Les vibrations de la caisse se communiquaient à mes bras, à mon corps entier. Tout mon être battait au rythme insufflé par mes baguettes, suivi par mes sœurs à la guitare.
Starlie, l'ainée, usait de sa profonde voix nonchalante pour nous accompagner, sublimer notre mélodie. Daisy et Pyper donnaient tout, à en casser les cordes, bougeant, sautant avec toujours plus de vivacité. J'étais subjugué par cette force qui s'emparait de nous, nous retournait, puis nous remettait à l'endroit à grand renfort de basses.
C'était encore meilleur que leurs regards, les flashs et le tempo imposé par les pas des mannequins. Cette musique, c'était vraiment moi.
Et ceux venus pour nous écouter ne s'y trompaient pas ; jamais un de ces mecs au look grunge ne viendrait me retrouver en face du catwalk. Les bras en l'air, foulant le sable du désert californien, ils dansaient sur notre rythme, respectaient nos musiques pour mieux se les approprier. Ils bougeaient tous différemment, ce qui, de loin, donnait une certaine unité à cette foule.
Moi-même je me sentais essoufflé comme si je fournissais aussi l'effort de danser sous le soleil brûlant. Ma respiration se faisait sifflante, mon cœur fragilisé par ma rencontre de la veille peinait à supporter les puissantes basses. Elles cognaient, résonnaient dans ma cage thoracique, exactement comme si j'avais deux cœurs. Un pour elle, et un pour la musique.
Je prenais vraiment mon pied, avec ces baguettes que j'abattais sans relâche, sans pause, sur les cimballes vibrantes. Torse nu, en sueur, mes sœurs à mes côtés, c'était moi.
Juste moi.La chaleur ne tarda pas à avoir raison de nous, et nous dûmes nous arrêter pour nous restaurer ; et surtout, retrouver une température corporelle moins élevée. Pyper babillait gaiement avec une amie qu'elle avait fait venir pour l'occasion - Pyper avait la sale habitude de ne jamais sortir seule.
Pendant longtemps, elle s'était accrochée à moi, si bien que tout le monde nous croyait jumeaux. Mais elle était bien évidemment plus jeune, même si nos ressemblances s'étaient accentuées lorsque nous avions été repérés par un agent artistique. En effet, il nous avait conseillé de nous teindre les cheveux en blond platine, alors qu'ils étaient à l'origine blond cendré. De nous quatre - avec Daisy et Starlie - seuls Pyper et moi avions sauté le pas vers cette teinte presque blanche qui faisait ressortir nos bronzages.
Cela expliquait sans doute pourquoi les gens nous croyaient jumeaux : même forme de visage, même yeux bleu-gris translucide, même couleur de cheveux...
Et quelque part, j'étais bien plus proche d'elle que de mes autres sœurs. Peut-être parce que nous étions tout aussi incapables l'un que l'autre de s'entourer des bonnes personnes...
C'était sûrement pour cette raison qu'elle et ma sœur étaient toujours amies. La même raison pour laquelle ma langue se retrouvait soudée à la sienne, après un show, dans la pénombre.
Mes erreurs faisaient partie de moi, le problème c'est que je ne faisais rien pour m'en séparer.
Au contraire, j'allais au devant des suivantes ; je les anticipais.

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À un souffle de toi
RomanceIl ne manquait pourtant presque rien entre mon cœur brisé et son âme noircie, presque rien... Juste un souffle amer. #49 catégorie nouvelle le 09/05