Je monte dans la cabine d'ascenseur, me retourne et croise une dernière fois le regard désemparé de Jameth alors que les portes se referment sur nous. Au même moment, alors que je n'avais pas lâché la main de Will, comme s'il était une réelle bouée de sauvetage, je m'éloigne et appuie mon dos contre le miroir de la cabine tandis qu'il appuie sur le bouton du rez-de-chaussée.
Je souffle bruyamment, tentant de calmer cette agitation que je ressens. Je n'ai qu'une envie appuyer sur le bouton d'ouverture des portes et de me jeter sur lui. Pourtant je le sais bien, ce ne serait pas raisonnable, pas après tout ce qu'il s'est passé. Mon collègue, qui remarque immédiatement mon trouble, se retourne et me regarde attendri, un sourire de con figé sur son visage.
- Toi, tu craques toujours pour lui, me dit-il avec un air niais en agitant son index devant mon visage.
Excédée, je rejette son doigt et le regarde sévèrement en fronçant les sourcils. Les bras croisés contre ma poitrine, je boude. Suis-je si transparente ?
- Tais-toi, lui ordonné-je.
- Tu vas faire quoi ? m'interroge-t-il.
- Rien, je ne vais rien faire. A demain Will, lui dis-je accompagné d'un signe de main.
Bonjour l'humeur de chien ! Je devrais être fier d'avoir réussi à clouer le bec de l'autre connard, et pourtant, je culpabilise de jouer à ce petit jeu à la con. La cabine s'immobilise au rez-de-chaussée et je passe devant lui sans l'attendre, n'ayant qu'une envie, fuir au plus vite cet endroit et mettre un maximum de distance entre Jameth et moi.
J'arrive à mon appartement et jette mon sac sur la console à un bout de la pièce, envoi valser l'une de mes ballerine d'un côté, la seconde de l'autre, et me débarrasse de mon manteau que je laisse trainer à-même le sol. De toute manière je vis seule donc qui pourra me reprocher mon bordel.
Je m'affale sur mon canapé comme une baleine échouée sur une plage et tente d'évacuer le stress de cette journée devant ma télé. Je zappe sans trouver un réel intérêt aux programmes, à la fois entre Cyril Hanouna, les marseillais et les anges, on ne va pas dire que ça vole très haut niveau divertissement, du coup j'opte pour chasseur d'appart sur la 6. La tête trop absorbé par les revirements de cette journée, je n'arrive pas à m'intéresser réellement à l'émission.
J'avais été bête de penser ne jamais retomber sur lui, je m'étais tout connement imaginé que le jour où je le recroiserais enfin, car forcément il aurait débarqué quand je lui aurais enfin annoncé sa paternité, jour que j'imaginais dans au moins un millier d'années, je n'aurais plus rien ressentit pour lui. Mais non, il a fallu une fois de plus qu'il me surprenne, qu'il me pousse encore de nouveau dans mes retranchements. Je ne suis pas prête à devoir me confronter à lui et encore moins à son embauche dans l'un de mes services, toute cette situation s'annonce encore plus compliqué à gérer.
Comme convenu, je compose le numéro de ma soi-disant meilleure amie, ce matin n'étant pas le meilleur moment pour aborder cette crise, et ce malgré mes hurlements nous avons conclu de nous rappeler le soir pour aborder le sujet. Les mains tremblantes d'énervements mais aussi d'appréhension face à cette discussion, je cherche son numéro dans mon répertoire et appuie sur « appeler ».
- Allo !
- C'est moi, je réponds fébrile.
- Ca y est, tu es calmée ? me demande-t-elle sûrement encore énervée que je l'ai traitée de connasse sans cœur ce matin-même.
Je n'aime pas me disputer avec elle, et j'ai encore la nette impression que cette conversation risque de tourner au vinaigre. C'est bien l'une des rares personnes dont j'ai besoin durant ma grossesse qui s'annonce plus que périlleuse, et la savoir dans le camp de l'autre connard me laisse un goût amère dans la bouche.
