Je montai à l'étage et poussai la porte de la chambre de Scott. Il était tellement pâle. Il esquissa tout de même un léger sourire en m'apercevant dans l'entrebâillement. Son sourire s'élargit lorsqu'il vit que je tenais son plateau repas -si l'on peut appeler les éléments d'origine inconnue entassés les uns sur les autres que j'avais dans les mains- un repas.- J'ai croisé Madame Bisounours dans le couloir, j'ai pensé qu'il était préférable que je la remplace, lui lançai-je en lui rendant son sourire.
- Ho ça oui ! Merci Halley !
Tout en m'asseyant sur un coin de son lit, je regardai avec dégoût ce qui ressemblait à des aliments, tout droit destinés à la consommation humaine.
- Sois pas jalouse, me lança-t-il avec ironie, je t'en passerai un bout si tu insistes.
En continuant sur le même ton,
- Comme c'est aimable à toi ! Mais je ne voudrais surtout pas priver mon petit frère de son seul repas de la soirée. Allez, trêve de plaisanterie, essaie d'avaler le plus possible de ces trucs, sinon c'est le retour de Madame Bisounours à coup sûr..- Tout sauf ça ! S'exclama-t-il en empoignant sa fourchette en plastique avec empressement.
Et je l'observai manger, avec autant de dégoût que reflétait son visage. Il confirma mes soupçons:- C'est dégueu !
- Pense à Mamie Colette. Et, en imitant sa voix que l'âge avait rendu aiguë et tremblotante comme ses douces mains ridées: Et bien mon petit Scott, tu ne manges pas ce que je t'ai préparé avec amour ? Tu n'aimes pas ça ? Comment ça c'est déjà la troisième fois que tu en reprends ? Oui mais un grand garçon comme toi a besoin de forces pour grandir !
Après mon imitation dont je n'étais pas peu fière, je me rendis compte qu'il avait déjà fini son plateau et qu'il me regardait en souriant, satisfait de son exploit ou de ma prestation, je ne sais pas. Mais il fallait revenir aux choses sérieuses.
- Tu n'as pas de médicaments à prendre ce soir ?
- Non, une infirmière me les a donné avant le repas.
- Très bien. Tiens, j'allais oublié, lui dis je en sortant de ma poche des étoiles phosphorescentes avec de la pâte à fixe que j'étais allée acheter avant de venir. Comme celles que tu as dans ta chambre.
- Yes ! Merci t'es trop cool ! Elles me manquaient trop !
Debout sur son lit, en évitant soigneusement sa frêle silhouette et en prenant soin de ne surtout pas perdre l'équilibre, je collai alors avec appication les étoiles au plafond, en les disposant de manière à créer les constellations qu'il avait choisies et me décrivait à partir du modèle de la boîte.
- Tu crois qu'on a le droit, me demanda-t-il, avec une pointe d'anxiété à l'idée de faire quelque chose qui était peut-être interdit.
- Et pourquoi on n'aurait pas le droit ? C'est écrit quelque part dans le règlement intérieur que les étoiles phosphorescentes sont interdites ? Je ne crois pas, lui assurai-je en appuyant sur l'interrupteur.
Et je l'observai satisfaite contempler rassuré le plafond scintillant.
Grâce à ces petites lumières qui avaient trouvé leur place sous le regard admiratif et rêveur de Scott, j'avais bon espoir qu'il arrive sans peine à plonger dans un profond sommeil, une réalité inconsciente où il serait peut-être cosmonaute, et pourrait respirer l'air de l'espace, avec beaucoup moins de pesanteur et surtout deux poumons fonctionnels.
C'est remplie de cet espoir que je quittai l'hôpital en fin de soirée et rentrai au studio.Il était 01h36 quand j'entendis mon portable sonner.
L'hôpital. Moi qui n'étais pas croyante, je me surpris à prier.
Mon dieu, faites qu'il ne lui soit rien arrivé..
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Ces Poussières Filantes
RomanceHalley vient d'avoir 18 ans. L'âge des fêtes, des aventures, de l'impossible et de l'insouciance ? Pour elle, pas vraiment. Son petit frère est à l'hôpital et, quelles qu'en soient les raisons, elle porte sa part de culpabilité et de remords. Mais...