Les yeux fermés, je sentais une douce chaleur agréable dans mon dos. Une voix apaisante résonnait dans ma tête. Lorsque j'ouvris les yeux, je vis que j'étais allongée sur un tapis moelleux devant un homme qui me semblait familier. Derrière moi, une bûche brûlait dans l'âtre et réchauffait le petit salon dans lequel j'étais.
— Tu t'es encore endormie pendant l'histoire de papa, me réprimanda Scyllia, assise à côté de moi.
Ne comprenant pas ce qui se passait, je tournai la tête vers elle et sursautai en la voyant. Elle était petite, très petite. Aussi petite que moi et, à bien y regarder, l'homme n'était pas bien grand non plus. Un instant, je réfléchis à ce qui leur était arrivé. J'avais l'impression que tout le monde avait été rapetissé jusqu'à faire ma taille et que nous avions tous été placés dans une maison de poupée plus vraie que nature.
Soudain, un doute m'assaillit. En me retournant, je vis que mes ailes avaient tout bonnement disparu et que ma robe blanche avait été remplacée par une robe similaire à celle de Scyllia. Ça n'était pas eux qui avaient été rétrécis, mais moi qui avais grandi jusqu'à atteindre la taille d'une petite fille.
— Allons Scyllia, dit l'homme assis devant nous. Ça n'est pas grave si ta petite sœur s'est endormie, tu faisais la même chose à son âge.
Petite sœur ? Mais qu'est-ce qui se passait à la fin ? Un instant j'étais auprès de Céleste qui était heureuse, puis inconsolable, et l'autre, je me retrouvais dans cette maison avec cet homme que je voulais, au plus profond de moi, appeler papa. Était-ce le vrai père de Scyllia ? Alors, j'étais dans son rêve ? Je ne la connaissais pas aussi bien que je connaissais Céleste et j'espérais que la suite n'allait pas dégénérer comme le cauchemar précédent.
— Les filles, appela une femme en entrant dans la pièce. Il est l'heure d'aller se coucher.
— Déjà ? s'étonna Scyllia.
Alors que son père la prenait dans ses bras, celle que je voulais appeler maman en fit de même avec moi. Il fallait que je me ressaisisse, tout ça n'était pas vrai ! Et de toute manière, dormir était un concept qui m'était inconnu.
— Je n'ai pas besoin de dormir, je suis un séraphin, dis-je en me débattant, visiblement pas assez pour être libérée de son étreinte réconfortante.
— Tu sais, même les fées ont besoin de dormir de temps en temps, me sourit-elle. Et puis tu tombes déjà de sommeil. Tu verras, je te promets que lorsque tu seras dans ton lit et que tu fermeras les yeux, tu te réveilleras dans un monde merveilleux où tu pourras voler où tu veux avec tes petites ailes.
À cet instant, je ne pensais qu'à me révolter et à clamer que j'étais réellement un séraphin, mais j'abandonnais bien vite cette idée en me disant que plus d'un enfant pouvait avoir ce discours pour éviter d'aller au lit. De plus, avec mon corps de petite fille de six ans tout au plus, il était difficile d'être prise au sérieux par qui que ce soit. Je me laissais donc être portée par cette personne qui m'étreignait tendrement.
— Céleste, appela la mère. Ça vaut aussi pour toi, il faut aller se coucher.
— Quoi ? Mais il est bien trop tôt, je n'ai plus dix ans moi ! argumenta-t-elle depuis la chaise où elle était assise, en face de Lucas.
— Justement, tu n'as plus dix ans, alors ne fais pas d'histoire, rétorqua-t-elle.
— Lucas, pour toi aussi il faut aller se coucher, dit le père.
— Ha non, vous avez dit les filles, donc ça ne me concerne pas.
— Peut-être, mais nous nous levons très tôt demain et si tu veux nous accompagner dans notre voyage et être en pleine forme, il va falloir les suivre.
Contre toute attente, Céleste et son ami ne cherchèrent pas à s'y opposer plus que ça et nous suivirent dans la chambre. Une fois qu'elle m'eut enfilé une robe de nuit, la mère de Scyllia nous borda toutes deux et s'assura que nous ne manquions de rien.
— Bonne nuit ma petite étoile, dit-elle à Céleste en l'embrassant sur le front.
— Bonne nuit maman, répondit-elle.
— Bonne nuit ma petite déesse, recommença la mère en se penchant sur Scyllia.
— Bonne nuit, souhaita la fillette en l'enlaçant longuement.
— Bonne nuit ma petite fée, me dit-elle en faisant la même chose avec moi.
Ça n'était pas vrai, je le savais. Tout d'abord, et contrairement à Céleste et Lucas, je me souvenais parfaitement de qui j'étais vraiment. Ensuite, certaines choses ne collaient pas du tout. Céleste ne pouvait pas être la fille de ces personnes bien trop jeunes pour avoir un enfant de cet âge. Pourtant, j'avais envie d'y croire, envie que nous faisions toutes les trois parties de cette famille où tout n'était que tendresse et bonheur. Au final, ce rêve n'allait peut-être pas se passer comme le précédent.
Lorsque les parents de Scyllia éteignirent les bougies, je fermai les yeux en attendant la suite des événements. Comme l'avait promis la mère de Scyllia, une seconde après que mes paupières ne tombent, je me retrouvais de nouveau dans mon corps habituel, avec ma taille et mes ailes de séraphins dans un monde baigné de lumière.
Je retournai cependant dans ce corps qui n'était pas le mien lorsqu'un cri de terreur retentit et me tira de ce rêve dans le rêve. Affolée, je sursautai dans mon lit et tournai la tête de gauche à droite pour voir ce qui se passait. Céleste et Lucas étaient tout aussi perdus que moi, mais Scyllia avait disparu de son lit.
Voulant savoir ce qui se passait, je sortis de mon lit et me dirigeai vers la porte, suivie de près par Céleste. J'ouvrai la porte qui menait à la salle de vie et vis Scyllia, accroupie devant l'âtre. Elle était en larmes et quelque chose n'allait pas. Une main tremblante se posa soudain devant mes yeux pour me cacher ce qui se passait.
— Ne regarde pas, me dit Céleste, d'une voix toute aussi tremblotante que sa main.
Trop tard. Le temps qu'elle réagisse, j'avais compris ce qui était arrivé, ce qui n'allait pas. Scyllia était recouverte de la tête aux pieds du sang de nos, ou plutôt de ses parents qui gisaient par terre.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? souffla mon amie, sous le choc.
— Je ne sais pas, pleura Scyllia. Papa ! Maman !
— Il faut appeler du secours, vite ! hurla Lucas.
C'en était trop, ce cauchemar devait cesser, je devais y mettre un terme. D'un coup d'épaule, je me défis de l'emprise de Céleste et vis de nouveau les corps allongés par terre. Il était difficile de se retenir de vomir devant quelque chose d'aussi horrible. La mère avait été éventrée et le père avait la gorge tranchée. Un couteau gisait auprès de Scyllia qui n'arrêtait pas de pleurer tout en commençant à répéter que tout était de sa faute.
— Ça suffit ! Tout ça n'est pas vrai ! Ce n'est qu'un cauchemar ! tentai-je de les raisonner. Rien de ce qui se passe ici n'est réel !
— Tais-toi ! me hurla dessus mon amie avant de s'accroupir et de fondre en larmes, les mains sur les oreilles pour ne rien entendre.
Encore une fois, mon corps d'enfant ne m'aidait pas à être crédible. La plus atteinte par ce qui venait de se passait était sans aucun doute Scyllia que je voyais sombrer peu à peu. Alors que je m'approchais doucement d'elle pour la consoler, elle se mit soudain à hurler à plein poumon. Tout en continuant à crier, elle se saisit du couteau, tourna la lame vers elle et, dans un geste vif, essaya de se la planter dans la gorge.
Avant qu'elle ne commette l'irréparable, je réussis à foncer vers elle juste à temps pour la désarmer. Le couteau vola et atterrit dans la cheminée où il se désagrégea en changeant la couleur des flammes en noir. Ce feu s'étendit alors à toute la scène et nous plongea dans une obscurité froide. J'avais l'impression d'avoir déjà ressenti ça... Deux fois. Le cauchemar de Scyllia s'était terminé au moment où je l'avais empêché de se suicider. J'espérais juste que la suite n'allait pas être aussi éprouvante.
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Céleste et Scyllia: Quand Céleste découvre le monde de Scyllia
FantasíaAlors que Scyllia continue d'étudier à l'académie, Enzo donne exceptionnellement un "cours spécial" sur les mondes parallèles. Toujours dans la démesure, il décide d'invoquer l'une des personnes les plus importantes du monde dont il parle. Cependan...