visage. Les usages de ce terrain ne me sont pas inconnus : j'ai testé à peu près toutes ses fonctionnalités avec William, et je dois dire qu'il en existe énormément, qui sont toutes très complexes. J'ai hâte de tout approfondir avec Tyler.

Je reconnais d'ailleurs ce dernier entre les rayons de soleil qui m'eblouissent. Il arbore un sourire qui je ne saurait décrypter.

Chaz me pousse vers son père et prend la parole.

-Je peux rester avec vous pour aujourd'hui ? J'ai très envie de savoir comment va se débrouiller ta nouvelle victime.

Il termine sa phrase avec un petit rire. Le sourire qui naissait sur mon visage se crispe. J'espère qu'il plaisante, je ne suis pas rassurée dans ce monde qui m'est inconnu.

Tyler éclate de rire devant mon air désemparé.

-Ne t'inquiète pas, il plaisante !

Mon inquiétude ne disparaît pas pour autant, mais les deux hommes ne relèvent pas et m'invitent à commencer mon entraînement.

Pendant plus de deux heures, j'enchaîne interrogatoires et tests, qui finissent par me lasser et me fatiguer. Au bout d'une énième tentative vaine qui me rend plus ridicule qu'autre chose, je prend une énorme pierre et la lance le plus loin possible, enragée. Par je ne sais quelle malchance, elle ricoche et revient avec violence sur mon pied. Je pousse un hurlement de rage et de douleur en me tenant fermement le pied. Chaz me lance un regard mi-méprisant, mi-amusé.

-Il va falloir te canaliser si tu veux arriver à faire ressurgir ton don !

-Dis celui qui a mis des années avant de pouvoir former un petit nuage, je marmonne dans ma barbe.

Son amusement se transforme en rage suite à ma répartie.

-Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, me rétorque-t-il froidement. Tu n'as pas à me faire de leçon, à ce que je sache.

Tyler intervient et nous sépare avant que nous n'allions plus loin. Je préfère ça, je suis bien trop faible et je n'ai pas la force de me disputer avec Chaz.

L'entraînement se termine dans une ambiance tendue et, lorsque je commence à sortir du terrain pour me doucher et me changer, Tyler m'interpelle.

-Ne prend pas en compte les remarques de Chaz, il est très aigri à propos de ses entraînements, me conseille-t-il gentiment.

-Alors il n'a pas à me faire de reproches, non ?

Il hoche la tête lentement, approuvant mon incompréhension, mais défend son fils en disant que c'est Chaz et qu'on ne peut pas le changer. Je ne suis pas d'accord. On peut toujours changer les gens, il suffit juste de faire un minimum d'efforts. Je ne pense pas que Chaz veuille en faire, et c'est tant pis pour lui. Je n'ai vraiment pas envie de me disputer dans le vent avec lui.

Je retourne ensuite dans ma chambre pour me doucher et me changer et je trouve la poudre que Lysandre m'a offerte pour mon départ. Notre discussion de ce matin me revient en mémoire. "Le village s'appelle Diantis. Je t'attends Samedi, dans trois jours, à 14 heures, près de la fontaine." Je ne dois pas oublier son rendez-vous. Cependant, je ne sais pas encore comment je vais faire pour m'y rendre. Maxens est parti, il ne pourra pas m'escorter ; Tyler ne souhaite pas que je quitte le manoir, et il est hors de question que je demande un quelconque service à Chaz.

C'est donc la mort dans l'âme que je reprends la lecture des lettres de mon grand-père.

"18 janvier de l'an 3463. Sanglosia.

Ma douce Lory,

Je viens de rentrer du Voyage à l'époque de Jack Grifing et j'ai pu découvrir comment le premier Blanc de l'histoire est apparu. Je me suis caché dans le laboratoire d'expériences L-D546 grâce à la poudre d'Akaphos que les Wonder m'ont donnée. J'ai découvert que Jack est devenu Blanc très tard, alors qu'il n'avait qu'une vingtaine d'années. J'ai cru voir sur l'ordinateur de l'un des scientifiques qu'un nouvel allèle était apparu sur l'un des gènes de notre prédécesseur. Nous ne sommes donc que des mutants, pas des monstres. Je n'ai pas pu observer l'intérieur du laboratoire, car l'effet de la poudre commençait à s'estomper, mais je suis certain que cette découverte va nous aider à avancer dans notre combat.
J'espère que de votre côté, tout se passe bien, mais je ne me fait aucun souci. Les Wonder me communiquent régulièrement des nouvelles de Sooty, et je suis heureux de savoir que de nouvelles têtes nous rejoingnent régulièrement. Peut-être arriverons-nous un jour à nous faire accepter ?

Prends soin de toi.
Je t'aime fort, nous pensons à vous.
Jacob."

A la fin de ma lecture, je reste immobile. Je relis les mots de mon grand-père : Nous ne sommes donc que des mutants, pas des monstres.
Il parle également de la poudre d'Akaphos. Il en connaissait donc l'utilité ! Je souhaite vraiment en savoir plus sur cette Révolution, et les acteurs qui la dirigent.

Blanche [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant