𝟙• Dɪsᴘᴀʀᴜs [Eᥒ Rᥱ́ᥱ́ᥴrιtᥙrᥱ]

-57-

    Kai restait dans un sorte d'état de choc. Il demeurait là, sur son fauteuil, sans vraiment comprendre ce qu'il se passait autour de lui. Il voyait les silhouettes de ses amis s'affairer dans la pièce. Mais quelle était cette pièce? Il n'en avait aucune idée. Il se souvenait juste de s'être réveillé ici. Une voix lui avait parlée. Une voix de femme. Puis on lui avait glissé une tasse chaude dans la main.

    Une phrase le tourmentait. Une phrase qui tournait en boucle dans sa tête. Une phrase qui revenait le hanter dès qu'il essayait de la refouler.

    C'est ça l'amour...

    Oui. De l'amour. Jay avait dit amour. Pour parler de Nya. De la raison pour laquelle elle avait été blessé à la place du maître de la foudre.

    De l'amour.

    De l'amour...

    De l'amour!

    Nya, sa petite sœur, aimait Jay.

    Plus il prenait conscience de cela, plus il sentait un sentiment de haine l'envahir. On ne touchait pas à sa sœur. C'était un de ses principes fondamentaux. Jamais. Ou on en payait le prix.

    Certes, il s'en doutait. Mais au fond de lui, il avait prié pour qu'il se soit trompé.

    C'est ça l'amour...

    l'amour...

    L'amour.

    Jay avait dit ça avec tellement de... d'indifférence. Bien sûr, à ce moment là, le Maître le contrôlait. Mais le ton qu'il avait emprunté avait profondément marqué Kai. Pour lui, il était impossible d'imaginer Jay partager les sentiments de Nya.

    Il retourna la phrase en silence dans sa tête jusqu'à que la fatigue prenne le dessus et que ses yeux se ferment, le plongeant dans l'obscurité.

*****

    Cole sortit de la classe, maussade. Il s'était vu dans l'obligation, tout comme Jay, de retourner en cours.

    Vivement que ça finisse... pensa-t-il.

    Sauf qu'il venait de finir la troisième heure de la journée. Il était onze heure et demi. En outre, six heures le séparait de la fin de la journée.

    Mais même dans la journée la plus noire, il y avait toujours un moment qui venait l'illuminer du point de vue de Cole: la pause-déjeuner.

    Il jeta son sac de cours dans son casier, pris sa carte de cantine et alla trouver Lloyd. Puis, ensemble, ils prirent le chemin de la cafétéria qui, à cette heure, était relativement vide.

    Sur leur route, Cole expliqua à Lloyd les évènements de la veille. Le garçon l'écouta attentivement. Une fois le récit fini, Lloyd frissonna.

    _ Et tous ça s'est passé hier soir... fit il à mi-voix. Ça me fait froid dans le dos... Je suis désolé de ne pas avoir été là pour vous venir en aide.

    _ Je ne pense pas que ça nous aurait aidé en fait... Si tu aurais toi aussi été contrôlé, je doute que Laya aurait pu tous nous arrêter. Elle et Kai seraient sûrement morts à l'heure qu'il est. Et je doute que le Maître avait l'intention de nous laisser vivre. Expliqua Cole.

    Lloyd hocha la tête.

    _ Tu as raison. Mais bon... vous auriez dû me demander de venir vous aider.

    _ À vrai dire, ce n'est pas ce à quoi on a pensé en premier.

    Ils arrivèrent dans l'établissement. Une délicieuse odeur de nourriture flottait dans l'air. Cole et Lloyd se servirent et s'installèrent à une table non loin d'un troupeau de filles qui chuchotaient et gloussaient.
    Sans le vouloir, une bribe de leur conversation arriva aux oreilles de Cole.
    Un nom.
    Nya Smith.
    Les filles se remirent ensuite à rigoler comme des idiotes.
    
    _ Nan! Jay Walker! Avec Nya?! C'est une blague! S'exclama l'une d'entre elle.
    
    Lloyd fronça les sourcils et interrogea Cole du regard. Ce dernier se tourna vers les filles.
   
    _ Qu'est-ce qui se passe avec Nya? Demanda-t-il.
   
    Une des filles sourit. Cole savait par Nya qu'elle s'appelait Britany. Une vraie peste d'après la maîtresse de l'eau.
  
    _ Tu la connais?
  
    _ Je suis ami avec son frère. Expliqua Cole.
   
    Le sourire de Britany s'élargit.
   
    _ Et bien, hier elle m'a avoué que Jay Walker était son petit copain. Déclara-t-elle,  visiblement ravie de propager la nouvelle.
  
    Le sang de Cole se glaça. L'intuition de Kai était donc vraie.
   
    Jay et Nya.
   
    Nya et Jay.

    Ensemble.

    Il ne fallait surtout pas que Kai l'apprenne.

*****

  Les paupières de Laya laissèrent filtrer un peu de lumière du jour, obligeant la jeune fille à ouvrir les yeux. Elle se sentait fatiguée et avait mal de partout, comme quand elle avait fait une poussée de croissance, il y a un an de cela.
    Elle s'assit et s'étira.
    Laya se sentait... différente. Comme si quelque chose avait changé. Mais quoi, elle aurait bien étéincapable de le dire.
   
    Elle parcourut rapidement la pièce du regard et aperçu Kai qui dormait à poings fermés dans un fauteuil. Laya se leva et fit craquer ses os refroidis.
   
    Tout paraissait petit ici. Elle devait être dans un bien étrange lieu. Laya s'avança un peu et crut sentir ses cheveux lui frôler... le bas du dos? Elle balaya cette pensée stupide; sa chevelure lui descendait jusqu'au milieu de sa colonne vertébrale. La maîtresse de l'esprit avait du toucher quelque chose qu'elle avait pris pour ses cheveux.
  
    Laya ouvrit l'unique porte de la pièce et débarqua dans ce qui semblait être une boutique. Elle s'approcha lentement du comptoir et essaya de repérer s'il y avait quelqu'un.
    Mais elle ne vit personne. Alors, pour tuer le temps, elle parcourut les étagères qui recouvraient les murs, par simple curiosité. Elle trouva tout plein de variétés d'herbes ou de petits flacons.
  
    _ Excusez-moi! Fit quelqu'un dans son dos. Mais le magasin est fermé!
   
    Laya sursauta au son de la voix de la vieille femme et se retourna vivement.
   
    _ Hein, quoi? Mais...
    
    La dame s'approcha, la poussant légèrement de sa main vers la sortie.
   
     _ Désolé, mais c'est vraiment important. Revenez plus tard!
   
     Laya n'eut pas le temps de protester qu'elle se retrouva dehors. Elle entendit le verrou être tiré et elle perdit tout espoir de retourner à l'intérieur.

    La jeune fille passa alors les trentes minutes suivantes à marcher sur les trottoirs, sans destination.
    Si! Elle pourrait peut-être essayer de retrouver le bateau. Ou bien trouver un de ses amis.
    Laya passa devant un salon de coiffure dont la vitrine était un grand mirroir. Plus petite, elle adorait ce mirroir. Elle pouvait passer des heures à regarder son propre reflet ou à faire des grimaces avec son frère. Mais au fur et à mesure, elle se lassa et passait devant sans même jeter un regard à la surface réfléchissante.
   
    Mais là quelque chose au fond d'elle l'avait poussé à relever la tête. À voir son reflet.
   
    Et ce qu'elle vit l'horrifia.