han river ; seokhan

night five

Cela fait une semaine que Seokmin possède le moyen de contacter Jeonghan - une semaine que son nom est inscrit dans les contacts de son téléphone, mais une semaine qu'il efface chacun des messages qu'il tente de lui envoyer. Quelle approche adopter?

Ni l'un, ni l'autre ne traînent vers la rivière en ce moment - Seokmin prétexte devoir travailler sur ses cours d'anglais, ou reste un peu plus longtemps à la garderie avec les enfants de CP, et Jeonghan traîne des pieds en évitant méticuleusement le pont, le fameux banc et ses alentours. Nul ne saurait dire pourquoi il agit ainsi ; c'est une de ces choses très claires dans un esprit qui deviennent aussitôt floues et inexplicables lorsqu'on essaie de les verbaliser.

La rivière, elle, a bien remarqué qu'une infime molécule de travers avait suffi à faire basculer le savant équilibre de l'endroit: le banc désormais vide tous les soirs attend à nouveau que quelqu'un l'occupe - mais les deux élus semblent en avoir décidé autrement. Le mois de Juillet file sous ses doigts sans qu'elle ne puisse y faire grand chose.

Les nuits douces d'été se transforment parfois en orages: Jeonghan, déjà un peu saoul, écoute le tonnerre comme si c'était une autre de ses mélodies de jazz. Adossé à sa fenêtre, il se demande ce que fait Seokmin, dont il ne connaît finalement pas grand chose.

Et Seokmin, de son côté, se réfugie sous sa couette en position fœtale car il a peur de voir des éclairs transpercer le ciel. Son portable éclaire son visage apeuré, et il se dit que perdu pour perdu, il serait certainement moins seul en parlant un petit peu avec Jeonghan. C'est ainsi qu'après dix minutes passées à cogiter sur la meilleure façon d'envoyer un premier message, il appuie sur la touche "send" et cache sa tête sous son oreiller le plus épais.

me:
salut jeonghan, c'est seokmin

me:
ahhhh je suis désolé d'avoir mis une semaine à t'envoyer un message je savais pas quoi dire

jeonghan 🌱:
salut seokmin, je crois que je commençais à m'impatienter

jeonghan 🌱:
tu vas bien?

me:
je m'ennuie il y a de l'orage et j'ai peur

me:
et toi?

jeonghan 🌱:
je suis un peu bourré et je m'ennuie comme un rat mort

me:
ça a le mérite d'être clair

jeonghan 🌱:
viens chez moi

me:
à 21h30, un mercredi soir? j'amène les plugs et le lubrifiant?

me:
c'était une blague........

jeonghan 🌱:
je t'attends 😇 tu braveras ta peur de l'orage pour moi

me:
tu t'imagines même pas ce que je fais pour toi

Jeonghan, si, imagine Seokmin sortir sans parapluie de chez lui, avec seul google maps pour l'aider à retrouver le chemin. il s'abrite sans doute avec un sweat. Encore trop long pour lui, sûrement. Peut-être le même sweat rouge que la dernière fois. S'il ne met pas sa capuche, ses cheveux vont être mouillés. Il sonnera à la porte comme un pauvre caniche apeuré - sauf que Seokmin est bien plus qu'un simple animal.

Et lorsqu'il arrive enfin sur le palier, Seokmin ne porte pas de sweat mais une simple chemise blanche complètement trempée. La pluie était peut-être chaude, n'aidant pas à alléger cette atmopshère de nuit orageuse. Son parapluie, qu'il pose dans l'entrée du petit appartement, n'a effectivement pas aidé le cas de ses cheveux mouillés. Des gouttes perlent sur son visage, jusque dans son cou - Jeonghan a du mal à garder les idées claires tant le chien mouillé qu'il attendait s'est transformé en bel éphèbe.

A partir de là, tout s'exécute très vite - si vite que les deux peinent à suivre la cadence des évènements. La nonchalance de Jeonghan s'est complètement volatilisée:  à peine le temps de faire visiter son studio à Seokmin - là c'est mon lit, là mon frigo et ici la douche - que la chemise trempée de Seokmin gît sur le parquet, à côté du matelas.

- Pourquoi juste une chemise? demande Jeonghan.

- Parce que toutes les fois où je t'ai vu, et même maintenant, tu portais des chemises. Alors j'ai voulu faire pareil. C'est con hein? Maintenant je suis torse nu et je vais devoir te jeter de l'eau dessus.

Jeonghan n'a pas le temps de prononcer un "t'as pas intérêt", que Seokmin trouve à la vitesse de la lumière une bouteille d'eau qu'il lance sur Jeonghan.

- On est à égalité maintenant.

- C'est quoi ce jeu de séduction un peu nul? rit Jeonghan.

- N'empêche que ça marche, répond Seokmin.

La rivière devrait se cacher la vue après une scène digne d'un livre à l'eau de rose. Mais voilà, ce qui est fait est fait: deux chemises sont maintenant couchées contre un sol glissant, et les deux enfants de mme Han sont en train de se rapprocher lentement. Ce sont leurs corps qui s'entrechoquent un peu maladroitement et leurs lèvres qui se rencontrent pour la toute première fois.

Sans presque rien connaître l'un de l'autre, ils s'embrassent comme si tout était naturel. Il faut se rendre à l'évidence: c'était quelque chose que tous les deux désiraient intimement.

Mais voilà, même si les lèvres sucrées de Seokmin plaisent à celles de Jeonghan, si leurs étreintes sont si intenses, si les habits commencent à s'amasser sur le sol : Jeonghan est ivre et Seokmin est faible. Il y a des odeurs de vodka et de tabac froid jusque dans la douche où leurs ébats se poursuivent.

- Tu veux continuer? murmure Jeonghan, ce à quoi l'autre se contente de hocher la tête, essouflé et presque suffoquant.

La vapeur de la douche se mène à la vapeur de la cigarette - d'autres choses aussi. Il leur semble inhaler des poppers et continuer de mêler leurs corps sur un son de musique douce - encore un artiste de Jazz dont Seokmin ignore l'existence. Tout est flou et trouble ; et même quand Seokmin caresse l'échine de Jeonghan, son toucher ne semble même pas réel; tout cela est juste un marasme de désir et de luxure contrôlé par rien du tout ; il fallait juste que cela se passe.

Seokmin pourrait rester les heures le corps collé contre celui de cet inconnu. Jeonghan a bientôt vingt-deux ans, aime le jazz et les jolies choses, et sa présence l'excite autant que l'apaise.

Le plus vieux en redemande et vient chercher les lèvres rosies de Seokmin - tout cela continue jusqu'à l'épuisement, jusqu'à ce que les deux finissent à se partager un drap neuf. Tandis que le plus jeune trouve le sommeil immédiatement, l'autre passera le reste de la soirée à se demander ce qui vient de se passer.

Il fouillera son appartement dans un état chaotique pour retrouver les flacons de poppers, des joints à moitié écrasé et le corps de Seokmin presque nu dans son lit.

La rivière aurait sans doute opté pour de plus jolies retrouvailles - quelque chose de précieux et poétique; mais quand Jeonghan est alcoolisé, les choses semblent se passer autrement.

- Seokmin, tu dors?

Seokmin ne répond pas. Peut-être que c'est sa première nuit avec un autre homme depuis longtemps. Peut-être qu'il a inhalé la fumée comme il a bu le corps de Jeonghan - le laissant épuisé, dormant à poings fermés dans le lit d'un inconnu.

Jeonghan se surprend alors dans une observation accrue de son inconnu: de ses mèches de cheveux noirs et épais jusqu'à ses yeux fermés et paupières légèrement tracées, à ses pommettes saillantes et bras recouverts de veines très bleues. Seokmin possède également beaucoup de grains de beauté; que Jeonghan s'amusera à compter jusqu'à ce que lui même s'endorme.