La bienveillance est sur le chemin du devoir.

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La bienveillance est sur le chemin du devoir.

Mencius.



Jamais la jeune femme ne s'était jamais sentit aussi vide. Aussi seule. Elle enfonçait encore et encore ses ongles dans la chair tendre de ses mains pour garder son calme. Ce fut à peine suffisant.

Assise depuis plusieurs minutes devant une petite table en bois avec pour seule douceur un plat de viande séché, Ana se mit à regarder le mur d'en face. Son attente parut lui durer des heures, peut être même des jours, pourtant quelqu'un finit par passer le pas de la porte.

En plein contre-jour, la faucheuse mit quelques secondes avant de pouvoir déterminer si le nouvel arrivant était un homme ou une femme. À l'extérieur, Anton se perdait dans la contemplation du petit tas de sable à ses pieds. Les quelques goutes du sang noir de Kosilka ne s'y voyait plus pourtant, il avait l'impression qu'elles persistaient. Qu'elles s'agrandissaient, rongeant le sol jusqu'au fin fond du Mira.

- Un souci vieux frère ? lui demanda tout bas Zoran qui venait de s'approcher de lui.

- Entre si tu le souhaites. La voix, légèrement plus grave qu'à l'accoutumé, du premier soldat

Alerta son plus vieil ami sans qu'il ne puisse répliquer quoi que ce soit de plus.

L'homme suivit le conseil d'Anton et entra dans la drôle de demeure tout en retenant son souffle. Les deux soldats s'installèrent devant la porte dans le plus grand des silences. À quelques pas d'eux, Sabryne les observait. Personnes ne pouvaient ignorer les regards meurtriers que le lui jetait le colosse sans sourciller une seule seconde. La brune fit demi-tour en soupirant.

- Prends une chaise et parle-moi. Ana grimaça en entendant le son rêche de sa voix, elle se racla la gorge et plaça son assiette au milieu de la table.

L'homme s'avança lentement, Ana remarqua que son visage était plein de rides et de cicatrices. Ses doigts déformés formaient des angles étranges sur les plis de son vêtement.

- Qui es-tu ? lui demanda-t-elle en étouffant la bouffée d'angoisse qui voulait prendre possession de tout son être.

- Juste un vieux travailleur de la terre, Kosilka. Répondit pudiquement le vieillard qui venait de s'assoir en face de la jeune femme.

Ses articulations craquèrent dangereusement, il du retenir son souffle pour palier à la douleur qui résonnait dans tout son corps.

- Tu ne devrais plus travailler. Tu es trop vieux.

- Je ne suis pas là pour me plaindre de ma condition, Kosilka.

- Si j'écoute ta requête, tu prendras du repos. Jusqu'à la fin de ta vie.

Le vieillard ouvrit un peu plus grand ses yeux sans pour autant émettre le moindre son.

- Je t'écoute.

La jeune femme n'avait pas pour habitude de faire des concessions, elle ordonnait et les siens exécutaient.

- Je n'ai plus de famille...

Le vieillard se mit à lui raconter sa vie, il lui expliqua que tous les siens avaient été exterminés quand il était bien plus jeune. Il lui décrivit avec précision la façon dont sa famille avait été massacrée devant ses yeux alors qu'il n'avait pas encore atteint l'âge de raison. Il lui parla aussi de ses cauchemars qui le poursuivaient encore aujourd'hui.

Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant