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Amon sort de sa cave avec deux bouteilles de vin. Son père ne s'en rendra pas compte. Il l'espère surtout. Il met les boissons dans son sac où quelques bouteilles de bières sont couchées. Il fourre aussi des vêtements propres avant d'enfiler une paire de chaussure au cuir blanc mal entretenu. Sa paire réservée aux soirées. Il passe sa veste sur ses épaules et sort de chez lui avec son sac-à-dos. Amon arrive très vite à sa station de train où il n'y a personne. Il sort alors de sa poche le livre que Greta lui a donné. Il a déjà lu un chapitre entier. Ce qu'il aime dans ce livre c'est ces phrases soulignées par Margareta.
Dans le train, il attend impatiemment d'arriver à la station de Greta. Elle, qui parle avec Julie qui espère finir sa soirée dans les bras d'un Lucas.
  - Je sais pas si, de mon côté, j'espère finir dans les bras des cuvettes, sourit Greta.
  Julie rit alors que le train s'arrête devant elles. Elles montent toutes les deux et Julie suit Margareta qui cherche après Amon. Elle le trouve dans le fond du train. Elle lui présente Julie qui lui demande directement, après avoir échangé quelques bribes de mots, ses réseaux sociaux. Amon remarque que Greta ne porte pas son manteau noir ce soir mais une veste en cuir. Elle porte aussi des chaussures boueuse en cuir blanc.
  Greta voit ressortir de la poche de la veste de Amon, le bout d'un livre. Elle le sort et sourit en remarquant que c'est le sien. Amon veut lui parler mais Julie l'envahit de questions. Il ne peut plus s'en défaire.
  Finalement, ils arrivent à destination. Un groupe de fille attend Julie là-bas. Ce dernier n'attend pas Amon et Greta qui reste derrière lui.
  - Pourquoi t'as soulignées toutes ces phrases ? demande-t'il.
  - T'en as soulignées des nouvelles ?
  Amon adore quand Greta répond à sa question par une autre question. 
  - Tout ce que j'aurais voulu souligné, tu l'as déjà fait pour moi.

  02:14.
  Amon et Greta se retrouve enfin sur le toit de la maison. Ils ont tous les deux été séparés dès qu'ils sont entrés. Greta, tirée par le groupe de Julie et quelques amies. Amon par un groupe de garçon qui contient un type qu'il connaît. On les a fait boire et ils n'ont plus cherché à rester ensemble pour discuter.
  Ils s'allongent sur le toit de la maison pour observer les étoiles. Greta a enfilé un gros manteau trouver dans une garde-robe.
  - Tu m'intrigues, dit-il en passant ses bras derrière sa tête.
  - Oh, tu dis autre chose que "tu es bizarre".
  - On te le dit ?
  - À ton avis.
  - Et puis, ton carnet m'intrigue aussi. Voir plus que toi toute seule.
  Greta fronce les sourcils.
  - Le carnet est moi.
  - Lis moi ce que tu es dans ce cas.
  Elle réfléchit. D'un côté elle a dû boire quatre verres de Blanco sans compter les bières qu'on lui passait. Amon, pense-t'elle, doit avoir assez bu aussi pour ne se rendre compte de rien demain.
  - J'arrive. Je vais le chercher, déclare-t'elle.
  Elle se lève et s'en va. Amon, après qu'elle soit parti, se redresse rapidement. Elle va lui lire quelques passages de son carnet, va le regarder, ils vont s'embrasser, se dit-il en buvant en une fois son verre de vodka.
  02:21, affiche sur portable en plus d'un message de Quentin :
  Tu me diras si elle suce bien.
  Amon lâche un rire et supprime la notification de l'écran avant de ranger son téléphone dans sa poche.
  Puis, Greta hésite devant l'escalier menant au toit, son livre en main. Et si demain il y repense ? Il se pose des questions sur ce qu'elle a écrit... Pire, lui donne son avis. Elle relit ce qu'elle a écrit, ne trouvant rien qui pourrait être assez explicite pour qu'il comprenne ce qu'elle voulait dire. Elle souffle. Revient sur ses pas pour le rez-de-chaussée. Elle se sert un verre d'alcool à la menthe pour le boire. De loin, elle voit une de ses amies lui faire un clin d'œil alors que Greta veut monter sur le toit. Elle fronce les sourcils. Elle rejoint Amon qui s'est rallongé en l'entendant monter les escaliers. Greta fait pareil.
  - Qu'est-ce que tu veux que je te lise ? demande-t'elle en effleurant les pages de son livre.
  Amon hausse les épaule et dit :
  - Quelque chose qui s'accorde avec ce qu'on voit et ressent maintenant.
  Alors elle fouille dans son cahier pour trouver, ce qu'elle lit à voix haute :
  - Sourcils froncés et lèvres pincées, elle n'y pensait plus dans son tas de plumes. Ses cheveux si raides se définissant comme des flots turbides se mêlaient autour des doigts brandit tel un regard voulant atteindre le ciel. Exaltation des cieux. Lucie se demandait d'en dessous des cotons qui avait créé ce trou dans le ciel pour que les cieux pleurent au-dessus de sa tête. Une larme s'échappa de l'enfant à ses pieds qui, ne la lâchant que du regard, murmura comment sa mère lui faisait peur.
  Amon ne sait quoi dire. Alors en redemande tandis qu'une brise leur caresse le bout du nez. Greta se mord l'intérieur de la joue. Encore ? Ce n'est pas déjà assez ?
  -   Alors aucuns mots ne m'est venus quand tu en as demandé. Mots, dansant à en user leur sens, se faufilant dans un espace qui m'était inconnu. J'écoutais le pas de certaines phrases s'essoufflant sur le parquait. Il y avait de ces nuits où ils ne s'arrêtaient jamais, d'autres où j'avais presque peur du silence. Mais aucun n'a voulu rencontrer tes lèvres fendues.
  Il avait bien entendu le mot "lèvre" mais il avait déjà oublié ce qu'il voulait faire avec elle. Ce qu'elle lisait se jouait presque devant lui, étoiles comme actrices pimbêches et ciel bleu comme le fond de la perversité des choses. Il pense l'écriture de Greta comme la dénotation d'un monde en des mots doux et qu'elle susurre avec l'intonation d'une femme qui a déjà trop vécu ce qu'elle décrit. Mais il ne sait pas quoi dire. Lui qui n'y connaît rien. Il est énervé par son manque de connaissance, il aurait sans doute aimer n'importe quelle autre plume. Mais il voulait que Greta reste aussi spéciale à ses yeux. Il veut se taire pour la laisser encore d'être unique à ses yeux. Dans un sens, il aurait voulu se persuader qu'elle était la seule à écrire pour qu'elle soit la seule connaissance littéraire qu'il puisse apprendre. Il en userait toutes les coutures, c'est certain.
  - Depuis quand tu écris ? demande-t'il simplement.
  - Peut-être quatre an. Pas plus.
  - Pourquoi tu as commencé ?
  - Je veux pas en parler, marmonne-t'elle.
  - Qu'est-ce que tu avais écrit lorsqu'on s'est vus pour la première fois dans le train ?
  - T'as fait du basket ?
  - Non.
  - T'es le seul à qui j'ai lu ne serait-ce qu'un passage de mes écrits.
  Amon se sent flatter d'entendre cela. Il sourit.
  - Je rentre, ajoute-t'elle quelques secondes plus tard.
  Ils se lèvent alors et rejoignent les autres. Greta remarque Julie embrasser un garçon. Elle grimace. Il se dit que lui, au moins, il a réussi son coup.

L'entrainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant