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J'espère bien que quelqu'un y parviendra un jour ! répondis-je avec un entrain feint.

Le noisette de ses yeux se teinta d'éclats dorés, j'étais persuadé qu'elle savait décrypter les sourires faux. Malheureusement pour moi. Je ne me démontai pas, et continuai à la scruter, me surprenant à vouloir qu'elle comprenne. Qu'elle saisisse l'étendue de mes blessures, et qu'elle les accepte. Elle soutint mon regard, jusqu'à ce que j'en sois surpris, cela faisait presque trop longtemps que nous nous fixions. Pourtant aucun de nous ne souhaitait se détourner, il y avait cette tension qui nous liait l'un à l'autre.

Bon, les gars, qui veut une bière ? nous interrompit une Pyper impatiente. C'est bien beau de se regarder dans le blanc des yeux, mais je m'ennuie, moi.

Je levai les yeux au ciel, désormais véritablement agacé par ses manières. Elle s'incrustait dans ma médiation post-apocalyptique, m'amenait sa pote au magnétisme sidérant, et ne se privait pas pour me taper sur les nerfs. Décidément, rien ne me serait épargné.

America accepta sa proposition, fossettes aux creux des joues, tandis que je déclinais. L'alcool et moi, c'était terminé. Je me tournai à nouveau vers ma compagne qui m'avait attrapé par le bras et entraîné plus près de la scène. La pression exercée par sa main aurait dû me faire reculer à cause de sa familiarité, pourtant, ce n'était pas le cas. J'avais l'impression de vivre une soirée normale en compagnie d'une fille normale - bien qu'indubitablement charmante. Et c'était rafraîchissant. Cette chevelure méchée de bleu nuit qui flottait derrière elle était un cocktail qui détonait avec ma douleur mal dissimulée.

Elle s'arrêta finalement à la lisière de la lumière apportée par les spots, et commença à danser, se balançant sensuellement sur le rythme de la musique, m'hypnotisant littéralement. Les paillettes dorées de ses yeux brillaient dans lapénombre, invitation à m'approcher d'elle afin de mieux les détailler. C'est ce que je fis, et elle accompagna mon pas de son bras balancé négligemment autour de mon cou. Nous étions proches physiquement, mais c'était surtout mes pensées qui voguaient en compagnie des siennes sous les lumières tamisées.

Il suffisait à ses yeux de me sonder pour que la porte verrouillée de mon cœur s'entrouvre légèrement. C'était presque imperceptible, et peut-être juste l'illusion apportée par un désir grandissant, mais je l'acceptais. Peu importait que ce ne soit qu'un mirage, tant que ses bras m'enlaçaient.

C'est bon ? T'es en condition pour sourire ? me chuchota-t-elle finalement.

La malice formait de légères rides sur son front, et des vagues dans mon corps. Cette fille était un miracle qui m'était accordé, peut-être en compensation à ces longs jours passés à m'occuper de quelqu'un d'autre que moi ; quelqu'un qui n'en avait pas besoin.

Hum, pas sûr. Et pas sûr que tu sois la personne qui y arrivera.

Je ne faisais que me cacher derrière un mur en verre déjà presque brisé, j'aurais souris jusqu'à en avoir mal aux joues pour lui faire plaisir. Je le savais, et cela me faisait peur.

Parce que la dernière fois que j'avais ressentis cela, mon cœur avait été piétiné.

Parce qu'aujourd'hui encore, je payais le prix de mon amour trop puissant.

À un souffle de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant