L'habitude nous réconcilie avec tout.

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L'habitude nous réconcilie avec tout.

Edmund Burke.

Le colosse entendait encore le brouhaha habituel de la cuisine bourdonner dans ses oreilles, en quittant l'endroit. Comme à son habitude il s'était assis sur la table du fond, non pas pour éviter de se faire déranger, mais parce qu'elle était la plus grande.

Cette bâtisse était à l'origine l'endroit où tous les soldats se réunissaient pour parler avec leurs chefs de la prochaine attaque ou pour recevoir les ordres du jour. Maintenant, les soldats s'y retrouvaient toujours, mais plus question de parler de guerre ou de moyens de défense. La cuisine était devenue le fief de tout un peuple qui aimait s'y retrouver pour manger un morceau partager un bon moment.

Elle s'était tant faite agrandir, aussi bien en hauteur qu'en largeur, qu'elle ne ressemblait plus du tout à la petite maison carrée d'origine. Pour l'ami, elle ressemblait plus à un champignon à l'envers qu'autre chose. Un champignon fait aussi bien de bois et de pierre et constamment plein. Le Rez de chaussé servait de cuisine et de salle de service, à l'intérieur tout était en bois, l'étage servait de réserve alimentaire avec une petite armurerie bien cachée derrière de gros sacs de graines.

L'une des règles d'Ana disait qu'il devait toujours y avoir un cuisinier et que l'on pouvait s'y restaurer à toute heure de la journée comme de la nuit. Elle avait toujours été respectée.

Anton et Zoran s'étaient fait apporter deux bouteilles d'alkogol' chacun et un morceau de viande. Habitué au colosse, le serveur décida de rapporter une petite table pour la placer à côté de l'ami. Dessus il mit ses bouteilles et un verre, qui ne servirait pas.

L'ami, une fois l'estomac plein et gavé de son ami bien trop bavard, prit la direction du terrain d'entrainement. Au loin Sabryne lui fit un signe de la main auquel il répondit de bonne grâce sans pour autant ralentir le pas. S'il y avait bien une personne, à part Ana, à qui il ne pouvait pas mentir, c'était bien elle. Elle savait les choses, elle les sentait c'était d'ailleurs pour cela que c'était elle qui s'occupait de l'éducation des jeunes. Elle et Ana croyaient dur comme fer que l'éducation et le savoir étaient la clé de beaucoup de choses.

- Hé toi ! Oui toi l'gamin avec la tronche de travers. Héla l'ami en mettant ses deux mains autour de sa bouche pour mieux se faire entendre quand il arriva enfin à sa destination. Le petit protégé de Zoran, qui avait en effet le visage en mauvais état, se retourna et haussa un sourcil. Le pauvre eut du mal à avaler sa salive.

Anton impressionnait tout le monde, même ses amis. C'était un homme qui sentait le combat, certains disaient que toutes les âmes qu'il avait fauchées le hantaient.

Grâce au soupçon de magie donnée par la Zabyl, les soldats cicatrisaient extrêmement vite. En moins de temps qu'il en fallait pour le dire le jeune avait de nouveau un visage sans traces ni plaît.

- Dis-moi, commença le colosse une fois qu'ils étaient plus proches l'un de l'autre, Zoran me vante tes qualités d'soldat. Alors, montre-moi ce que tu sais faire.

Le jeune homme, qui n'avait pas moufté, alla au centre du terrain avec Anton sur ses talons. Le pauvre Diarch transparaît à grosse goutte ! C'est à peine s'il pouvait respirer normalement, mentalement il fit une liste rapide de ses dernières conneries, non rien qui valait la peine de mort du moins il l'espérait. Jamais il n'avait pensé se faire remarquer par l'un des chefs du village pour ses capacités, mais plus pour ce qu'il faisait que les autres soldats aiment l'appeler l'emmerdeur.

Anton ne remarqua pas le malaise du jeune, il n'avait qu'un seul objectif : voir ce dont le gamin était capable. Cependant, il sourit légèrement quand ses pieds une fois nus touchaient le sable l'arène. Nombre de fois où l'ami avait foulé le sol brun de ce terrain, jamais il ne pourrait s'en lasser. Il en était sûr.

- Prends une masse.

- Et vous ?

Pour toute réponse, le colosse se mit en position de combat, les jambes bien ancrées au sol et les poings fermés devant son visage. Le jeune homme avait l'impression que son cœur allait exploser dans sa poitrine tant il était angoissé et le rassemblement qui grossissait autour d'eux n'aidait en rien.

