Céleste et Scyllia: Quand Céleste découvre le monde de Scyllia

Reconnaissance et abandon

La lumière reprit doucement sa place au milieu de l'obscurité et je découvris une toute nouvelle pièce imposante et somptueuse. J'avais l'impression de me trouver chez Lana, la meilleure amie de Céleste, dans cette maison gigantesque où le luxe et l'abondance y règnent en maître. Seulement, la décoration est plus sobre et austère. Les objets semblent être de grande valeur : une superbe table en marbre, un somptueux canapé en tissu et en pin massif, un majestueux fauteuil rappelant le sofa, quelques meubles taillés dans un chêne massif et de superbes tableaux esquissant des paysages. Tout est magnifique et d'une noblesse inouïe, mais aucun objet personnel ne revêtit les lieux. Cette pièce était aussi distinguée qu'impersonnelle. Sa générosité en était presque pompeuse. Mais où étais-je donc ? Je ne reconnais absolument pas les lieux et encore moins la supériorité qui s'en dégage.

— Tu es enfin arrivée Lili, nous commencions à nous impatienter.

Oh non, Lucas... C'était le seul qui n'avait pas encore fait face aux hallucinations monstrueuses de ce déchu hors norme.

— Lucas, débutai-je dans un cri désespérée, tu dois me faire confiance. Tout ceci n'est pas réel, un déchu nous a piégé dans une dimension hallucinatoire et...

— Lili, voyons, me coupa Lucas dans un sourire enjoué, cesse tes enfantillages, au moins pour aujourd'hui.

— Aujourd'hui ? répétai-je désarçonnée.

— Le jour où je vais présenter une gardienne et une prétendante à mes parents. C'est un jour exceptionnel, mes parents vont être si fiers de moi.

— Tes parents vont être fiers ?

— Tu réalises, Lili ? Une gardienne et une prétendante dans le même espace-temps ? Et mes parents vont pouvoir les rencontrer grâce à moi. Imagine leur reconnaissance !

— Ce que tu souhaites par dessus tout, c'est de voir tes parents fiers de toi ? me hasardais-je à demander.

— Je veux être digne de mon héritage, précisa-t-il.

— Mais en quoi...

— Ah les voilà ! s'enthousiasma Lucas. J'ai bien cru que vous n'arriverez pas.

Céleste et Scyllia se matérialisèrent devant nous. Ce déchu a le don de faire apparaître et disparaître les personnes quand bon lui semble.

— Nous ne manquerions ça pour rien au monde, minauda Céleste.

— Je suis ravie de pouvoir rencontrer ta famille, sourit Scyllia.

— Mes parents sont dans la pièce attenante, poursuivit Lucas. Lili, tu nous accompagnes ? Ils seront également enchantés de faire ta connaissance.

— Je... je crois que je préfère rester là, bégayai-je.

J'ai déjà vécu la joie immense de Céleste et de Scyllia s'effondrant brutalement pour laisser place à un désespoir infini.Je n'ai absolument pas envie de revivre ça. C'est trop douloureux. Je n'en peux plus.

— Allez Lili, fais pas ta mijaurée, me rouspéta Céleste.

— Non vraiment, je n'y tiens pas, bafouillai-je.

— Lili, c'est un jour important pour Lucas, me gronda Scyllia.

— Laissez-la, s'emporta Lucas, si elle ne veut pas participer, elle reste dans son coin, peu m'importe, elle ne gâchera pas mon moment.

Je baissais la tête, incapable de répondre quoique ce soit. Malgré toutes les fourberies de Lucas, je ne peux m'empêcher de l'apprécier et de me dire qu'il ne mérite en aucun la désillusion à laquelle il va devoir faire face. Je les laissais quitter la pièce en captant la gaieté sur le visage de Lucas. Lui qui vit actuellement seul, loin de sa famille, je venais de saisir son plus grand souhait. Tout ce qu'il désire, c'est obtenir la fierté de ses parents, leur montrer qu'il est important et qu'il est digne de l'héritage familial. Leur présenter deux personnes aussi notables qu'une gardienne et une prétendante, prouvera sûrement sa valeur. J'entendais des éclats de rire à travers la porte éclatante de lumière. Lucas obtenait enfin ce qu'il désirait : la reconnaissance de ses parents. Soudain, une ombre traversa rapidement la pièce. L'illusion de bonheur intense allait laisser sa place à la désolation dévastatrice. La pièce s'assombrit brusquement, l'éblouissante luminosité se tarit pour laisser grandir l'obscurité. Lucas apparut brutalement devant moi.

— Mes parents veulent que je parte, m'expliqua-t-il en pleurs.

— Mais pourquoi ? lui demandai-je compatissante.

— Je ne suis qu'un misérable larbin forcé à exécuter leurs ordres, m'expliqua-t-il bouillonnant de rage, je ne suis malheureusement pas comme Céleste ou Scyllia.

— Qu'est-ce que tu entends par là ?

— Elles ont leur destin tout tracé, elles ont été choisi pour une destinée plus grande que tout ce qu'on peut imaginer. Leurs parents ne sont plus là pour leur dire, mais elles sont les rouages indispensables aux mouvements de leur monde.

— Mais toi aussi...

— Non c'est faux, totalement faux, tonna-t-il fortement, je ne suis qu'une poussière face à leur présence. Mes parents le savent bien d'ailleurs. Je suis né pour exercer leur souhait. Mais le plus grand héritage que j'ai en ma possession, ce n'est même pas eux qui me l'ont légué.

— Lucas, je ne savais pas...

— Quelle est la pire tragédie finalement ? Avoir des parents fiers de nous, mais qui ne sont plus là pour nous leur dire, ou avoir sa famille près de soi, mais incapable de nous reconnaître à notre juste valeur ?

— Ta grandeur est immense et les gens qui te côtoient t'estiment énormément, tu le sais très bien ! le grondais-je.

— Ce n'est pas suffisant à côté de tous les sacrifices que j'ai dû faire, s'écria-t-il, j'en ai assez d'être abandonné !

— Lucas, tu ne peux pas...

L'atmosphère changea brutalement et mes plaintes se perdirent dans le néant. J'étais encore seule dans cette inanité. Je tentais de réfléchir tant bien que mal, mais après la frénésie que j'ai dû faire face quelques secondes auparavant, j'ai dû mal à garder les pieds sur terre, ou du moins, à battre correctement des ailes. À en croire ce que j'ai vu, le déchu semblait user des pouvoirs de Raven pour sonder l'esprit de ses captifs. Ainsi, les scènes que j'ai vécues semblaient matérialiser les désirs les plus profonds et les peurs les plus enfouies de mes amis. Cependant, nous avons déjà traversé les dimensions hallucinatoires de chacun, ainsi, quelle en serait la suite ?