8 - Prudence est mère de sûreté

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J'aide à seller les chevaux. Ils sont nerveux et emplit de questions. Je tente de les apaiser mais je ne peux pas leur promettre que tout va bien se passer, ça j'en sais rien.
Alors que je finis de sangler le cheval que j'ai conduit la veille à ces écuries, je sens la panique juste avant d'entendre de puissants hennissements.
Je me retourne pour voir deux Hommes qui tentent de maîtriser Arod qui s'emballe de plus belle. Je tends mon esprit vers le sien mais il rejette ma présence.

– Ce cheval est à moitié fou, Monseigneur, vous n'en tirerez rien.

Je vois alors Aragorn qui s'avance à pas mesuré vers Arod qui se débat. Eowyn regarde notre rôdeur, non sans intérêt.
Aragorn se met à murmurer des douces paroles en Elfique. Je reconnais une prière pour les chevaux tandis que le rôdeur pousse les Hommes sur son passage pour récupérer la longe.

– Il s'appelle Arod, fait alors Eowyn avec une pointe de tristesse. C'était le cheval de mon cousin.

Aragorn lui lance un regard désolé avant de reprendre sa lente prière. Arod entend ses murmures et s'apaise lentement. Eowyn le regarde avec surprise puis s'avance vers lui.

– J'ai entendu parler de la magie des Elfes mais je ne m'y attendais pas chez un rôdeur venant du Nord. Vous parlez comme l'un d'entre eux.

Je ne sais pas vraiment comment prendre ses paroles mais je préfère rester en retrait et laisser Aragorn gérer.

– J'ai été élevé à Fondcombe pendant un temps. Elsil venez.

Je sursaute en entendant mon nom d'emprunt, mais, curieuse, je m'approche.

– Qui a t'il ? Demandé-je avec autant de politesse que possible.

Aragorn caresse Arod puis me tend la longe. Sans même un mot, je comprends. Je pose mes mains de chaque côté de la tête du cheval puis je ferme les yeux. Il me donne accès à ses pensées, elles sont emplies d'horreur, de peur et de douleur.
Il a vu son humain auquel il tenait beaucoup se faire prendre dans une embuscade, il n'a pas réussi à le sortir à temps puis il l'a porté jusqu'ici sans faillir.
Les chevaux du Rohan sont des animaux loyaux et téméraires.
La suite n'est qu'un mélange flou de sentiment. A la douleur de la perte de son cavalier s'est ajouté son exil, on l'a forcé à repartir, puis il y a eu les combats, beaucoup de combats et trop de morts pour son cœur meurtri. Notre rencontre l'a un peu sorti des sombres méandres de son esprit mais le retour à ses écuries est trop lui.
Il n'en peut plus, il ne veut plus.

– Il n'a que trop vu la guerre, soufflé-je en rouvrant les yeux. Son corps est las, son esprit éreinté et son cœur blessé...

Aragorn m'effleure l'épaule avant de m'adresser un léger sourire.

– Laissez-le en liberté, reprend t'il à l'intention d'Eowyn. Il en a déjà assez vu, il n'en supportera plus.

Eowyn nous dévisage à tour de rôle avant de hocher la tête. Elle ne sait pas ce qui vient de se passer mais elle pressent une magie qui la dépasse.

– Merci pour lui, fis-je avant d'ôter le licol d'Arod. Suis-moi.

La main sur son épaule, je le guide vers la sortie des écuries. Je sens les regards intrigués glisser sur moi, une jeune Elfe qui conduit un cheval jugé fou juste avec sa main, ça doit leur paraître étrange. Mais Arod n'est pas fou, il est juste brisé.
Je me demande si c'est aussi ce qu'Équinoxe a ressenti ? Était-ce trop pour lui ? Ai-je blessé le cœur de mon fidèle compagnon ?
Mon cœur se serre et Arod m'envoie un gentil coup de museau, bien plus délicat que ce à quoi je suis habitué.

– Tu es un gentil cheval, soufflé-je en le caressant. Tu as vu trop de choses horribles, Arod, maintenant tu peux choisir ta voix. Prend la direction qui te chante, cours dans les plaines et préserve ton cœur des Ténèbres. Si tu vas vers le Nord, n'ai pas peur de la forêt car en son cœur se trouve les plus douces prairies où tu pourras y vivre loin de la guerre.

A mesure que je lui parle, je lui transmets des images en pensées de mes terres.

Tome 2 - La Lune Ardente de FangornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant