Chapitre 3 : Clara

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Jonas triturait son téléphone, qu'il détestait ne pas avoir en main pendant son entretien. En face de lui, Clara le regardait en souriant, penchée sur le bureau.

- Tu as un peu plus le sourire, non ? lui demanda-t-elle.

- Oui... je suis content d'être revenu ici.

Elle haussa un sourcil. Peu de gens se plaisaient dans l'hôpital.

- Mais encore ? Ça ne peut pas être que tes médicaments qui te font être de meilleure humeur.

- Si un peu... mais je suis rentré de perm' hier et même si je n'ai pas profité de tous les jours qui m'ont été donnés, j'ai réussi à m'occuper et à rester loin de mes parents. Alors je suis content.

Oui, Clara se doutait bien que ses parents devaient être un grand facteur de tristesse chez le jeune homme. Le Docteur Martin lui en avait déjà parlé après les avoir rencontrés, et bien qu'elle n'avait, en tant qu'infirmière, aucun droit de jugement sur leur personne, elle ne pouvait s'empêcher de penser que la présence de leur fils ici ne pouvait être que leur faute.

- Tu as fait quoi alors ? Tu es parti deux jours quand même. Tu n'as rien fait qui te donne envie d'en parler ?

- Jeudi, je suis allé à la bibliothèque, j'ai lu un roman policier, annonça Jonas en souriant un peu plus franchement. Il était super, si vous aimez bien ce genre de livres, je pourrais vous donner le nom.

- Pourquoi pas, répondit Clara en replaçant une mèche de cheveu blond derrière son oreille. Mais d'abord, racontemoi la suite.

- Et bien... je suis resté enfermé dans ma chambre tout le soir du jeudi et vendredi matin... j'ai beaucoup dormi en fait.

- Les antidépresseurs ?

- Oui... je trouve qu'ils me font beaucoup dormir en ce moment.

- Hm... fitelle en fronçant les sourcils, j'en parlerai au Docteur Martin. Peut-être qu'il pourra ajuster la dose.

- Ça serait cool oui...

Il allait continuer sur sa lancée quand son téléphone vibra doucement dans sa main. Il baissa les yeux dessus et esquissa un sourire quand il vit le nom d'Alice s'afficher sur l'écran. Il appuya cependant sur le bouton pour éteindre l'écran. La règle était simple, mais stricte : pas de téléphone pendant les séances de discussion. Clara était certainement l'infirmière la plus à cheval là-dessus, mais Jonas s'y était fait. Il pouvait avoir du mal à se concentrer parfois tant ses comprimés le fatiguaient.

- Qui te fait sourire comme ça ? demanda Clara, montrant encore plus d'intérêt qu'auparavant.

- C'est là où je voulais en venir en fait... vendredi après-midi, je suis allé à l'Arlequin.

- Ah oui, je connais ce café.

- J'y allais tout le temps au lycée...

Le regard de Jonas se perdit dans le vide. Le lycée. Là où tout avait commencé. Il avait traversé la puberté la plus chaotique de l'histoire de l'adolescence. Quand il avait commencé à se renfermer, à vouloir affirmer son style, tout le monde à l'école s'en fichait. Ce qui n'était pas plus mal, selon lui, vu qu'il avait toujours craint de devenir la tête de turc de sa classe. Il avait laissé pousser ses cheveux, toujours approuvé par son meilleur ami, Richard. Mais il avait fini par partir, au beau milieu de l'année scolaire, parce que ses parents déménageaient à Perpignan. Le jeune homme avait bien tenté de garder le contact, mais Richard s'était fait de nouveaux amis, et avait prétexté ne jamais l'avoir trouvé intéressant, juste pour qu'il le laisse vivre sa vie sans lui. C'est comme ça que Jonas perdit son meilleur ami, et surtout, le seul. Depuis, la solitude l'avait enveloppé comme un manteau de fourrure, et il s'était allé dans les bras d'une dépression qui l'avait conduit ici, au Centre Psychothérapique de Laxou, dans la banlieue de Nancy. Il n'était pas le plus à plaindre ici, mais il était quand même là, c'était ça qu'il retenait. Le jeune homme sourit à son infirmière fétiche et reprit :

Le livre dans tes yeux [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant