La douleur est la monnaie de toute félicité.

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La douleur est la monnaie de toute félicité.

Gabrielle Roy.

La jeune fille n'avait pas passé une bonne nuit, le seul endroit où elle pouvait se reposer sereinement était dans sa petite grotte. Tout au long de la nuit, elle entendit les vas et viens de sa mère. Cette dernière n'avait eu de cesse de tout préparer pour le lendemain, elle n'avait eu de cesse de déplacer encore et encore ses maigres effets personnels pour faire paraitre sa piètre demeure plus acceptable. Pourtant, ce taudis restaura à jamais un taudis puant la crasse et le sang.

Ana s'était contenté de garder les yeux fermés et de faire mine de dormir profondément le plus longtemps possible. Elle n'avait eu de cesse de compter ses battements de cœur pour s'assurer qu'elle était encore en vie. Bien avant que le soleil ne se lève, elle manqua de se faire griller. Sa mère venait de s'assoir à côté d'elle, Ana ne put pas voir son sourire vicieux pourtant elle eut l'impression qu'un monstre la guettait d'un œil mauvais et dégoulinant de haine. La pauvre jeune enfant sentait au plus profond d'elle une barrière venait d'être franchis.

La femme s'activa encore un moment avant de s'assoupir dans un coin avec un sourire vicieux collé sur le visage, c'est à ce moment-là qu'Ana prit ses jambes à son cou le plus discrètement possible.

Ce matin-là, il n'y avait pas de vent, le ciel était comme toujours recouvert d'épais nuages ocre qui laissaient à peine passer les rayons de leur soleil mort. C'était le moment idéal pour fuir à toutes jambes, et avec un peu de chance elle ne reviendrait plus jamais ici.

La jeune fille se précipita aussi vite qu'elle le put sans faire un bruit en direction de sa cachette avec la ferme intention de ne plus jamais en sortir pendant plusieurs jours. Dans son esprit tout était clair, elle allait se faire oublier quelque temps avant de fuir le plus loin possible sous le couvert de la nuit.

Sa course fut stoppée net par un violent coup sur l'arrière de son crâne, elle n'avait pas vu l'homme le plus gros du clan l'attendre au détour d'un arbre. Le gros, quant à lui, avait prédit cette veine tentative de fuite, tous ces autres frères et sœurs avaient eux aussi tenté de fuir. Tout sauf un, un jeune homme au cœur bien trop tendre. Il n'avait même pas pris la peine d'hurler quand il s'était fait trancher la gorge, il avait subi comme il l'avait toujours fait.

Ana tomba dans les pommes sans émettre un seul bruit, elle n'eut pas le temps non plus de voir qui venait de l'assommer. Son instinct venait de lui souffler la réponse, mais il était trop tard dorénavant, il était trop tard pour la jeune fille.

- Parfait, dit le gros avec son rire gras en regardant les cuisses de la jeune fille. Il prit le temps d''essuyer la trainée de sang qui lui tachait son front avec le pulpe de son doigt. Ce geste avait presque quelque chose de paternel.

Le gros souleva son délicat fardeau entre ses bras pour le transporter jusqu'à chez lui. Sa demeure non plus n'avait rien hors du commun, toujours ces mêmes planches qui ne tenait debout que par miracle.

Il noua un lien autour de ses poignets et de ses chevilles, il ne voulait pas qu'elle puisse fuir de nouveau. Non, il voulait profiter d'elle jusqu'au bout. Alors, il l'attacha au rocher prévu à cet effet. Il s'était acharné à y faire un trou assez large pour y glisser une corde ou une chaîne, il y avait bien des années de cela.

Avant de partir, le gros l'embrassa sur le front, dans son sommeil Ana frissonna.

Cet homme bien trop gras pour ce Mira avait toujours été redouté. Tous le fuyaient et les pauvres idiots qui complotaient avec lui finissaient toujours par mourir.

Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant