Elle sortit de la cuisine sans demander son reste, emportant dans son sillage ma raison, ne me laissant que mes sentiments emmêlés. Pyper lui adressa un regard empli de reproches avant de se détourner vers moi, encore plus furibonde. J'allais passer un sale quart d'heure.
— Lucky... Je peux savoir ce que tu faisais ? gronda-t-elle.
Je soupirai, perdu, le moral au plus bas. Je ne voulais pas ça, cette absence d'épanouissement, cette douleur à chaque baiser, cette impression bancale d'être vivant. Il manquait de la constance à ma vie, mais je n'étais même plus sûr d'être capable d'en profiter. Je l'avais eue, et elle m'avait été retirée brutalement, sans pitié, si bien que je craignais que tout recommence un jour.
Impatiente, Pyper croisa les bras et commença à s'avancer vers moi en prenant l'expression de notre mère lorsqu'elle était énervée. C'est-à-dire, sourcils froncés, bouche pincée en une moue de mauvais augure, yeux bleus assombris. Cela eut le don de me faire légèrement trembler d'appréhension, même si en face de moi ne se tenait que ma petite sœur, que j'avais connue avec un palmier sur la tête.
— J'en sais rien, bordel. Je suis paumé, Pyp's.
Cela la calma instantanément, car son regard se radoucit, et elle s'assit face à moi sur un tabouret du bar. Si Pyper ne gesticulait pas, c'est qu'elle s'apprêtait à se concentrer - même si ça ne durait jamais bien longtemps.
— Lucky... si je continue à la voir, c'est pour que vous vous réconciliez. Je sais que ça a mal fini entre vous, mais Stormi est une chouette fille, et toi tu es encore plus chouette.
Je poussai un profond soupir, désespérant d'avoir trois sœurs, dont une qui ne pouvait pas s'empêcher de fourrer son nez dans mes affaires presque quotidiennement. Pyper n'était pas au courant de toute l'histoire. Ma sœur ne connaissait que la version qu'elle lui avait communiquée, et non toute cette douleur, ces baisers volés, mon cœur en vadrouille... Et je ne voulais pas qu'elle le sache, ce serait bien trop dur à accepter, exactement comme ça l'avait été pour moi.
— Et bien tu devrais arrêter, finis-je par souffler. Elle et moi... ce n'est qu'une répétition d'erreurs.
Je vis la peine dans ses yeux, qui avaient retrouvé leur couleur bleu cristal. Pyper adorait réparer les gens, et son grand frère presque jumeau en particulier. Elle voulait à tout prix rafistoler ma relation, même si cela comprenait être amie avec une fille imbuvable et fausse. La preuve, elles ne se voyaient que lors de rares shooting photos, ou défilés. Elle n'était pas le genre de fille à venir nous écouter en concert.
Je tournai les talons et sortis à nouveau sur la terrasse, où elle s'y trouvait encore. Elle papillonnait autour du photographe dans sa robe blanche vaporeuse, lui adressait des moues boudeuses, laissait sa longue chevelure ébène le frôler, l'envoûter. Ses yeux verts se posèrent sur moi, ils étincelèrent d'une lueur de satisfaction en apercevant ma grimace de dégoût.
Un sourire naquit sur ses lèvres lorsqu'elle réalisa qu'elle en était à l'origine.
Et mon cœur sombra un peu plus dans ma poitrine.

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À un souffle de toi
RomantikIl ne manquait pourtant presque rien entre mon cœur brisé et son âme noircie, presque rien... Juste un souffle amer. #49 catégorie nouvelle le 09/05