L'entrain

R

  - La liste de Schindler ? Il est beau, dit-elle en entrant le titre sur la barre de recherche.
  Amon avale sa salive. Est-ce que c'est maintenant qu'il doit le dire ?
  - Tu l'as déjà vu ? continue-t'elle.
  Il n'a pas envie que ça gâche ce qui reste encore. Et si Greta ne veut pas côtoyer le fils d'un antisémitisme ? Et si elle dit que son père est affreux et qu'il est du genre qui l'horripile ? Et si elle pense que Amon est aussi cruels que ce qu'on dit des nazis, aussi cruel que son géniteur ? Il n'y a que Quentin qui est au courant et ça parce qu'ils sont amis depuis tout petit. Que ça ne pouvait pas passer inaperçu à celui qui rendait aussi souvent visite aux Reznik. Mais Amon a toujours eu peur que d'autres amis, d'autres proches soient au courant. Il craint le changement d'attitude de la personne. Tout le monde déteste les personnes comme son père. Et tout le monde en déduit qu'ils détestent leur fils.
D'un côté, Amon se dit que Greta ne fait pas partie du "tout le monde" mais il a peur. Peur qu'elle ne parte parce qu'on lui a appris à s'éloigner de ces gens-là.
- Oui. Regardons autre chose, répond-t'il.
En s'arrachant un bout de peau morte sur sa lèvre, il se dit qu'il aurait dû tout déballer. Il n'a jamais vu ce film. Il aurait dû le dire aussi. Greta s'en rendra sans doute compte quand son père la verra trop souvent dans sa maison. Il est homme envahissant et quelques fois narcissique. Il fait les bonnes choses et il aime souvent en faire part. Une aubaine de tomber sur l'adolescente qu'il ne connait pas tant et qui rend régulièrement visite à son fils.
- D'accord.
Elle s'appuie contre le dossier du lit, réfléchit. Amon s'enlève l'image de son père et son idéologie pour se concentrer sur elle.
Elle se redresse et dit :
- "Dans Paris".
Elle se retourne vers lui pour lui demander son avis. Il ne l'a réellement jamais vu. Il hoche positivement la tête. Elle se jette sur le clavier.
- Il paraît que c'est une romance mais c'est faux, lâche-t'elle.
Elle lance le film avant de poser l'ordinateur au pied du lit. L'image de ce dernier est relié à la télévision.
Amon s'allonge près d'elle, leur tête sur la fin du lit.
- J'adore Louis Garrel, dit-elle le regard rivé sur l'écran.
- Tu l'as vu jouer avec Marion Cotillard ?
Elle fait une moue alors que la première scène se déroule. Amon abandonne l'attente d'une réponse. Et puis, quelques temps après, Margareta s'exclame :
- J'adore cette scène !
Elle souffle alors que Louis Garrel regarde l'objectif de la caméra, trop bien pour ne pas inclure dans son regard le public. Il se met alors à parler avec celui-ci.
- Ça m'avait fait rire la première fois, commente-t'elle.
Amon trouve cette scène amusante aussi. Il sourit. Encore plus quand l'acteur se prépare à leur poser une question :
- Est-ce qu'il est possible, vraiment, qu'une histoire d'amour nous fasse sauter d'un pont ? dit-il en même temps que Greta.
Il se tourne alors vers elle qui le regarde déjà. Il hoche la tête. Elle fronce les sourcils en souriant.
- Oui ? Et pour quoi faire ?
- Si je saute. Tu voudras d'une histoire d'amour avec moi ?
- T'en as déjà eu ?
Amon gonfle ses joues d'aire et se remémore les souvenirs d'une fille de son école qui fumait. Relâche l'air et dodeline de la tête.
- Ça veut dire non, conclue-t'elle.
- Qu'est-ce que ça fait d'en avoir eu déjà au moins une ?
- Tu sais ce que c'est.
Il fronce les sourcils.
- Tu en as déjà eu, toi ?
- Consciemment, je ne pense pas.
- Ah bon.
Ils se tournent vers l'écran de télévision.