Une légère pression sur mon épaule me fit sursauter. Où étais-je ?- L'hôpital m'a appelé. J'ai fait le plus vite que j'ai pu pour venir. Merci Halley, merci pour tout ce que tu fais pour lui. Tu devrais aller te reposer... Il est 6h. Tu as dormi toute la nuit ici ?!
Le visage rassurant de mon père était penché avec tendresse sur le mien. Autour, une chambre d'hôpital. Dans ma main, celle de Scott. En effet, j'avais vraisemblablement dû dormir quelques heures sur cette chaise pourtant très peu confortable. Une ou deux heures, pas plus, c'était certain. Je me souvenais maintenant avoir passé la fin de soirée et le début de la nuit dernière à lui parler pour essayer de l'apaiser pour qu'il parvienne à s'endormir, puis à veiller sur son sommeil, qui menaçait de s'écrouler à tout moment. Mes efforts pour garder les yeux ouverts s'étaient sont donc révélés être un échec. Mais je ne l'avais pas abandonné, m'assurai-je en jetant un regard sur sa main que je n'avais pas lâchée un seul instant.
- Heu oui.. à peu près..
Ils t'ont dit ce qu'il s'était passé ? J'étais avec lui et il a rigolé et il..- Je sais, je sais.. Ne t'en fais pas, ce n'est pas grave, il va bien maintenant, me rassura t il en posant de nouveau sa main bienveillante sur mon épaule. Tu devrais vraiment aller dormir. Rentre à ton appart, je m'occupe de lui.
Je regardai Scott allongé sur ce lit de fer. Il était dans ce lit depuis plusieurs semaines. Non "il ne va pas bien maintenant". Je dégageai avec précaution ma main de ses petits doigts, puis me redressai avec difficulté à cause des courbatures. Mon père me prit dans ses bras, et m'adressa un sourire sans conviction.
- Tu reviendras ce soir ? Me questionna-t-il avec une voix qui se voulait neutre, mais qui traduisait une certaine implorance.
- Bien-sûr papa. Comme d'habitude.
Parce que c'était la triste réalité. C' était devenu une habitude.
On avait même dû établir un planning avec papa, dès le premier jour de l'arrivée de Scott à l'hôpital. Comme je travaillais souvent tard en semaine, et que lui devait désormais travailler dans un bar tout le week-end en plus de ses jours en tant que professeur au collège pendant la semaine afin de payer les frais médicaux coûteux (qui n'étaient évidemment pas tous pris en charge par la sécurité sociale), il venait voir Scott tous les soirs du lundi au jeudi. Moi je lui rendais visite du vendredi soir au dimanche soir, en essayant de passer le plus de temps dans les journées avec lui selon mon travaille à faire pour la fac, qui perdait alors par ce fait son statut de priorité.Je lui collai un bisou sur la joue et avant de franchir la porte, lui chuchotai,
- Prend soin de lui.
Et je m'autorisai à sortir, tout en me remémorant les paroles de l'un des nombreux chirurgiens qui s'étaient penchés sur le pneumothorax de Scott. Il est impératif d'éviter toute nouvelle rechute car si les deux poumons sont atteints au même moment, son pronostic vital peut être engagé.
Une fois que j'avais franchi la porte de mon appart (pour lequel le qualificatif de studio-spacieux-pour-un-logement-d'etudiant aurait été plus adéquat), je posai mes clefs sur la table basse et m'affalais sur mon canapé, que je n'avais pas le courage de déplier pour en faire un lit. Après être restée plusieurs heures assises sur une chaise, ce dur matelas me donnait l'impression d'être atterrie dans une couche de plumes épaisses et duveteuses.
À peine avais-je fermé les yeux que je dormais déjà. Un sommeil de plomb, sans cauchemar cette fois.
Quand j'ouvris les yeux, je me rendis compte aussitôt que la luminosité avait considérablement baissé depuis que j'étais arrivée ce matin. Un coup d'œil à ma montre m'indiqua que ce que je croyais avoir été une sieste était en réalité plus proche d'une l'hibernation.. Il était 18h ! Après avoir pris une douche éclair et être montée dans la voiture, j'arrivai un peu plus tard à l'hôpital.
Mon père m'attendait à l'entrée, un café à la main, destiné à le tenir debout toute la nuit.- J'ai dormi plus que prévu, avouai-je, comment va-t-il ?
Devant son visage inquiet, je connaissais déjà une partie de la réponse.
- Il a été transféré en salle d'opération en fin de matinée. Il avait encore beaucoup de mal à respirer...
( Ce n'est pas nouveau, me dis-je )
... Enfin, encore plus de mal que d'habitude, ajouta-t-il comme s'il m'avait entendue. On lui a refait la même intervention qu'on lui avait faite en urgence le premier jour. Pour heu.. drainer l'air qui s'était remis dans la heu..- Cavité pleurale, complétai-je comme si je récitais un cours appris par cœur.
- Oui c'est ça. Là il est dans sa chambre et il va mieux.
( "Mieux".. Pourquoi il ne pourrait pas simplement aller bien, comme la plupart des enfants de son âge ? Pas besoin d'avoir fini ses études de droit pour savoir que ce n'était pas juste. Elle aurait dû payer à sa place. Elle, aurait dû aller tellement mal qu'on parlerait seulement de "mieux".)
Mais je me contentai d'hocher la tête devant mon père exténué.- Je dois y aller, me dit-il à contre cœur. Merci encore Halley. Je suis désolée que tu aies à prendre son rôle.. Bonne nuit ma chérie, me dit-il en me serrant dans ses bras.
Je reviendrai demain dans la matinée, j'ai réussi à poser une demie journée de congé.
Et il franchit la porte en me faisant un signe de la main.Je repensai aux mots qu'il avait employés: "son rôle ".
Le rôle que je n'aurais pas dû lui laisser reprendre il y a quelques jours.
Le rôle qu'elle ne pouvait désormais plus reprendre aujourd'hui, même si elle le voulait.
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Ces Poussières Filantes
RomanceHalley vient d'avoir 18 ans. L'âge des fêtes, des aventures, de l'impossible et de l'insouciance ? Pour elle, pas vraiment. Son petit frère est à l'hôpital et, quelles qu'en soient les raisons, elle porte sa part de culpabilité et de remords. Mais...