Rien.Je ne distingue rien dans ce couloir obscur et lugubre qui semble sans fin. La seule lumière parvenant à mes yeux égarés provient de quelques plaques fixées aux murs décrépits, inhabituellement rouges, portant l'inscription paradoxalement rassurante: "issue de secours".
Cependant, la faible lueur qu'elles daignent m'offrir m'assure qu'il n'y a ni portes ni fenêtres. Seulement des murs et un plafond qui semble vouloir fusionner avec le sol.Privée de la majeure partie de mes facultés visuelles, mes autres sens n'en sont qu'exacerbés. Malheureusement, mon odorat m'inflige la perception aiguë de la puanteur qui règne dans ce lieu austère. Une odeur cadavédrique.
Je commence à avancer lentement, droit devant moi -puisque de toute façons mes choix d'orientation ne sont pas nombreux- en espérant trouver une sortie.
J'aperçois au loin, par intermittence, le fragile éclairage d'un néon, accompagné par le grésillement sinistre de ses ampoules agonisantes.
Puis je distingue, quelques mètres plus loin encore, un petit garçon debout, les bras ballants, qui me fixe d'un regard vide sans esquisser le moindre mouvement.Et soudain un cri. Un cri de détresse assourdissant semblant sortir des murs, de partout à la fois, mais qui vraisemblablement, provient de ce petit garçon que je vois toujours. Il n'a pas bougé mais l'expression se son visage a changé. Un rictus de souffrance déforme son joli visage innocent, ses yeux sont écarquillés, comme implorant mon aide et sa bouche est grande ouverte, laissant s'échapper un cri.
Un cri qui me glace les os et me pétrifie.
Je cours vers lui, je cours avec toute la force que l'adrénaline me confère.
Il a besoin d'aide. Il faut l'aider. Je dois l'aider. Mais plus j'avance, plus il semble s'enfoncer dans les profondeurs de ce couloir. Voilà que je hurle à mon tour. De panique, de frustration, de désespoir.Je me réveillai en sursaut, assise sur mon lit, le coeur palpitant anormalement vite, les cheveux mouillés de sueur, les yeux encore remplis de larmes. Je plongeai mon visage dans mes mains qui tremblaient légèrement et essayai de me calmer. Je me rappellai les paroles du médecin que j'avais consulté il y a quelques jours: "Focalisez-vous sur votre respiration. Inspirez. Expirez. Et souvenez-vous que ce n'est qu'un rêve."
Un rêve, c'est ça. J'aurais plutôt tendance à apparenter ça à un cauchemar, mais bon, chacun sa perception.Ce cauchemar, toujours le même depuis des semaines.
Ayant à peu près retrouvé mes esprits, je passai une main dans mes cheveux plein de sueur et emmêlés par cette agitation nocturne devenue habituelle, me redressai, me penchai vers ma table de nuit et pris une gellule anxiolytique que ce même médecin m'avait prescrite. "Ça vous aidera à vous rendormir".
Je regardai l'heure; 5h57. Mon réveil sonnerait à 6h30, dans 33 minutes. À quoi bon replonger dans les griffes acérées de Morphée ?Je la reposai puis parvins à m'extirper, non sans mal, de mes draps et me dirigeai vers la fenêtre exiguë de cet appartement universitaire (qui l'était tout autant) que j'ouvris afin de me hisser sur le rebord.
Il faisait bon, les étoiles m'apaisaient. Le peu de réverbères arrogants qui trônaient dans la rue où j'habitais n'étaient pas assez puissants pour les faire disparaître, de leur lumière froide et artificielle. Mais le soleil les chasserait bientôt sans effort, remarquai-je avec amertume. Une brise légère vint gracieusement frôler mes épaules dénudées, je fermai les yeux et respirai avec gourmandise cette belle nuit de septembre.Je fus arrachée de cette douce torpeur par un bruit incessant. Mon réveil, j'allais oublier.. Je descendis de mon perchoir et fermai à regret la fenêtre. Le bruit cessa et le silence envahit la pièce à nouveau. Mais c'était désormais un silence qui avait été rompu, contrarié. Je me dirigeai vers la salle de bain et me traînai sous la douche. Je me frictionnai à m'en faire mal en espérant faire partir avec l'eau mes angoisses et ma culpabilité.
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Ces Poussières Filantes
RomanceHalley vient d'avoir 18 ans. L'âge des fêtes, des aventures, de l'impossible et de l'insouciance ? Pour elle, pas vraiment. Son petit frère est à l'hôpital et, quelles qu'en soient les raisons, elle porte sa part de culpabilité et de remords. Mais...