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  Un squelette de baleine vole au-dessus de leurs yeux. Greta se mord la joue alors que Amon pousse un soupire. Ils ont déjà visiter l'aquarium et se trouve maintenant au dernier étage, là où les bêtes sont empaillées et qui les guettent, Amon a toujours eu peur qu'ils se réveillent. Margareta et Amon n'ont pas parler, Amon ne pouvait pas le faire, il se l'était promis, pas parler avant qu'elle n'ose elle-même le faire. Greta, elle, ne savait pas quoi lui dire, par quoi commencer. Elle l'avait invité sans avoir pensé à ce qu'elle pourrait dire. Elle se sent bizarre devant le silence pesant de Amon qui engageait toujours la conversation. Elle se rend compte qu'elle adorait sans s'en rendre compte son côté spontané. Elle le regarde du coin de l'œil. Amon a envie de lever la main pour toucher les os l'ancienne chaire de vingt mètre.
  Greta balbutie quelques mots mais pas une seule phrase n'arrive à se former. Amon fait alors le tour de la carcasse de la bête, laissant Greta dans ses mots qui n'ont pas de sens.
  Cela décourage Margareta. Elle se sent presque invisible et ça l'angoisse plus que d'habitude. Elle s'était toujours trouvé attirante par son semblant de caractère sociable, personne ne se faisait d'idée sur elle sans qu'elle n'ait ouvert la bouche pour faire entendre le son de sa voix. Elle savait qu'elle n'avait pas un physique atypique, elle était la fille que l'on croisait tous les jours. Cheveux noir, yeux bruns en amande, peau douce et un sourire enfantin. Mais Amon l'avait rendu si particulière. Il l'avait abordé sans même avoir entendu parler d'elle, il avait continué à la voir malgré que Greta se soit parfois montrée trop distante ou pas assez proche. Et puis, elle se sentait si bien avec lui qu'elle pouvait lui dire ce qu'elle voulait. Margareta s'est toujours montrée méfiante à ce sujet, très peu de personne la prenait au sérieux. À l'évidence, personne. Elle n'explique pas comment tout est si fluide avec Amon, comment elle n'a aucun filtre. Elle aime aussi malgré elle, l'avis qu'il porte sur ce qu'elle dit.
  Mais le voir ainsi la ronge de remords.
  - Tu peux pas m'en vouloir, dit-elle.
  Elle voit Amon, à travers les os, relever subitement la tête vers elle, les yeux écarquillés et les sourcils froncés.
  - Comme moi je peux pas t'en vouloir, ajoute-t'elle.
  Il remonte son regard vert vers le squelette.
  - On pourra jamais en vouloir à son éducation, continue-t'elle.
  - C'est ça ton éducation ? grimace-t'il.
  - C'est ça ton éducation ? l'imite-t'elle.
  Il redescend ses yeux vers elle.
  - Alors tu vas dire qu'on va accepter les défauts de l'autres ?
  Il ne veut pas qu'elle réponde positivement, cela lui donnerait l'affirmation que Greta n'est pas celle qui l'aime réellement. Il veut retrouver son amour pour la personne qui ne se suffisait pas d'une citation ou d'un complexe qui l'empêche d'aller au bout de ses idées. Il veut celle qui trouve d'autres mots, qui veut rendre sa pensée unique même si parfois il ne comprend rien à ses mots.
  - Notre défaut est commun. Mais c'est une éducation comme la mienne qui détruit l'avis unique de quelqu'un. C'est des éducations comme la mienne, celles faites simplement de commérages et de rumeurs qui rend les enfants stupides. On nous a mâché nos idées et elles se sont encrées dans notre esprit parce que maman veut qu'on se marie avec un type bien et parce que papa veut qu'on se débrouille à l'avenir seul. On réduit nos pensées en une seule simplement à cause de la peur de nos parents qu'on finisse trop différents et surtout seuls. C'est pour quoi on te juge de cette façon. On nous a sensibilisé sur tout ça, sur le fait que le juif est une victime à chaque époque et que maintenant qu'on a oublié comment on les martyrisait déjà au temps de la première peste, on en veut au dernier qui y ont touché. Et puis, c'est une partie d'humanisme que tu n'as pas reçu, sans doute. On veut pas ressembler à des bourreaux. C'est de ça qu'on a peur, c'est pour ça qu'on vous trouve si moche dans ce monde encore plus affreux que ce qu'on a fait aux juifs, aux noirs, à tout ceux qui nous rendent terrifiés à l'idée d'être un tyran. Je pense qu'on est pas moins solidaire que toi vis-à-vis de ceux qui souffrent et qui ont souffert. Même cela je ne vais pas le répéter à quelqu'un d'autre que toi, toi qui est aux yeux des autres le fils  d'un pseudo meurtrier. Simplement parce que j'ai eu cette éducation d'avoir pitié des autres et surtout pitié de moi-même.
  - T'aurais écrit ça dans ton cahier ? demande-t'il.
  Greta hausse les épaules. Sans doute. Mais maintenant c'est trop tard pour l'écrire.
  Amon entend pour la première fois quelqu'un rabaisser son éducation à ce qu'on pense de la sienne. C'est la première fois aussi qu'il entend dire cela d'une éducation comme celle de Greta.
  - Alors tu me prends pour le fils d'un pseudo meurtrier ?
  - J'aime bien l'idée que tu le sois.
  Amon sourit.

L'entrainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant