La mort est une amie pour les vivants qu'elle libère.Pierre Gélinas.
Les deux faucheurs avaient fait disparaitre leur présence quelques instants, ils avaient besoin de se retrouver un moment entre eux invisibles au beau milieu de tout un peuple angoissé qui se mouvait sans discontinuer. Ana prit conscience de l'évolution de son village, l'architecture en elle-même était toujours aussi basique, mais les constructions bien plus solides. Les rues n'étaient plus tapissées de boue, elles étaient habillées de pierres et surtout, le plus important aux yeux de la faucheuse, tout le monde avait et tenait son rôle sans faillir. Elle n'en était pas peu fière.
- On s'y prend comment ? Il attendait d'elle qu'elle le guide, cela s'entendait dans le son de sa voix.
La jeune femme prit le temps de respirer profondément avant de lui répondre, dans le fond elle ne pouvait pas lui apporter de réponse.
- J'en sais foutrement rien, tout en prenant la parole elle serra le bout de tissus rouge et crasseux dans le creux de son poing.
Ils soupirèrent un petit rire plus crispé qu'autre chose, puis Ana s'adossa contre le tronc d'un arbre.
La faucheuse ne savait pas par où commencer et étrangement elle se sentait sereine, ce qui avait le don de l'angoisser. Elle soupira en levant son visage vers le ciel, il était bleu, sans nuages. Une première.
Elle se dit que c'était un bon jour pour en finir avec tout ce merdier qu'elle trainait tel un boulet depuis un bon nombre de siècles. Son cœur bondit dans sa poitrine. Elle n'avait pas peur, la crainte de la mort ne lui avait jamais traversé l'esprit. Toutefois, elle se demandait vraiment comment ce serait après eux. Pas pire elle en était convaincue, mais mieux ? Elle l'espérait de tout cœur.
- Et toi ? tu as quelqu'un à qui dire adieux ?
Dols pinça ses lèvres, elles ne formèrent plus qu'une fine ligne blanche. Il paraissait en colère, dans le fond il était furieux. Fou furieux de tristesse. Il avait forgé sa propre forteresse de solitude depuis longtemps maintenant et il l'entretenait à grand renfort de massacres sanglants.
La jeune femme s'excusa rapidement, elle ne pensait pas à mal en lui posant cette question, elle voulait sincèrement savoir. Elle se perdit de nouveau dans la contemplation de son village et des siens.
- Plus tu fais durer, plus ce sera dur.
- Comment peux-tu être aussi sage...
L'autre enfonça ses deux mains profondément dans ses poches, certaines coutures craquèrent. Dols, leva son visage aussi sale que balafré, vers le ciel. Il sourit, un sourire que trop peu avait eu l'occasion de voir, que peut-être lui-même ne connaissait pas.
Le village, quant à lui, commençait à s'agiter autant en signe d'impatience que d'inquiétude, quelques enfants se mirent à pleurer et d'autre à râler. L'ami restait stoïque, Noah venait de croiser ses bras sur son torse et Sabryne passait d'une jambe à l'autre sans pouvoir s'en empêcher.
Zoran s'approcha du trio tout en interrogeant le colosse du regard, ce dernier lui répondit par un haussement d'épaules presque désinvolte.
- Elle est dans les parages.
- Je sais...
- 'Man est pas comme d'habitude, dit à son tour la sentinelle qui n'avait pas bougé d'un iota.
Son père ne sut quoi répondre, il se contenta de poser une de ses lourdes mains sur son épaule.
Les deux faucheurs et leurs familiers prirent de la hauteur sans pour autant dévoiler leur présence. L'autre faucheur ne laissa paraitre qu'une seconde sa surprise sur son visage. Ce n'était pas juste quelques maisons bancales et éparses qui se dressaient sous ses yeux, mais de belles et solides maisons aussi incroyables et nombreuses que les arbres immémoriaux de la forêt. S'il n'avait pas été lui, il aurait pu construire cet endroit, ou y vivre. Il essaya de s'imaginer y vivre, mais dans tous ces scénarios il était l'auteur des toutes les catastrophes destructrices. Son existence propre était le synonyme du malheur.
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Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse.
FantasyJuste avant que tout ne cesse, un vent maudit s'était levé. Qui s'en souvenait ? Juste avant que tout ne recommence, ce même vent maudit balaya la terre une nouvelle fois. Qui s'en souvenait ? Juste avant que leurs trac...