J'ai rarement eu besoin des autres pour me débrouiller dans la vie, ma mère étant malade, dépressive, elle passait son temps à se lamenter sur son sort plutôt que de s'occuper de moi et de m'élever, me laissant me débrouiller toute seule et m'assumer jusqu'à sa mort. Quand elle nous a quitté, mon père a tenté de jouer les deux rôles, et malgré tout son dévouement, tout l'amour qu'il me portait et me montrait au quotidien, ça n'a pas forcément suffit. On ne peut remplacer une mère dans la vie de sa fille. Quand j'ai eu mon accident, Maëva était là, et à jouer cette fonction sans que je n'ai eu besoin de lui demander quoi que ce soit, elle était là et c'était amplement suffisant.
Mais aujourd'hui, je vis son geste comme une véritable trahison, savoir que malgré mes avertissements elle lui a donné l'endroit où me trouver et qu'elle a fait revenir la seule personne que je tentais de garder éloignée de moi m'énerve au plus au point et me déçoit.
- Comment t'as pu me faire ça ? lui demandé-je les larmes aux coins des yeux, tentant de contenir ma colère pour ne pas exploser de nouveau.
- Ecoute Liz, tu es mon amie, tu le sais. Et si je lui ai dit où tu te trouvais c'est pour ton bien.
- Je ne vois pas en quoi sa prise de poste dans l'un de mes services va m'aider au quotidien.
- Punaise mais ouvre les yeux ! s'énerve-t-elle.
Pourtant, ils sont bien ouverts mes yeux...
- Tu l'aimes, il t'aime. Tu sais ce que c'est que d'offrir une seconde chance ? T'étais prête à pardonner l'autre bouffon quand tu as repris le travail je te signale, alors pourquoi ne pas laisser une chance au père de ton enfant de se faire pardonner.
- Des chances il en a eu plein et ...
Elle ne me laisse pas finir, me coupe la parole et hausse le ton :
- Oui, je sais il les a gâché, mais ce pauvre mec ne savait pas ce que c'était que d'aimer. Si tu l'avais vu Liz, l'état lamentable dans lequel il se trouvait, l'éclat dans ses yeux quand je lui ai dit où tu étais, et bien comme moi tu ne regretterais pas.
- Je te faisais confiance...
- Et en tant qu'amie j'ai bien fait de lui dire ! Ecoute, Liz, tu sais que je t'aime comme ma propre sœur, et il est hors de question que je te laisse gâcher ta vie car tu souhaites conserver ta fierté. Remballe un peu ton orgueil, et laisse-lui une chance. Si j'ai eu tort, crois-moi je me démerderais comme je peux, et je viendrais moi-même sur Marseille le virer avec un coup de pied au cul.
- Tu me fatigues, lui dis-je las et à bout de force de me battre de nouveau avec elle et sûrement car au fond de moi, je sais qu'elle n'a pas totalement tort.
- Je sais, moi aussi je t'aime. Tu m'appelles demain ?
- Ok...
Après cette nouvelle conversation houleuse, et des milliers de questions supplémentaires en tête je m'allonge sur le canapé et attrape un plaid. Blotti contre le duvet chaud, le téléphone dans la main, je décide de débloquer son numéro de téléphone de ma liste noire. A peine la manipulation effectuée, je suis bombardée de sms, tous les messages de Jameth envoyés durant un mois s'affichent sur mon écran allant jusqu'à faire bugger mon téléphone.
Bordel, j'étais persuadée qu'en bloquant un numéro, tous les sms ou appels passés durant ce laps de temps étaient supprimées, pourquoi faut-il que pour lui il y ait un disfonctionnement et que de comme de par hasard, je me retrouve avec des centaines de sms qui vont jusqu'à bloquer mon appareil.
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Only You
RomanceLiz envolée à Marseille, Jameth est effondré depuis son départ. Il est bien décidé à la reconquérir, mais Liz réussira t-elle à lui pardonner? A lui faire confiance? Comment celui qui ne sait pas aimer reussira-t-il à lui prouver son amour ? Comment...