Jean Claude Carrière.
Avant de se plonger dans ce premier souvenir, le colosse prit le temps de regarder par la petite fenêtre. Leur peuple dormait encore. Leurs soldats veillaient. Et le petit reviendrait bientôt de sa ronde nocturne. En soi, tout se déroulait comme toujours. Parfois, la routine avait quelque chose de rassurant. En tout cas, il ne la boudait que rarement.
Il devait mentir, leur mentir à tous. Et sous le seul prétexte qu'elle le lui avait demandé. Pendant un instant, il se demandait s'il ferait absolument tout ce qu'elle lui demanderait.
Et la réponse était : oui.
Oui, il le ferait. Cette évidence était si clair dans son esprit, qu'il se rendît compte qu'il perdait son temps à se poser cette question. Et puis, après tout, il était son témoin. Lui non plus n'avait pas le choix.
L'ami s'installa sur la chaise, qui couina une fois de plus sous son poids, se rapprocha et vida, en une seule fois, le premier quart de sa bouteille d'alkogol'. Et ce, sans prendre la peine de reprendre son souffle. Sa boisson lui brûla quelque peu la gorge, sans pour autant l'arrêter. Il aimait cette morsure, le fait de pouvoir encore ressentir de la lourdeur ou même du bonheur. Grâce à cela, il se sentait encore vivant.
Sans plus attendre, sans se laisser le choix, il posa son doigt sur le premier Palec.
Immédiatement, il se sentit catapulté dans les airs, sans même bouger de son siège. Un frisson aussi brulant que glacial prit naissance au niveau de ses pieds, lui traversa tout le corps et mourut sur la pointe de ses cheveux. Son cœur ne battait plus, il ne le sentait plus. Il ne ressentait plus rien. Il était enfermé dans son corps mort sans pour autant l'être réellement.
Pourtant ce ne fut pas ces quelques signes étranges qui l'inquiétèrent le plus. L'ami ne voyait plus avec ses yeux, mais avec son esprit. Tout se passait dans sa tête, alors qu'il n'était qu'un simple spectateur. C'était le principe même des Palecs. Vivre ou revivre un événement passé sans pouvoir intervenir d'une quelconque façon. Juste observer et pouvoir comprendre le passé.
Lorsque le colosse aperçut ce qu'il y avait tout autour de lui, il prit peur. Il flottait ! Son corps surplombait une terre qu'il ne connaissait pas !
L'ami hurla et tenta de se raccrocher à quelque chose, mais il n'y avait absolument rien ! Pas même un nuage ! Juste une immense étendue bleue et une masse ronde et jaune qui lui chauffait la peau sans le bruler. Par réflexe, il se mit en boule en rentrant sa tête entre ses épaules et en ramenant ses genoux contre son torse. Il attendait un choc, il se dit qu'il n'y survivrait pas. Chose impossible et idiote.
Il attendit encore. Mais rien ne vint.
Il prit lentement conscience qu'il ne chutait pas, ou plutôt que rien ne bougeait autour de lui.
- Ebat'...
Le souffle du colosse mourut dans le ciel.
- Tu parles d'un souvenir toi. Et j'fais quoi moi, maintenant ?! hurla l'ami en dépliant son corps.
Aucune réponse ne vint l'éclairer.
Debout dans le vide, une terre inconnue bien loin sous ses pieds, il ne savait pas quoi faire. Il souffla et se frotta le torse. Il ne se sentait pas mal à l'aise, juste idiot et désappointé.
- C'est quoi encore ta connerie, Ana... ?
En posant cette question dans le vide, Anton baissa son regard vers cette terre inconnue avant de froncer les sourcils. Ce n'était pas normal. Quelque chose clochait. Il ne se sentait pas en danger. Il ne l'était pas, mais quelque chose ne tournait pas rond. Pourtant, il était persuadé qu'il était bien loin de chez eux.
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Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse.
FantasiaJuste avant que tout ne cesse, un vent maudit s'était levé. Qui s'en souvenait ? Juste avant que tout ne recommence, ce même vent maudit balaya la terre une nouvelle fois. Qui s'en souvenait ? Juste avant que leurs trac...