Le chemin de L'amour s'appelle sacrifice.

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Le chemin de L'amour s'appelle sacrifice.

Josemaria escriva de balaguer



Le retour se passa calmement. Les deux faucheurs se toléraient sans pour autant se supporter réellement, pourtant, maintenant qu'ils s'étaient vus, ils ne pouvaient plus s'éloigner l'un de l'autre. Leur magie s'accordait avec tant de perfection qu'elle résonnait en eux comme-ci ils ne faisaient qu'un.

C'était atroce et tout aussi réconfortant pour Ana, avec lui à ses côtés elle se sentait complète. Cette évidence en rajoutait à l'horreur de la situation, elle se sentait sereine grâce à son pire ennemi. L'autre, au contraire, respirait librement pour la première fois depuis des siècles.

- Où es-tu né ?

- Dans un clan neutre, plus au sud.

Comme a son habitude, la faucheuse répondait sèchement tout en allait droit au but. L'autre voulait parler, il voulait sincèrement la connaitre contrairement à la jeune femme. Elle ne voyait que son objectif, elle le ressassait sans cesse, jour et nuit, jusqu'à s'en rendre malade pour ne pas penser à la finalité.

- On se repose ici. Archi ? Sans un mot, le serpent partit dans les broussailles pour chasser.

Pendant ce temps elle se mit en quête de bois pour faire du feu.

L'autre s'occupait lui aussi. Il avait fait apparaitre deux troncs pour qu'ils puissent s'assoir dessus.

- T'as mal aux mains ? Claqua sèchement Ana après un regard tout aussi violent.

L'autre compris, tout en baissant le nez il se mit à déblayer un petit coin à l'aide de son pied. Il n'avait pas pour habitude de faire les choses par lui-même. Encore une grande différence entre eux. Les deux familiers étaient partis à l'opposé l'un de l'autre, ce fut donc le plus naturellement du Mira qu'ils revinrent par deux endroits différents avec un tas de proies dans leur immense gueule.

Cette première nuit fut longue et glaciale, la seconde était son exacte copie ainsi que toutes les autres. Leurs journées avaient quelque peu évolué. Elle lui posait quelques questions.

- Tu vas dire quoi à ton peuple ?

- Toi, tu leur as dit quoi ?

Il ne répondit pas et la faucheuse savait exactement pourquoi, si elle allait leur expliquer ce qu'il s'était passé ces derniers jours, lui était parti comme un voleur.

- Il leur reste quelque chose ? Attaqua de nouveau la jeune femme sans lui adresser un seul regard.

- Mon absence...

- Au moins tu en es conscient.

Cette fois encore, Ana se fichait de le blesser. Au contraire elle voulait lui faire du mal, elle voulait se venger, venger son peuple et le sien.

La journée était bien entamée et son village ne se trouvait plus qu'à quelques mètres de là, si elle dépassait le gros rocher plat ses soldats les plus aguerris pourront sentir sa présence. Anton en faisait bien évidemment partie.

- Passons le reste de la journée ici, joignant le geste à la parole elle posa son bâton contre le tronc d'un arbre bien plus jeune qu'eux.

- Tu penses qu'ils te cherchent ?

- Non. Je m'en suis assuré. L'autre la regarda, elle se sentit obligée de continuer. J'ai demandé à mon témoin de taire mon absence et mon peuple sait que je m'absente souvent.

- Ton témoin...

- Comment as-tu osé tuer le tien ?

Pour une fois, la jeune femme était vraiment curieuse. Elle se savait totalement incapable de vivre sans l'ami, sans lui elle ne serait pas vivante. Tout simplement. Alors, puisqu'ils sont identiques, comment l'autre avait-il pu faire un tel acte ?

- Je ne suis pas toi, la faucheuse renifla sans gêne, je voulais tout le pouvoir pour moi.

- Pourquoi ?

- Je ne voulais pas qu'on me le vol.

Cet aveu sordide fit relever le menton de la jeune femme.

- Tu es un trouillard.

L'autre ne répondit rien. Que pouvait-il dire de toute façon ?

- D'où te vient ta cicatrice ?

Elle lui raconta son histoire, elle lui expliqua que cette horreur n'était que le fruit de simples éclaboussures. Rien de plus.

- Tu n'en veux pas à la personne qui te l'a fait ?

- Non, je n'en veux pas à mon témoin.

Cette révélation, dite sur le ton de la conversation, interloqua l'autre. Lui, il l'aurait tant battu que le pauvre bougre en serait mort, lui il.... Il aurait tout détruit comme toujours. Alors qu'elle, elle savait et pouvait pardonner. Ce triste constat alimenta un peu plus la jalousie qu'il nourrissait envers elle depuis bien trop longtemps maintenant.

Dans le fond, Ana avait raison il était un trouillard doublé d'un lâche.

- Tu penses que dans d'autres circonstances on aurait pu être des alliers ? osa demander l'autre faucheur avec le cœur tordu par l'angoisse.

- Dans une autre vie, je ne pense pas qu'on se serait croisé ou alors on aurait été mort bien avant d'avoir pu le faire.

Elle ne s'en rendit pas compte sur le coup, mais cette vérité lui fit mal. Après tout, il aurait pu être l'un de ses défunts frères.

- Destiné à se détester...

- Pour le moment on se déteste cordialement. Conclut la jeune femme qui se sentait lasse.

Elle aurait voulu être chez elle, auprès des siens et peut-être même dans le creux des bras de l'ami. Il lui manquait terriblement, elle s'en voulait aussi énormément de ne lui avoir laissé que quelques souvenirs sans véritable réponse. Pourtant, bien que torturé à cause de tout cela, elle était encore persuadée que ce qu'elle faisait été pour le mieux.

Son fils aussi lui manquait tant que tout son corps la brulait, Sabryne... cette femme si différente et tout aussi indispensable a son équilibre. Leurs survit à tous ne seraient assurés que par son sacrifice alors... Elle savait ce qu'elle devait faire, cela n'en facilitait en rien l'acte.

Cette dernière traina en longueur. Ils avaient énormément parlé et Ana fut bien forcée d'admettre qu'ils auraient pu être de bons amis.

- Une autre solution...

- Je n'en sais franchement rien.

- Ça aurait bien... fini par dire l'autre devant l'évidence de la situation.

- Le soleil se lève.

Les deux faucheurs prirent le temps de regarder le ciel s'éclaircir, il y en avait eu tant d'autre avant et il y en aurait encore plus après eux.

- Mon village n'est pas encore réveillé, attendons encore un peu.

L'autre ne répondit rien, il comprit qu'elle avait besoin de temps. Lui aussi, mais il voulait en finir le plus tôt possible, il se moquait de souffrir tant qu'il s'éteignait. Trop d'horreur le hantait de jour comme de nuit. Horreur dont il était le seul et unique coupable.

Quand la faucheuse trouva la force de se lever, ses mains tremblèrent légèrement. L'autre le remarqua et eut l'intelligence de se taire. Les deux familiers, qui n'avaient eu de cesse de se toiser, finirent par suivre leur maître non sans continuer de siffler et de grogner. 

Vybor Kosilki, le choix de la faucheuse. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant