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Laya porta lentement une main à son visage, comme pour s'assurer que c'était bien le sien. Voyant son reflet en faire de même, elle en conclue que ces traits matures lui appartenaient, remplaçant son allure enfantine. Même ses joues avaient comme dégonflées.
Ses cheveux s'étaient éclaircis, désormais châtains clairs avec même quelques mèches tirant sur le blond. Ils lui descendaient jusqu'en bas du dos, ce qui était un peu trop long aux yeux inchangés de Laya.

Ses épaules étaient plus larges et sa poitrine semblait avoir doublée de volume. Ses bras, relativement musclés, débouchaient sur des mains habiles aux doigts fins et aux ongles parfaits, elle qui ne pouvait s'empêcher de les ronger.

La taille de la jeune fille s'était affinée et ses jambes paraissaient interminables. Ses vêtements étaient à peu près les mêmes, si ce n'est le changement de taille: un sweat-shirt bleu-gris, un jean et des baskets grises, autrefois du trente-huit mais qui devaient désormais frôler le quarante et un.

Laya devait faire un bon mètre soixante-dix, ce qui la changeait de ses un mètre quarante-deux. Elle dégageait une certaine assurance qu'elle ne se connaissait pas.
La maîtresse de l'esprit jugea qu'elle devait avoir autour des seizes ans. Elle sentit ses yeux s'humidifier.

Elle repartit dans le sens opposé.
Mais qu'est-ce qui lui était arrivé? Ça ne pouvait pas être possible. Ça ne devait pas être possible.

C'est ça, c'est juste un stupide cauchemar. Allez, réveilles-toi Laya!

Mais rien n'y fait. Elle était toujours là, à marcher sur un trottoir, dans un corps trop grand, trop changé.

Au bout de quelques minutes, elle arriva devant un grand bâtiment de béton. Là où elle vivait depuis sa plus tendre enfance. Son chez elle.
Elle tapa rapidement le code sur les touches de l'interphones prévues à cet effet. La porte s'ouvrit dans un grésillement familier.
Laya entra. Aussitôt, l'odeur si particulière de l'immeuble la frappa. C'était toujours la même: un mélange de tabac froid, d'humidité et le parfum exquis des bons petits plats que préparait la concierge, au rez-de-chaussée.

Elle grimpa une volée de marche et fini par arriver au deuxième étage. Elle passa devant une plante verte qui avait été posé là début printemps par une vieille femme qui habitait à cet étage. La femme était morte une semaine plus tard et personne n'avait osé retirer ou même déplacer la plante: par respect ou par crainte, personne ne le savait vraiment.
Laya s'arrêta devant l'appartement vingt-trois. Elle hésita quelques secondes avant de pousser la porte.

Aussitôt entrée, la jeune fille se barricada dans l'habitation à l'aide de quelques meubles et chaises avant de se précipiter dans sa chambre.

Puis, estimant qu'elle était tranquille, elle fondit en larmes.

*****

Kai vit Nya remuer puis ouvrir les yeux. Elle se redressa prudemment et balaya la pièce du regard, les sourcils froncés. Elle finit par voir Kai et ses lèvres s'étirèrent en un sourire.

C'est ça l'amour...

Elle se leva et s'avança vers lui, chancelante.
Devant l'expression renfrognée de son frère, elle lui demanda si tout allait bien. Kai ne lui répondit pas et fit quelques pas pour arriver face à sa sœur.
_ Tout va bien, mentit-il, je suis juste un peu fatigué.

C'est ça l'amour...

Nya scruta son regard quelques secondes avant de murmurrer:
_ Tu mens. Quelque chose ne va pas.

C'est ça l'amour...

Le regard bleu de Kai se perdit dans le vague, fixant un point invisible derrière sa sœur.
_ Dis-moi ce qui ne va pas... supplia-t-elle. S'il te plaît.
Le maître du feu resta silencieux.

C'est ça l'amour.

_ Je ne veux pas que tu te sentes coupable de ce qui m'est... arrivé. Reprit Nya. Tu n'avais pas le choix.
_ Mais toi, si. Dit-il amèrement toujours en regardant dans le vide. Tu avais le choix. Mais bon, c'est ça l'amour.
Nya eut un léger sursaut en entendant les derniers mots. Aux yeux de Kai, ça ne faisait que confirmer sa terrible théorie.
_ Qu'est-ce... qu'est-ce que tu veux dire? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.
_ Je sais que tu n'étais plus contrôlée quand tu as sauvé Jay. Cracha Kai. Et il m'a parlé d'amour. Alors j'attend que tu m'expliques.
Nya pâlit.
_ De... d'amour?
Kai hocha la tête.
La jeune fille soupira et se passa la main dans les cheveux.
_ Écoutes Kai...
_ En faite, non. Je ne veux pas savoir quelle relation tu entretien avec Jay. Mais ce n'est pas pour autant que j'accepte la situation. Trancha-t-il.
_ Mais... laisse-moi au moins t'expliquer!
_ Ah oui? M'expliquer quoi? S'énerva Kai. Tu vas m'expliquer que tu l'aimes et tout le blabla mais moi je te le dis, dans quelques semaines, un mois tout au plus, ce sera fini! Et tu n'iras pas pleurer et dire que je ne t'avais pas prevenu!
Il vit les yeux de Nya se remplirent de larmes.
_ Je ne sais pas comment j'ai pu croire que tu comprendrais! À croire que tu n'aimes personne!
_ Si, toi je t'aime! Alors n'essaie pas de retourner la situation!
Nya le depassa, les larmes roulant sur ses joues. Elle s'arrêta dans le pas de la porte et se retourna vers Kai.
_ T'as raison. J'ai sauvé Jay parce que je l'aime. Mais je pensais que toi, tu pourrais comprendre ça. J'aime Jay et il m'aime. Et ce n'est pas toi et ton... ton égoïsme qui vont m'enlever les sentiments que j'ai pour lui. Mais bon, peut-être que ça, ça te dépasse.

Sur ce elle sortit, non sans claquer la porte au passage.

𝟙• Dɪsᴘᴀʀᴜs [Eᥒ Rᥱ́ᥱ́ᥴrιtᥙrᥱ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant