Fatiha les avait laissés s'installer dans une salle habituellement utilisée pour les thérapies de groupe. La décoration riche en couleurs et la grande surface de la pièce rendrait plus facile la discussion entre les parents et Jonas. Ce dernier avait d'ailleurs tenu à ce qu'Alice soit avec lui pendant qu'il voyait ses parents.
Quand l'infirmière était venue le chercher dans sa chambre, il avait cru qu'il referait une crise d'angoisse. Il avait senti sa poitrine se serrer comme dans un étau et Alice lui avait notifié sa pâleur grandissante. Mais sa voix douce l'avait apaisé, et il avait alors décidé qu'elle pourrait voir cet aspect de sa vie. Ainsi elle comprendrait un peu mieux la solitude qu'il ressentait.
Ils étaient donc tous les quatre assis dans la pièce. Irène et Paul avaient pris place près du tableau blanc, sur des poufs en mousse dure, Jonas s'était affalé sur la chaise en plastique près de la porte et Alice se tenait debout près du mur en face de lui, jetant un œil bizarrement intéressé aux œuvres peintes par les patients de ce service. Certains valaient la peine d'être observés, d'autres étaient tout simplement sordides. Elle voulait surtout éviter le regard dédaigneux d'Irène, bien serrée dans son tailleur crème du dimanche, qui ne l'avait pas quittée des yeux.
Paul s'était habillé plus simplement, d'un jean un peu vieux et d'un pull en cachemire bleu ciel. Lui promenait son regard sur la pièce, semblant à la fois mal à l'aise et curieux de cet environnement. Il semblait avoir presque été forcé de mettre les pieds ici alors qu'il n'en avait aucune envie, comme un adolescent à qui on obligerait un repas en famille.
- Et donc, tu ne nous présentes pas ton amie ? Demanda Irène, brisant le silence de la salle.
Alice tourna la tête vers Jonas, attendant la réponse. Elle était bien impatiente de savoir comment le brun la décrirait auprès de ses parents, et surtout auprès de sa mère qui la dévisageait depuis le début. Jonas la zieuta un instant, semblant chercher une quelconque approbation, puis soupira.
- C'est Alice. On s'est rencontrés pendant ma perm'.
- Tiens donc, répondit la mère d'un air hautain. Donc tu parles à des inconnues à tout va, mais tu ne racontes rien à tes parents.
- Comme si ce que j'avais à vous raconter vous intéressait, riposta Jonas. Vous vous êtes contentés de m'envoyer ici quand vous aviez remarqué que j'avais maigri. Ce que je peux ressentir ne vous intéresse pas, pourquoi je vous en parlerais ?
- Parce que nous sommes tes parents, coupa Paul d'une voix tranchante. Nous sommes là pour ça, moi en tout cas, j'en ai envie. Il appuya sa phrase d'un regard insistant envers sa femme, qui le fusilla du regard.
- Parce que tu crois que moi je n'en ai pas envie non plus ? Cracha Irène, furieuse mais pourtant très maîtrisée. J'ai porté Jonas dans mon ventre pendant neuf longs mois, à vomir et à avoir mal partout, je l'ai élevé dignement. Donc oui, j'aimerais bien qu'il me parle au lieu de fricoter avec des inconnus.
Paul s'apprêtait à répliquer, mais Jonas le devança.
- Dignement ? Vraiment, c'est le mot qui te servirait à décrire comment tu m'as élevé ? Rien n'est digne chez toi, Irène, et encore moins la façon dont tu m'as élevé. Tu ne m'as jamais encouragé, tu ne t'es jamais intéressée à ce que je puisse aimer, les amis que j'ai pu avoir...
Sa mère tiqua. Maintenant qu'elle y repensait, depuis que Jonas était entré au lycée, il ne l'avait plus appelée « maman ». Elle voulut répondre, mais sous l'œil attentif d'Alice, qui ne voulait pas prendre part à cette dispute, il regarda sa mère dans les yeux, sans cligner, fort, et continua.
- J'ai toujours eu dix-sept de moyenne générale pendant toutes mes années scolaires, les félicitations du jury, et ça ne t'a jamais suffit. Et même si j'étais coiffé et habillé comme tu le voulais, aussi classe que tu le voulais, ça ne serait pas encore assez bien pour toi et je serais indigne d'être ton fils. Tu ne m'as jamais considéré comme tel, Irène. Alors ne fais plus semblant de t'inquiéter pour moi.
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Le livre dans tes yeux [TERMINEE]
RomanceJonas est un jeune homme de dix-huit ans maigre, très maigre, trop maigre. Alice est une jeune femme trop heureuse pour l'être vraiment. Quand une tasse de latte les réunit par hasard les secrets éclatent, les blessures deviennent profondes, et l'...