Chapitre 12 : La vérité

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Jonas passa la journée à vagabonder. Il avait hésité à repasser chez son père et à demander à dormir chez lui le soir,  mais il renonça. Il lui avait affirmé passer quelques jours chez son amie, et il s'y tiendrait. Puis il eut une idée. L'Arlequin fermait tard. Autant aller prendre un café. Il devait bien s'être écoulé un mois depuis la dernière fois qu'il était allé prendre un café là-bas. Il esquissa un sourire en y repensant. Se tromper de tasse n'avait jamais autant été quelque chose de bien, et si Marcus le savait, il en serait certainement très heureux.

Il s'y rendit donc à pied, évitant les transports en commun pour "faire son sport de la journée" et ainsi éviter de prendre trop de poids. Peut-être bien qu'il s'autoriserait à craquer sur un des fameux éclairs au chocolat que Berthe faisait elle-même. Il fut surpris même d'avoir apprécié le trajet. Marcher lui avait vidé la tête et il entrait dans le café plus sereinement. Berthe poussa une exclamation qui fit sursauter la moitié de la salle et se précipita sur lui, l'entourant de ses bras potelés et le serrant contre elle.

- Comment vas-tu mon chou ?! Ça fait tellement longtemps qu'on ne t'a pas vu.

- Bien mieux que la dernière fois, lui répondit Jonas en souriant.

Elle lui claqua la joue amicalement et la pinça comme le ferait une grand-mère.

- Oh ça oui, tu as repris des joues, c'est une bien bonne chose. Regarde Marcus, il a repris du poids !

Marcus, derrière le bar, adressa un clin d'œil au jeune homme.

- J'ai remarqué, dit son mari, j'suis pas encore aveugle.

- Viens t'asseoir, on t'offre une boisson, renchérit la grosse dame.

- Oh non Berthe, je n'ai déjà pas payé le latte de la dernière fois.

Elle fit la moue, déçue de ne pas pouvoir choyer son client le plus fidèle, puis accepta. Jonas prit place au fond de la salle, du côté bleu ciel, et Berthe lui posa son latte devant lui.

- Alors, quoi de neuf ? lui demanda-t-elle.

Jonas tritura le petit spéculoos qui traînait dans la soucoupe, incertain de ce qu'il devait lui dire. Mentir et prétexter faire des études, aller bien ? C'est ce qu'il faisait depuis des mois, pourquoi ne pas continuer ? Il se pinça la lèvre, Berthe, en face de lui, fronça les sourcils.

- Quelque chose ne va pas mon garçon ?

Le jeune homme déglutit. Les larmes lui montèrent aux yeux sans qu'il ne puisse les retenir ou faire bonne figure. En fait, il était fatigué. Trop de choses étaient arrivées en même temps ces dernières semaines, et c'était trop. D'abord Alice, qui s'était introduite dans sa vie, d'abord intrusive, puis très compréhensive. La dispute de trop avec ses parents, où il avait osé presque insulter sa mère tant il la tenait pour responsable de son mal-être. Sa rechute, grave, qui lui avait fait perdre des kilos qu'il n'avait même plus. La rechute de Louis, qui s'était remis à engloutir tout ce qui lui passait sous la main. Quand il l'avait vu ainsi, il n'avait pu s'empêcher de penser que si Louis, qui avait pourtant fait plus d'efforts que lui, avait succombé à nouveau à sa boulimie, lui, même en s'acharnant, finirait par recommencer à se couper la faim exprès pour maigrir. Il avait eu peur. Sa sortie, et la conversation difficile qu'il avait eu quelques heures plus tôt avec son père, et qui pour le moment ne lui faisait aucun bien. Alice, orpheline, qui faisait exactement l'inverse de ce qu'elle avait toujours prôné : se cacher, éviter les problèmes, parce que celui-ci, contrairement à tous les autres, en était vraiment un. Et lui, comme un idiot, qui n'avait pas su comprendre, ou même essayé. Tout ça, c'était beaucoup trop. Et il était fatigué de l'avaler et de prendre son temps pour le digérer. Il était temps qu'il perde ce poids.

Le livre dans tes yeux [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant