« Monsieur, on peut pas faire autre chose pour une fois ?
-Ouais, genre un jeu de société.
-Un loup-garou, s'il vous plaît ! »
Le professeur leva les mains pour demander le silence. Aujourd'hui, il n'y avait pas de chauffage dans cette salle de classe, comme dans toutes les pièces de ce lycée, et ce depuis plusieurs jours. La plupart des lycéens, pour montrer leur mécontentement et pour réclamer un peu plus de considérations, avaient tout simplement décidé de bloquer l'entrer de l'établissement.
Le blocus n'avait néanmoins pas empêché la grille du parking de laisser entrer les élèves qui voulaient tout de même assister aux cours. Donc en ce jour de janvier quelque peu frileux, monsieur Edison se retrouvait à faire classe à une dizaine d'élèves qui n'avaient pas vraiment envie de travailler.
« Nous sommes en philosophie, autant faire quelque chose en rapport avec le cours, non ? »
Le professeur n'obtint pas beaucoup d'approbation et un soupir s'échappa de ses lèvres.
« Monsieur, vous avez déjà eu des blocus, quand vous étiez au lycée ?
-Quelques-uns, répondit-il en se dirigeant vers la fenêtre.
-Et vos professeurs faisaient quand même cours ?
-Certains. »
Il souriait doucement en observant les adolescents barrant l'entrée de l'établissement. Il n'avait que de très vagues souvenirs de ses années d'études, et les plus résistants ne concernaient pas vraiment les blocus.
« Qu'est-ce qu'il y a, Marie ? »
Il venait de voir une de ses élèves avec le visage triste, le menton sur ses mains et le regard perdu.
« Elle s'est fait larguer, lui apprit son voisin de table.
-Pas obligé de le dire.
-Bah il a demandé. »
Le professeur se trouvait régulièrement témoin de ce genre de scène, des discussions entre les élèves que ces derniers faisaient partager à toute la classe. Dans cette situation, il restait la plupart du temps silencieux, attendant qu'ils se calment ou réclamant le silence sans vouloir s'en mêler.
« Monsieur, vous vous êtes déjà fait larguer ? »
Marie venait de relever la tête pour poser sa question. Le professeur souriait à la rencontre de quelques souvenirs jusque-là restés dans l'ombre.
« J'ai eu le droit à des râteaux, mais la plupart du temps c'est moi qui partait en premier.
-Comme tous les mecs..., souffla Marie.
-Tu généralises. Mais en y réfléchissant, remarqua-t-il, peut-être qu'une fois ça m'est arrivé...
-Peut-être ? souligna le voisin de table de Marie.
-Oui, Vins. C'est assez compliqué. »
Des rires fusèrent, comme il pouvait s'y attendre. Cette classe ne prenait pas grand-chose au sérieux, mais elle savait écouter.
« Compliqué comment ? insista Vins.
-Compliqué dans le sens où chacun interprète la fin comme il l'entend.
-Vous pouvez nous raconter ? »
Le silence se fit dans la pièce et tous les regards s'étaient tournés vers lui. Le professeur les observa un moment avant de laisser échapper un rire.
« Je ne crois pas que ce soit très intéressant pour vous...
-Ce sera toujours mieux que de rien faire. Et puis, on est curieux de savoir ce que ça donne, un prof qui se fait larguer.
-Ça donne des larmes, répondit le professeur. Ça donne aussi des pressions amicales sur l'épaule et le klaxon d'un bateau au loin. »
Constatant que ses élèves restaient attentifs dans l'attente d'une suite, il soupira et se dirigea lentement vers son bureau. Un coup d'œil à sa montre lui fit comprendre qu'il avait encore beaucoup de temps devant lui. Il s'assit et regarda ses élèves.
« Bon, très bien. Mais interdiction de m'interrompre, surtout que ça risque de prendre du temps.
-Vous inquiétez pas, on vous connaît à force, on sait que vous parlez beaucoup.
-Et pourtant, ce n'était pas vraiment le cas il y a quelques années... »
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Newt est un rêve [Newtmas]
Fiksi PenggemarIl faut que vous imaginiez le soleil d'un crépuscule. Il faut que vous imaginiez le Thomas Edison de ses dix-huit ans, tomber amoureux de Newt, un nocturne parisien. Ils ne se voient que la nuit, la capitale les accueillant et veillant sur eux comme...