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  Greta louche sur le cylindre qu'on lui tend sous le nez.
  - Vas y Greta, dit son ami, les yeux tombants.
  Tout le monde en prenait des lattes, elle assistait à cette scène presque à chaque sortie avec ses amis, parfois derrière l'école. Elle avait vu certain d'entre eux changer, dépendre et ne faisant tourner les discussion qu'autour de toutes ces substances. Elle se souvient d'une fille qui était nouvelle dans l'école, ses amis, pour sympathiser, l'avait invité à une fête. La nouvelle avait pris pour la première fois quelques bouffer d'un joint et avait vomi son repas. Margareta avait trouvé cette attitude débile. Une fille qui ne connaissait personne et qui acceptait tout ce que lui proposait. Puis, elle s'est dit que c'était normal, on est adolescent ...on se demande toujours ce que vont penser les autres. Mais Greta avait toujours eu du mal à accepter ces changement qui l'a rendait plus fragile et parfois trop différente de ce qu'elle savait être. Longtemps elle n'a pas voulu grandir, empêchant tous ces nouveaux sentiments de s'extérioriser. C'était trop difficile de se voir oublier ce qu'on était, ce qui nous plaisait bien depuis le temps. Il y a eu l'entrée dans sa nouvelle école, elle y connaissait du monde, évidemment, mais le fonctionnement de cet établissement et surtout de ses élèves était tout-à-fait troublant. Le nombre qui augmente en classe, de nouveaux professeurs qui regardait d'un œil critique Margareta, les élèves autorisés à fumer à l'extérieur de l'école, le nombre de ceux-ci qui avait doublé par rapport à son collège de village...et puis la réputation que tenait et tient encore l'école. Ses dealeurs, ses consommateurs mais aussi les initiés. Pendant un an Greta n'y touchait pas, ses amis lui proposaient toujours et jusqu'à aujourd'hui elle n'avait jamais voulu dire oui même si cela l'intriguait. Tout le monde en prend, tout le monde en fume, tout le monde aime !
  L'odeur était forte mais depuis que celle-ci s'empreignait sur les vêtements de Greta, elle en avait oublié l'idée que cela pouvait sembler comme une puanteur. C'est vrai, elle a toujours aimé l'odeur.
  Elle le prend entre ses doigts. Elle n'est qu'avec Pietro qui l'a invité chez lui, dans sa grande maison où tout est vide, tout blanc. Il vient d'une famille d'immigrés italiens et la génération de son père est la première à avoir aussi bien réussi. Le père est directeur d'une banque et la mère une femme au soit disant foyer qu'elle fuit le plus possible. Pietro est un de ces jeunes qui est tombé dès ses douze ans dans la drogue. D'abord, il était un simple intermédiaire entre les dealeurs et leurs clients, les trafiquants donnait à Pietro les commandes qu'il devait ensuite introduire dans l'école pour les distribuer. L'année d'après il venait en cours complètement défoncé par la bonne ou mauvaise herbe, de toute façon il se fichait de ce qu'il fumait à cette époque. Pour lui, c'était cool et rien d'autre.
- Ça fait trois ans qu'on se connaît et j'en reviens toujours pas. T'y as jamais touché, déclare t'il en la regardant examiner le joint.
Elle se tourne vers lui :
- À croire que t'es mauvaise fréquentation.
Il plisse ses yeux :
- Tu penses pas que je le suis ?
- Ça se fume comment ? demande-t'elle. Comme une cigarette ?
Il hausse les épaules et prend des mains de Greta le joint pour envoyer son bout entre les lèvres de celle-ci. Se disant que s'il parlait encore, le joint serait déjà entièrement consumé. Margareta tire alors une latte comme lorsque très rarement elle le fait avec une blonde. Elle retire le spliff en sentant ses poumons se brûler. Elle tousse en le redonnant à Pietro qui glousse.
- Ça arrache ! s'exclame-t'elle, les poumons toujours en flamme.
Pietro la laisse alors encore tousser quelques secondes en fumant de manière si décontractée. Comme s'il faisait ça depuis qu'il est né. Greta le remarque. Il la remarque.
- Qu'est-ce que vous trouvez tous à ça ? demande-t'elle en grimaçant.
Pietro sourit en se mettant sur le dos sur son lit. Margareta observe sa peau hâlée quelque peu troublée par la fumée du joint. Puis, ses cheveux noir long cachant légèrement son profil.
- C'est comme les fumeurs ? T'aimes avoir quelque chose dans la bouche ?
- C'est pour ça que les gens sont accros à la clope ?
Greta souffle.
- J'en sais rien. Peut-être. On me l'a dit.
Pietro secoue sa tête négativement. Pietro, lui, n'avait pas commencé par la cigarette mais directement par la beuh. Alors quelques fois il fumait les cigarettes qu'on lui tendait mais il n'utilise pour lui le tabac que pour le mélanger à l'herbe.
- En fait j'en sais rien non plus, dit-il.
Il fixe alors le joint qu'il tient entre les mains.
- Mais j'arrive pas à m'arrêter, ajoute-t'il.
Elle note dans sa tête de parler de ce sujet à Amon dès qu'ils se verront.
Elle se demande si Pietro le connait. Elle n'a presque jamais parlé de Amon à ses amis, peut-être qu'ils le connaissent.
- Tu connais Amon ?
Il tourne son visage vers elle, le regard amusé.
- Reznik ? continue-t'il.
Elle hoche la tête. Pietro connaît tout le monde de toute évidence. Il est invité à toutes les soirées, il est assez sociable.
- Bien-sûr que je le connais ! Son père est un putain de facho, il a une pièce réservée à son délire de fanatique dégueulasse sur Hitler et toutes ses merdes. Le père Reznik est un vrai fils de chien. Je le soupçon même de séquestrer des juifs dans sa cave ou même dans la maison qu'il loue à des vacanciers.
La maison où ils s'étaient baignées. Le père de Amon ? Un facho ? se demande-t'elle en se retournant aussi sur le dos. Elle repense à son imposante carrure et ses yeux verts, ceux de Amon.
- Je parie qu'il a déjà buté quelqu'un. C'est un barjo. Mon père le déteste.
C'était donc ça le secret de la famille Reznik ? Margareta avait du mal à croire à ce que dit Pietro, les parents de Amon étaient deux êtres comme on trouve partout. Ils plaisantaient souvent et elle ne les a jamais vu avoir des comportements étranges. Le père de Amon est peut-être intimidant par son physique mais il ne pouvait pas être quelqu'un de dérangé comme Pietro l'affirme.
Véritablement, Greta trouve ça tellement étrange d'être si proche d'êtres qui vivaient avec des idées antisémitismes. Pas que tout le monde avait dépassé ce stade mais c'était toujours couvert parce que c'était devenu impoli et on le pensait maintenant tout bas. Et puis, depuis que tout le monde avait découvert le massacre qu'avait cachés les partisans nazis, plus personne ne pouvait imaginer qu'il existait encore des personnes qui ont chez eux, accroché au mur, la croix gammée. C'est ça qui lui semblait étrange. Qu'il en existait encore et que, pour une fois, ils étaient si proche d'elle. Qu'elle les appréciait alors que tout le monde les déteste.
- Mais Amon est un mec cool. Si seulement il n'avait pas ce bâtard comme père, crache-t'il.
- Et sa mère ?
Pietro fronce les sourcils.
- Sa mère ?
- On ne parle que de son père. Sa mère, elle, n'adhère pas à tout ça ?
- J'en sais rien. C'est une femme. Simple. On ne peut rien dire sur elle.
Elle reconnaît dans le désintérêt total de Pietro, qu'il est un de ces garçons qui grandissent dans le matchisme.
  - Ils sont négationnistes ? demande-t'elle.
  Elle a comme l'impression que si c'était le cas, elle serait plus rassurée, moins mal à l'aise.
  - Des quoi ?! s'exclame-t'il.
  Il se redresse en écrasant le mégot dans un cendrier. Greta se lève alors et enfile ses chaussures.
  - Tu pars ? demande-t'il en se chaussant alors.
  En passant sur ses épaules son manteau, elle se demande ce qu'elle pourra bien faire en sortant d'ici. Aller voir Amon ? Rentrer chez elle ? Quoi ?

L'entrainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant