Lettre 39 - Fred

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20 décembre, 08h01, 1995,

'Mione, 

Mes paupières n'ont de cesse de clignoter comme des lumières mourantes. Si j'ai dormi quelques heures, je me sentirais comme un vainqueur. Je ne suis même pas sûr qu'on puisse appeler dormir pour être honnête... 
Je me suis réveillé il n'y a pas longtemps. Un cauchemar sans doute. C'est un peu flou. Et la fatigue c'est  bien connu, c'est comme le Whisky Pur Feu... Je ne me suis jamais réellement retrouvé saoul d'ailleurs, encore moins au point d'en oublier mon prénom, mais si ça arrive un jour, je suis sûr que ça ressemblerait à ça. 

Tu dors sur le canapé en face de moi. J'ai pris le soin de te recouvrir d'une couverture avant de me lever. Les autres aussi dorment encore. Ou tout du moins ils essayent, ils font semblant. Ils doivent espérer qu'à leur réveil, ce sera rien de plus qu'un mauvais cauchemar. 


Sauf que c'est pas un cauchemar. Ca n'a rien d'un cauchemar. Ca n'a rien d'un cauchemar, parce que quand on était petit, et que des monstres nocturnes nous réveillaient en pleine nuit, nous avions la certitude que Papa passerait la porte dans la minute. 

Or, on aura beau se réveiller, encore et encore, se recoucher exprès, Papa ne passera pas la porte de notre chambre. 

Repassera t-il seulement un jour le pas de notre maison ? 

C'est drôle, je trouve. Ce n'est qu'une fois qu'on se retrouve confronté à la perte ou bien la possibilité de perte d'une personne qu'on aime, qu'on se rend compte. 
Qu'on se rend compte qu'on l'aime, qu'on se rend compte de tas de petites choses, qu'on avait jamais vus jusqu'à lors. Jamais su, jamais compris... 

Tiens par exemple, il y a plein et plein de souvenirs qui me reviennent comme ça, d'un coup, comme un boomerang. Trop de souvenirs d'un coup et c'est comme une attaque, un coup de poing au ventre qui coupe la respiration...

Je me souviens de l'engouement que Papa pouvait mettre à nous raconter ses histoires sur le monde Moldu. 
Je me souviens de son regard fatigué, quand il rentrait très tard le soir, ou très tôt le matin, et qu'il prenait pourtant le temps de s'occuper de chacun de nous, de nous saluer, de nous sourire, de nous câliner, au moins jusqu'à ce qu'on ai passé l'âge, et même un peu plus. 
Je me souviens de toutes les vacances qu'on a passé ensembles, les jeux, les souvenirs, les gaffes, les problèmes, les bons moments. 
Je me souviens des disputes. Celles où il faisait semblant d'être du côté de Maman, et celles où il était vraiment en colère... 
Je me souviens de quand on était petit, et qu'il essayait de nous apprendre quelque chose, de façon désespérée. 
Je me souviens de la fois où il nous avait emmenés à son travail et qu'on avait bien failli foutre un boxon pas possible (ne l'a -t-on finalement pas fait ?). 

Je me souviens surtout de combien j'étais ingrat... 

Papa est un homme merveilleux, un homme génial tu sais ? Oui, je pense que tu le sais... Ce que je veux dire, c'est que, mes frères et moi, nous avons tout les six eu la chance d'être éduqué avec des valeurs, avec des principes et des idéaux, mais aucun préjugé, aucun stéréotypes, aucun modèle prémâché et qu'on aurait été forcé d'avaler. 

Nous avons eu la chance, je m'en rend compte trop tard, d'avoir un père bienveillant. Pas un monstre... Je pense notamment au père de Malefoy ou d'autres Serpentards par exemple ( je ne les aime toujours pas mais bon je les plains, l'enfance peut expliquer beaucoup de nos maux, les leurs ne font pas exception ). 
Non seulement il a toujours aidé Maman, à la maison, pour notre éducation ( quand bien même ce n'était pas la sienne ), mais il nous a toujours aimé et il nous l'a toujours montré. On ne nous a jamais bourré le crâne d'idées idiotes et de concepts absurdes. J'ai (nous avons) eu ce merveilleux atout, que de démarrer ma vie sans entendre en boucle l'image d'un homme invincible et insensible, qu'on m'aurait ensuite forcé à imiter. 
Il ne m'a jamais dit des mots comme "Fiston, un homme n'a pas de cœur, un homme ne montre jamais ses sentiments." "Fils, un homme ne pleure pas. Un homme n'a pas le droit de pleurer. Un homme n'a pas le droit de réellement montrer ce qu'il pense ou qui il est." 

Pour être tout à fait honnête, la seule chose qu'il ne nous ait jamais dite c'est " Mes garçons... Un homme a le droit d'être triste, et de pleurer. Un Weasley a le droit d'avoir peur, mais pas d'abandonner."

J'étais jeune et con à l'époque, pourtant cette phrase m'a profondément marqué tu sais ?? 


Papa ne nous a jamais dit qu'il nous fallait cacher nos émotions. Au contraire... Pourtant, je ne lui ai jamais dit que je l'aimais. 

Je lui ai jamais dit... Je l'ai pas prit dans mes bras depuis des années... Je lui ai jamais dit... J'ai jamais prit le temps de lui dire que peu importe les années et les conneries, les disputes, ils restaient toujours mes parents, il restait toujours mon père. 


Je veux lui dire Hermione. Je veux lui dire et lui dire encore. Je veux le serrer dans es bras jusqu'à l'en étouffer. 
Je veux pas.... Je veux pas l'enterrer... Tout sauf ça... 

Il y a des centaines et des centaines de gens qu'on rencontre au cours de notre vie. Mais il n'y a qu'un seul Papa. 

Je... Je veux pas le perdre.... Je veux pas... Il est trop jeune, je suis trop jeune, tout ses enfants sont trop jeunes... 
On a besoin de lui. 
Au moins de lui dire qu'on l'aime une dernière fois. 

Je vous en prie... 
Je vous en prie... 


F. 


De mon cœur à  toi - FremioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant