« Schopenhauer était le précurseur de Nietzche. Il faut cependant savoir qu'il avait tendance à choisir la douleur dans ses exemples et qu'il n'accordait pas vraie importance au plaisir. Si bien qu'il faut savoir à quoi s'attendre avant de se plonger dans son œuvre. »
Le stylo courant sur le cahier, je prenais des notes de façon automatique. J'écrivais rapidement, sans savoir si je pourrais me relire après. J'avais toujours préféré écrire sur des feuilles que sur un ordinateur, comme un adolescent un peu usé de son époque. Gally, lui, préférait aussi les cahiers mais pour pouvoir dessiner à sa guise. Et puis, il restait bien trop méfiant pour amener son ordinateur dans les transports.
Je ne relevais pas une seule fois le regard. Je restais plongé sur les lettres que je traçais rapidement, mécaniquement, sans laisser mes pensées sortir de cette encre bleue.
« Tu vas te décider à me dire où tu as fini ta soirée ? Je te rappelle qu'on s'est retrouvés comme deux cons avec Minho, à t'attendre pendant une demi-heure devant le bar.
-Il était là.
-Sérieusement ?! »
Gally avait arrêté de prendre le cours en note. Heureusement, nous étions au fond de la salle, mais je sentais déjà le regard lourd de reproches de notre professeur pour ne pas m'étendre sur le sujet. Puis cette autorité restait un bon prétexte pour ne pas m'avouer à moi-même que j'avais envie de garder cette nuit-là uniquement pour moi.
« On a discuté et on s'est baladés un peu.
-Et ?
-Et c'est tout, maintenant bosse.
-C'est dingue, Thomas, ta vie est aussi trépidante que celle de mon escargot. »
J'avais ignoré sa remarque sans cesser d'écrire.
*
La cafétaria de l'université n'accueillait pas grand monde aujourd'hui. Elle se trouvait au fond, comme expulsée des regards, ce qui pouvait presque garantir un calme journalier. Minho, Gally et moi, en trois bons mousquetaires, y buvions un café. Nos cours de la journée se trouvaient enfin terminés, et j'étais dispensé de parler de la nuit d'hier avec mon meilleur ami, Gally s'en étant chargé par message juste avant de se voir.
« J'ai une touche avec Ben, disait Minho.
-T'as changé de bord ? avait demandé Gally.
-Mec, t'apprendra qu'on est tous sur un bateau et que le bord n'est jamais fixe. »
Gally avait haussé les épaules, comme pour approuver, en buvant une gorgée de sa boisson amère.
« Comment tu le sais, que t'as une touche ? je lui avais demandé.
-Des petits sous-entendus et il a finit par me demander mon num. J'ai géré. »
Cette fois ce fût à son tour de boire.
« Au fait, Brenda va bien ?
-Ouais, elle m'a offert une montre y'a deux jours. »
Gally nous montrait son petit bijoux, fier de porter le cadeau de sa petite copine.
« C'est du toc, fit Minho.
-C'est le geste qui compte. »
Rien ne semblait pouvoir effacer la joie de mon camarade de philo. Il aimait sa copine, peut-être pas l'amour de sa vie, mais suffisamment pour garder le sourire à l'évocation de son nom.
« Et Rachel, ça va ? me demanda Minho.
-Ouais, elle est toujours aussi belle. »
Cela avait fait sourire mes deux amis qui avaient retrouvés un air sérieux. Et moi, ça m'avait fait sourire.
En sortant, je suis directement allé à l'hôpital. J'ai parlé un peu à Rachel, comme je le faisais d'habitude, et je lui ais dit que mes amis continuaient à prendre de ses nouvelles. Je savais bien qu'elle m'entendait, et que même si elle ne s'en souviendrait pas à son réveil, cela pouvait toujours lui faire plaisir. Et puis, les médecins m'avaient dit que ça ne pouvait lui faire que du bien d'entendre ma voix. Je m'y accrochais, je m'y étais accroché sans doute corps et âme.
En la quittant, j'avais sur le dos mon sac de cours. Le regard un peu perdu dans le vide, j'avais, je-ne-sais-comment, réussi à croiser celui du blond. Il était là, sur le parking, à se diriger vers je-ne-sais-où et étant arrivé là je-ne-sais-comment. Et j'avais pris ça comme un nouveau miracle et je m'étais même dit, je m'en souviens encore, que le destin ne voulait peut-être pas que j'oublie cet être sorti de nulle part.
VOUS LISEZ
Newt est un rêve [Newtmas]
FanfictionIl faut que vous imaginiez le soleil d'un crépuscule. Il faut que vous imaginiez le Thomas Edison de ses dix-huit ans, tomber amoureux de Newt, un nocturne parisien. Ils ne se voient que la nuit, la capitale les accueillant et veillant sur eux comme...