Une fois en position, l'heure n'était plus aux doutes. Il fallait se battre, Diarch n'avait qu'un seul objectif : s'en sortir vivant et éventuellement effleurer le mentor de tous les soldats. Et dans l'idéal : avoir sa petite équipe et leur prouver qu'ils avaient tous tort.

Effleurer voire toucher le colosse lors d'un entraînement était une consécration sans nom, cela voulait dire que l'élève était fin prêt pour aller se battre et qu'il était assez fort pour avoir des soldats sous ses ordres.

Le colosse avait bien vu l'éclat dans ses prunelles, intéressant qu'il se dit en plantant les siennes dans celles de son adversaire. Aucun d'eux ne cilla.

Anton porta le premier coup rapide comme l'éclaire, il joignit ses deux mains au-dessus de sa tête pour n'en faire qu'une masse et l'abattu droit en direction du crâne du jeune homme. Ce dernier eut à peine le temps d'esquiver qu'il balança sa masse en direction du genou de son ennemi du jour. Son coup tomba à l'eau, le colosse l'avait snobé en sautant par-dessus tout en sifflotant. Les adversaires prirent le temps de sourire avant de se sauter dessus à nouveau. L'ami avait toujours trouvé galvanisant ce genre de petit combat. Cela l'amusait beaucoup.

Les échanges durèrent un petit moment, seul le bruit des coups résonnait dans l'air. Le jeune transpirait déjà à grosse goutte contrairement au colosse qui avait plus l'air de revenir d'une petite balade digestive.

Ce fut le plus vieux des deux qui stoppa le combat, le jeune était encore en état de l'affronter, mais il avait vu ce qu'il voulait voir.

- Pourquoi ! Rugis Diarch en jetant sa masse au sol. Tout autour d'eux le vent semblait prendre de la vigueur.

- Parce que je l'ai décidé. Répondit l'ami en fixant le jeune.

- Les autres combattent jusqu'à l'épuisement ! Pourquoi pas moi ?!

C'était vrai, pendant ce genre d'épreuve, les aspirants tentaient de toucher le colosse jusqu'à qu'ils ne tiennent plus sur leurs jambes. Dans le fond Anton était contre, mais par respect pour ces adversaires qui se donnaient à fond pour pouvoir devenir soldats, il les laissait faire.

Il n'était pas rare qu'un aspirant devienne soldat même s'il ne l'avait pas touché. Anton savait reconnaître les bons guerriers lui aussi.

- Si tu as une question, approche-toi de moi et pose-la-moi.

Bille en tête Diarch s'approcha du colosse avec la ferme intention d'avoir des réponses. Il se fit recevoir par l'ami avec un coup de poing droit sur son visage, le jeune fendit les airs pour ses retrouver cul au sol avec le nez en sang et une pommette ouverte quelques mètres plus loin.

Anton le rejoignit en quelques pas, la foule avait fini par se disperser. Personne ne souhaitait voir une colère du colosse. Seul Zoran, Noa et Sabryne restèrent. Eux, ils avaient tout vu.

- Quand je dis stop c'est stop. Quand je dis ferme ta gueule c'est ferme ta gueule, compris ? maintenant, enchaîna le colosse qui était accroupi prés de lui, son visage était tout prêt du visage de Diarch, tu vas gentiment aller te refaire une beauté et te planquer dans ton lit.

- Vous n'aviez pas dit de fermer ma gueule. Rétorqua le jeune la bouche pleine de sang.

L'ami se redressa, tourna les talons en direction des trois membres restants.

- Occupe-toi de lui.

- J'te l'avais dit que je le sentais bien. S'amusa Zoran qui n'avait pas perdu une seule miette de la scène.

Sans s'en rendre compte, Diarch venait de passer à l'étape supérieure. Zoran allait s'occuper son éducation de soldat. Anton avait apprécié que le jeune ne cesse de le fixer et même s'il voyait la peur voiler ses pupilles il ne l'avait pas laissé le contrôler. Il respectait ce courage et puis il lui avait répondu. Rares, trop rares étaient ceux qui avaient pu se délier la langue face à lui. Puis, lui aussi le sentait bien.

- Tu sais où est 'Man ?

- Parti faire un tour.

Ce mensonge lui coûta beaucoup, il fit mine de ne pas sentir le regard brûlant de Sabryne sur sa nuque. 

Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant