S'il ne reste aucun frisson, l'horreur reviendra.

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S'il ne reste aucun frisson, l'horreur reviendra.
Jürgen Habermas.

La faucheuse ne souvient plus si elle ordonna ou non aux siens de se replier derrière, elle put simplement se rendre compte qu'elle était seule entre eux et les autres. Elle déglutit péniblement incapable de détourner le regard de l'atroce spectacle qui se jouait devant elle. Pourtant, elle aurait voulu trouver la force de leur ordonner de ne pas regarder, mais elle fut incapable de parler.

Devant eux, sans distinctions aucunes, les morts se relevaient. Qu'ils aient les os fracassés ou non, le cerveau troué ou les membres arrachés, ils trouvaient le moyen de défier la gravité et surtout le courent normal de la vie.

Ami ou ennemis, ils étaient mus d'une même volonté : tuer. Massacrer. Anéantir. Cela se lisait très clairement dans leurs regards sans vie. Leur unique désir était si puissant que la peau d'Ana se couvrit de chair de poule.

- Restez la... ordonna une nouvelle fois la jeune femme sans leur adresser un seul regard de peur d'y lire la même peur que dans le sien.

Au loin la voix rauque du colosse résonnait, elle fut incapable de dire avec précision ce qu'il lui hurlait, mais elle s'imaginait facilement qui lui demandait de ne pas bouger.

Bien sûr, elle n'écouta que son instinct. Cette force primale ordonnait à son corps d'avancer droit vers le danger et de l'anéantir au plus vite.

- Empêche-les de me suivre.

Archi se laissa glisser à contrecœur de son épaule pour lui obéir. Se séparer d'elle était contre nature pour le familier, mais lui désobéir était pire encore.

Le serpent fit de son corps une barrière immense entre son peuple et sa maitresse pour son plus grand désarroi.

Les pas de la jeune femme lui coutaient énormément, bien plus que de l'énergie ou du courage. Sa faux réclamait sa dose de sang frais alors que tout son corps la faisait atrocement souffrir. Ses articulations s'entrechoquaient tout en tremblant de terreur, pourtant elle ne cessa pas d'avancer.

- N'avance plus soldat. Le macchabée ne lui obéit pas, il fit un pas de plus dans sa direction. Soldat je t'interdis d'avancer. La voix de la jeune femme se fit plus dure, pourtant cela n'eut aucun effet sur son défunt soldat.

Son odeur commençait à lui parvenir par vague bouillante, leurs vapeurs visqueuses et épaisses assaillaient ses narines avec force avant de brûler ses poumons et d'alourdir son estomac. En plus du sang et de la terre, il puait la magie. Une sombre magie qui rendait tout acre et plus que déplaisant. Contre nature. Ana comprit qu'elle ne pouvait plus rien faire pour lui et que surtout elle allait devoir les tuer. Tous.

La faucheuse déglutit plusieurs fois avant péniblement. Elle prit une profonde inspiration en ignorant les larmes qui fuyaient ses yeux. D'un geste rapide, elle s'essuya le visage avec son bras puis saisit son arme avec ses deux mains.

La toute première vie qu'elle allait ôter allait être celle de l'un des siens qui aurait déjà dû être mort. Tout son corps vacilla. Kosilka recula d'un pas.

- Repars dans l'autre monde... il est temps soldat... pendant un instant, elle crut qu'il avait compris.

Le soldat s'arrêta. Il tremblait de l'intérieur et cela devait le faisait atrocement souffrir. Ana s'en rendit compte et son pauvre cœur, déjà bien bousillé, se brisa à tout jamais.

- Soldat. Je... je vais te tuer, elle sera si fort ses mâchoires qu'une de ses dents se fissura. Ne reviens jamais soldat. Le mort vivant ralentit son pas, Ana crut même apercevoir un très léger sourire apparaitre sur son visage. Je ne t'oublierais jamais soldat, tu n'as rien à te reprocher.

Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant