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   J'ai couru pendant ce qui m'a semblé des kilomètres, mais je ne me suis pas arrêté. J'ai couru comme je n'avais encore jamais couru et je l'ai vu... Il était là, en train de longer les quais. Il avait un sac de sport à la main qui semblait peser lourd et il ne se rendait pas compte que je le poursuivais. Je savais bien que si je me plantais devant lui en lui promettant de ne pas bouger, il allait me contourner. Je savais bien que je pourrais crier aussi fort que j'en serais capable, il saurait faire le sourd. Il avancerait quoiqu'il arrive. Mais j'avais une arme : Newt s'était déplacé pour moi le jour. S'il tenait un minimum à moi, ce que je m'apprêtais à faire ne le laisserait pas indifférent.

   J'ai couru jusqu'au premier pont venu. Je ne savais pas où était Minho, mais je me suis mis à crier pour que Newt m'entende.

« Newt, retourne-toi ! Regarde-moi, je tente quelque chose, j'ose enfin ! »

   Il s'est retourné et c'est ce moment que j'ai choisi pour sauter dans la Seine. Maintenant que je sais qu'il est venu à ma rescousse, je peux facilement l'imaginer laisser son sac à terre et courir jusqu'à l'eau pour s'y jeter et me rejoindre. Moi, en attendant, je sentais l'eau froide venir me glacer les os et m'engloutir tout entier. J'ai eu l'impression qu'elle tentait de me retenir, qu'elle voulait me garder au fond, m'empêchant d'atteindre la surface et même peut-être de l'apercevoir.

   Je me suis quand même battu. J'ai pensé à pleins de choses et aux rues nocturnes et je me suis débattu dans cette eau froide parisienne et polluée. J'ai atteint la surface avant de sentir un bras m'entourer. Newt me ramenait à la rive.

   Il m'avait tiré de l'eau et nous étions tous les deux sur la terre ferme. J'était allongé et lui à côté de moi. Nos respirations irrégulières s'accordaient étrangement mais il a réussi à dire :

« Je dois quand même partir, Tommy.

-Et moi je t'aime. »

   Il m'a regardé comme si j'étais fou. J'étais persuadé que je n'étais pas la première personne à le lui avoir dit, mais peut-être que c'était la première fois qu'il avait voulu l'entendre. Il s'est relevé et m'a tendu la main pour que je fasse de même. Il n'a fait aucun sourire, il m'a regardé un instant qui a duré une éternité et qui valait bien les kilomètres parcourus pour le rejoindre. Puis il a fait demi-tour et il s'est éloigné.

   Il marchait loin de moi. Il ne s'évaporait pas comme dans mes rêves, mais la lenteur de ses pas suffisait à me torturer. Il est arrivé à la hauteur de son sac et s'est arrêté sans y jeter un regard. Je l'ai observé, me demandant dans combien de temps il se pencherait pour le prendre. Des souvenirs de nous et de draps blancs me revenaient en mémoire. Je revoyais nettement dans mon esprit nos mains entrelacés dans la grande roue. Je voyais mes doigts glisser sur la pierre du pont qu'il avait sauté, son visage la première nuit qu'on avait passé ensemble et finalement le plus beau sourire qu'il ait pu m'offrir, cette nuit-là de notre rencontre.

   Newt s'est finalement retourné. Il s'est mis à courir vers moi et il m'a embrassé. Cette fois-là, il m'avait offert un baiser de peine et de passion que j'espérais bien accueillir.

« Pardonne-moi. »

   Il a ensuite pris ma main et l'a déposé sur son cœur. J'en ai ressenti les battements frénétiques et j'ai compris.

   Newt s'est éloigné, son sac à bout de bras et sa chevelure dorée. Un bateau klaxonnait au loin et je sentais déjà quelques larmes venir tracer de nouveaux chemins sur mon visage. Une pression amicale sur mon épaule m'avait fait comprendre que Minho s'était tenu à l'écart. Mon ami me soutenait et moi je voyais Newt disparaître.

Newt est un rêve  [Newtmas]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant