Chapitre 14 : Brasier

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Jonas pouvait sentir le souffle d'Alice sur sa bouche. Quelque chose en son for intérieur lui hurla d'arrêter son cinéma sur le champ. Ce n'était pas sa façon de faire et la colère ne devait pas lui dicter un autre comportement. D'autant plus que la jeune femme semblait avoir eu peur de sa réaction. Il recula d'un pas, ancra ses yeux dans ceux de son amie, et lâcha :

- Arrête de draguer mon père.

Alice resta abasourdie. Venait-elle vraiment d'entendre Jonas l'accuser de quelque chose qu'elle ne penserait même jamais à faire ? Non. Elle pouvait lui pardonner beaucoup de choses sur sa timidité et son manque de confiance mais pas ça. C'était déjà un gros manque de respect envers elle mais aussi envers son père, qui faisait des efforts pour renouer avec lui. Voulait-il vraiment tout casser maintenant ?

- C'est n'importe quoi, répondit-elle froidement. Et je ne vois absolument pas ce qui a pu te faire penser ça.

Pour seule réponse, la colère de Jonas imita la jeune fille. Il passa sa main dans ses cheveux détachés, lança des sourires faux et se tortilla comme une jouvencelle. Alice serra les poings. Elle tripotait sans arrêt ses cheveux quand elle était gênée, pas quand elle souhaitait séduire.

- Je suppose que te dire que tu te trompes allègrement sur ma façon de me comporter n'apportera rien et ne te calmera pas, dit-elle posément, essayant de ne pas s'énerver à son tour.

- Effectivement. Je ne pensais pas que tu pourrais être ce genre de fille.

- Ce genre ? Quel genre ?

- Le genre à préférer les mecs plus vieux et profiter de leur procédure de divorce pour essayer de prendre une place qui ne t'appartient pas.

C'en était trop. Jonas pouvait avoir changé, pris en confiance, mis sa tristesse de côté, tout ce qu'il voulait. Elle l'avait toujours encouragé à ça, mais pas à ce qu'il lui crache dessus de la sorte. Elle s'avança donc rapidement, et la claque partit toute seule, droit sur la joue de Jonas. Le coup résonna dans la chambre et le jeune homme se stoppa net. Il était allé trop loin, sans vraiment savoir pourquoi. Alice quitta la chambre avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit. Dans tous les cas, il avait préféré le silence. Mieux valait se taire plutôt qu'envenimer la situation.

Alice se retint de claquer la porte. Elle n'était pas chez elle et Paul avait certainement autre chose à penser que de banales (vraiment ?) disputes entre son fils et elle. Elle était fatiguée, physiquement et mentalement. La jeune femme devait déjà gérer ses propres pensées chaotiques, elle n'avait pas besoin en plus de devoir s'occuper de celles encore en désordre de Jonas. Alice se glissa dans le lit en silence, des larmes de rage coulant le long de ses joues. C'était n'importe quoi. Jonas faisait n'importe quoi. Il prêtait des comportements aux gens qui ne leur ressemblaient pas du tout, et en profitait pour les incendier. Elle se demanda si elle ne préférait pas quand il se sentait coupable de tout et passait son temps à s'excuser pour rien. Maintenant qu'il allait mieux et qu'il avait eu son "déclic", il passait son temps à en vouloir au monde entier.

Alice ferma les yeux dans son lit, tenta d'oublier. Pourquoi est-ce que tout ça la retournait ? Elle aurait pu passer outre comme elle en avait toujours eu l'habitude, mais non. Si c'était Jonas, ça la touchait forcément plus. Spécialement depuis qu'il avait débarqué chez elle quelques jours plus tôt et qu'ils avaient pu passer toutes leurs soirées ensemble, à regarder des films, à se connaître encore mieux. À discuter franchement comme deux vieux amis et autrement que par écrans interposés. Non. Décidément, tout ça ne rimait à rien. Il fallait qu'ils en parlent.

Jonas avait les yeux rivés sur le plafond. Le sommeil était parti aussi vite qu'il était venu et maintenant, plus moyen de faire quoi que ce soit d'autre que de penser, les bras derrière la tête comme s'il dormait à la belle étoile. Il songeait à ces murs qui l'entouraient. Il avait grandi ici. Même si son enfance n'avait pas été de tout repos, le jeune homme avait fini par s'attacher à ces lieux. Cette chambre directement sous le toit, c'était la sienne. Son refuge, là où toutes ses peines, toutes ses joies, avaient éclatées les unes après les autres. Ça lui faisait de la peine de devoir partir.

Le livre dans tes yeux [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant