32 - Ardent

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La nuit est bien avancée et les étoiles sont de sortie. Je ne peux que m'émerveiller de ce canevas scintillant au dessus de nos têtes.
Je marche sans un mot à côté d'Elrohir. Seul le bruit de nos pas brise le silence qui s'est installé entre nous. C'est gênant mais je n'ose pas faire le premier pas, faut croire que j'ai laissée ma détermination au camp...
On a grimpé une légère colline sans même échanger un regard. Je n'en peux plus. Je m'arrête avant de lui faire face.

– Pourquoi vous parlez pas ? l'accusé-je.

– Vous ne parlez pas non plus.

Il a raison mais je rougis quand même.

– Je n'aime pas trop cette... situation, cette tension...

– Moi non plus, je dois l'avouer.

Il y a un blanc avant qu'Elrohir ne reprenne.

– Ma présence ici vous est dérangeante ?

Je mets un temps à répondre.

– Non mais je ne comprends pas.

– Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ?

Je m'agite, prête à l'accuser de nouveau.

– Je comprends pas, vous faites comme si tout était normal. Comme s'il ne s'était rien passé.

Je vois le trouble d'Elrohir ce qui m'égare encore plus. Je piges plus rien et ça m'agace.

– Comment devrais-je réagir ? Demande t'il tout bas.

– J'en sais rien mais pas comme ça ! Je sais pas, vous devriez m'engueuler, me demander des comptes ou au moins me faire la tête. Montrer que vous m'en voulez.

– Je ne vous en veux pas, répond Elrohir avec douceur.

– Alors vous êtes idiot !

Heu... je me suis peut-être emporté là ?
Il y a un temps mort avant qu'Elrohir se mette à rire.

– Vous me traitez d'idiot alors que j'ai traversé une grande partie de la Terre du Milieu pour venir vous retrouver.

– Je suis désolée, ça m'a échappé mais c'est votre faute aussi, vous me faites culpabiliser.

A nouveau Elrohir rit.

– C'est moi la victime dans l'histoire, pas vous.

Son rire est contagieux et je me détends avant de me joindre à lui malgré ma honte. Je m'emporte peut être un peu vite.

– Je suis navrée, il y a méprise alors. Je sais à présent que je n'aurais pas dû faire ainsi, mais...

Je me tais, je n'ai pas les mots et ce souvenir m'est toujours douloureux.
J'ai de la chance, à nouveau, Elrohir est quelqu'un de compréhensif et visiblement pas rancunier. J'ai de la chance qu'il ne tienne pas compte de toutes mes erreurs.

– Mais ? Reprend t'il après un temps.

Je comprends qu'il attend la suite. J'ai pas vraiment envie de la dire mais je lui dois bien ça.

– J'agis sans réfléchir et souvent je parle aussi sans réfléchir, avoué-je penaud. J'en ai conscience, c'est ça le pire...

– Certaines choses ne changent pas, souffle Elrohir amusé.

– Je n'ai donc pas changée ?

– Si. Vos cheveux ont poussés... et vous êtes très belle.

Je sens le rouge envahir mes joues et je suis obligée de détourner le regard. J'avais remarquée que mes cheveux avaient poussés, ils m'arrivent à présent bien derrière les épaules, mais l'entendre de sa bouche... puis ce petit compliment glissé. Il sait y faire.
Il y a à nouveau un long silence mais il n'est pas aussi pesant que le précédent. On ne fait rien de particulier mais je me sens obligée de reprendre.

– Vous avez des nouvelles d'Imladris ? Votre père... m'en veut-il d'être parti ?
– Personne ne vous en veut, Isil, et mon père comprend mieux que quiconque que vous devez vivre votre destin.

Ayant à nouveau le courage de le regarder dans les yeux, je hoche lentement la tête.

– Et vous vous m'en voulez ?

Elrohir me sourit, ce sourire avenant et charmeur que j'aime tant.

– Non. Comment le pourrais-je ?

– J'ai fait fort quand même...

– Je ne peux le nier, rigole t'il. Je ne m'attendais pas à cela, qui le pourrait d'ailleurs ?

Je sens le rouge revenir sur mes joues.

– Je suis vraiment désolée...

– Je le sais et je ne peux vous en vouloir, bien que j'aurais aimé au moins une petite explication.

Je soupire, j'ai tous les tords dans cette histoire.

– J'étais pressée, et je n'ai pas vraiment réfléchit mais je m'en veux. C'est même une des rares choses que je regrette.

Le silence retombe entre nous. On s'est calmé et les explications commencent à venir ainsi que des confidences inattendues.
Je ne peux le nier, j'aime Elrohir mais je ne peux pas non plus faire comme si tout allait bien, comme si je ne lui avais pas fait de mal.
Je n'ose imaginer son réveil. Savoir que j'ai abusée de sa confiance, que j'ai profité de ses sentiments envers moi pour le mettre hors d'état et pour m'enfuir... Je ne veux même pas penser à la souffrance que j'ai dut faire naître en lui.
Et pourtant il est là.
Devant moi, à attendre sagement que j'arrête de le repousser. Que j'arrête de mettre des barrières entre nous...
Je soupire avant de rassembler mes pensées qui divaguent. Je dois faire face, je dois lui dire ce que je pense, ce que je ressens, ce qu'il attend depuis bien longtemps déjà et sans jamais s'en plaindre.

Tome 2 - La Lune Ardente de FangornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant