Un point d'exclamation qui s'est avachi donne un point d'interrogation.

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Un point d'exclamation qui s'est avachi donne un point d'interrogation.

Stanillaw Jerzy Lec.

Rares étaient ceux et celles possédant un don dans ce Mira en plein changement et encore plus rares étaient ceux et celles qui en avaient conscience et qui savaient l'utiliser. Cadeaux des Zabyls pour certain, malédiction d'un Bog bien trop orgueilleux et assassiné par ses enfants pour d'autres, personne ne savait pourquoi et comment de telles choses se produisaient. Ni si cela était bon ou mauvais.

Zoran ne s'était jamais posé ce genre de questions, tout ce qui importait cet homme tout en démesure était de paraitre le plus normal possible. Sa définition de la normalité n'était peut-être pas commune à tout le monde, peut être un peu moins terre à terre ou plus loufoque que la plupart des mortels. Tout ce qui lui importait dans le fond, c'était que sa vraie nature ne transparaisse jamais. Il voulait plus que tout que tout le monde garde en tête l'image d'un homme joviale et solide, il s'y employait jour après jour de tout son cœur. Cela fonctionnait plus tôt bien, le second de l'ami était aussi bien connu pour ses énormes fous rires, sa justesse au combat et les trop rares fois ou sa couche était vide. Homme ou femme, humain ou soldat, qu'importe, tout ce qu'il comptait c'était le moment présent. Cette petite étincelle de magie qui éclairait un visage et faisait entre ouvrir les lèvres d'émotion.

C'était aussi pour ça que cet homme se battait, pour ceux et celles qu'il avait aimés une nuit et pour tous ces autres moments de volupté qu'il aurait encore. Il y avait eux et surtout elle et lui. Zoran était bien incapable d'expliquer ce qu'il ressentait pour le témoin, ni amour ni attirance ne résonnait dans son esprit quand ils étaient ensemble. Pourtant, l'avis de l'ami comptait plus que ses propres bouffés d'air respiré. Il le respectait, l'admirait et le jalousait aussi parfois. Seul lui avait le droit aux sourires de Kosilka. Il n'aimait pas non plus la jeune femme comme les autres, il l'aimait si puissamment qu'un simple soupire de sa part le mettait en émoi. Pourtant, jamais il ne s'était figuré d'un quelconque moment intime entre eux, il laissait ça volontiers au colosse. Non pas que Zoran ne la trouvait pas attirante, bien sûr qu'elle l'était, tout autant qu'elle était particulière. Pour ce soldat la confiance de Kosilka était bien plus puissante et précieuse que tout le reste. Quand elle était venue à lui pour lui demander de veiller sur les nouveaux venus, il s'était senti si honoré qu'il délaissa sans aucun remords l'homme qui l'attendait nu sous ses peaux chez lui.
Il se contentait très souvent de la voir évoluer autour d'eux sans un bruit, aussi discrète qu'une ombre et aussi présente que la vie.

Zoran revient à lui avec un sourire sur les lèvres. Dans son dos une poignée de ses meilleurs soldats et élèves piaffaient d'impatience. Il savait que pour s'en sortir, il allait devoir embrasser entièrement son autre lui. Le soldat remua les épaules tout en observant ce qu'il se jouait devant lui. Pas un brin d'herbe ne bougeait, rien ne se passait. Sa vue et son ouïe lui faisaient croire que rien ni personne ne guettait le moindre de ses gestes. Foutaise.

-          Oubliez tout ce que je vous ai appris, tuez pour vous. Tuez pour Kosilka ! Son hurlement fut.

Aussitôt remplacé par une tollé discontinue. Les hommes et les femmes passaient de par et d'autres de ce soldat immobile, jurant avec tant de force que les entrailles de leur supérieur purent se réjouirent.

Il avait eu raison. Les ennemis s'étaient scindés en deux groupes inégaux, le premier était toujours devant la forêt et le second plus discrets, s'était fait disparaître dans le paysage pour les contourner et attaquer le village dans la plus grande discrétion.

Seulement Zoran, fin observateur et stratège à ses heures perdues, les attendait calmement avec un sourire arrogant accroché sur le visage, ses bras croisés sur son trop large torse tremblaient eux aussi d'impatience. Ainsi, il avait de quoi faire peur. Il faisait peur.

Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant