CHAPITRE 9: Mélaine

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CHAPITRE 9: MÉLAINE


— Est-ce que tu trouves que je parle trop?

Je suis allongé sur la pelouse du parc, sous le chêne, un brin d'herbe entre les doigts. A côté de moi, Laurène continue de noircir les pages de son carnet à dessin. Je me redresse en prenant appui sur le coude:

— Alors?

Elle secoue la tête.

— Cool. Par contre, moi je trouve que tu parles pas assez.

Elle hoche la tête.

— Non mais vraiment, ça fait au moins deux semaines que je te raconte ma vie et moi je ne sais rien de toi. Je te connais pas du tout.

Je marque une pause.

— Et c'est pas l'envie qui manque.

— J'aime pas parler, répond-elle finalement.

— J'avais compris, maugréé-je. Bon, c'est pas tout mais moi j'ai cours. Tu seras là demain?

Laurène hausse les épaules, signe qu'elle n'en sait rien et je la laisse d'un signe de la main.

Depuis deux semaines, je passe presque toutes mes pauses de midi dans le parc avec un sandwich au thon et Laurène. Et depuis deux semaines, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour la faire parler tandis qu'elle me dessine. Mais aujourd'hui, j'en ai eu marre. J'ai envie d'entendre le son de sa voix plus longtemps que pour un "oui" ou un "non" fade, sans aucune saveur.

— T'étais passé où mec? m'interpelle Jules alors que je pénètre dans l'enceinte du lycée. Ça fait plus d'une semaine que tu disparais à midi.

— Laisse Jules, intervient Gaëtan en me secouant l'épaule. Il emballe une meuf, je vois que ça comme explication.

Je sens le rouge me monter aux joues mais je fais tout ce que je peux pour l'atténuer. Je ne sais pas pourquoi mais je n'ai pas très envie de parler de Laurène avec les gars. Pas tant qu'il ne s'est rien passé du moins. Je hausse donc les épaules pour leur signifier que je ne leur répondrait pas aujourd'hui, et ils comprennent. C'est pour cela que je trouve que j'ai des meilleurs potes fantastiques: ils respectent le fait que je n'aie pas forcément envie de parler de toutes les filles qui m'intéressent.

La sonnerie annonçant la fin de la pause déjeuner sonne enfin et alors que nous montons vers notre cours d'anglais, Mathis m'arrête dans le couloir:

— Mec, t'as fait la traduction et le commentaire en latin?

Ah, non.

— Non mais on s'en tape, la prof vérifie pas. On attendra la correction comme d'hab'.

Le visage de Mathis se déforme et prend une expression inquiète alors qu'il pose sa main sur mon épaule:

— On est dans la merde mon pote, Mélaine vient de me dire que la prof allait ramasser.

Effectivement, on est dans la merde.

— Oh putain... Mais c'est qui Mélaine déjà?

— C'est la meuf qui t'aime pas.

Ah oui, elle. Je hoche la tête et soupire:

— Bon bah j'ai anglais et philo cet après-midi donc il y a moyen que j'arrive à le faire son commentaire de mes couilles.

— T'as bien de la chance, souffle Mathis en commençant à s'éloigner. Moi j'ai deux heures de maths...

•••

Je n'ai pas eu le temps de faire les devoirs de latin.

D'abord en anglais, le prof avait décidé de nous faire un contrôle de vocabulaire. Super. Ensuite, il nous a fait faire des travaux de groupe et il a passé son temps au-dessus de mon groupe parce que j'ai eu a bonne idée de me mettre avec Jules, Gaëtan et Célia, la fille qui était assise à côté de Jules au début de l'heure. Le truc c'est qu'on n'est pas le groupe le plus exemplaire du monde. Après en philo, le prof nous a montré une vidéo sur la justice et les médias, donc techniquement j'aurais pu faire mon latin à ce moment-là sauf que je me suis endormi pendant qu'à côté de moi, Jules coloriait un carreau sur deux d'une feuille.

En bref, je suis dans la merde.

Pour une fois, j'attends Mathis devant la salle. J'ai trop peur d'entrer tout seul et de me faire engueuler tout seul. Je sais, je flippe pour rien. Mais dans un sens, personne n'a jamais vu la prof de latin s'énerver alors on ne sait pas de quoi elle est capable.

— Qu'est-ce que tu fous devant la salle? me demande Mathis en arrivant à ma hauteur.

— Je t'attendais pour qu'on se fasse défoncer à deux.

— Bien vu.

On entre dans la salle et par chance, la prof n'est pas encore là. Mélaine m'adresse un sourire narquois lorsque je passe devant elle et j'en viens à me demander si elle ne nous a pas pris pour des cons. Je fais part de ma dernière pensée à Mathis qui la balaie du revers de la main:

— Qu'est-ce qu'elle gagne à faire ça?

— J'en sais rien, elle me déteste alors ça doit l'amuser de me voir paniquer.

— C'est vrai que ta tronche est mémorable, se moque mon compère. Dommage que tu puisses pas te voir dans un miroir.

Sur ce, il sort son téléphone et commence le niveau suivant de Candy Crush.

— Comment tu fais pour t'en battre les couilles que la prof va nous tuer? je lui demande.

— Je joue à Candy Crush.

C'est sûr que vu comme ça...

Lorsque la prof arrive dans la salle, je commence à stresser. Et si je me faisais virer de cours? Cela dit, ce ne serait pas plus mal parce qu'on est vendredi, qu'il est quatre heures de l'après-midi et que j'ai d'autres chats à fouetter que de faire du latin.

Finalement, la prof corrige la traduction en interrogeant Thomas, le quatrième terminale de ce cours, et Mélaine de temps en temps. Elle en oublie même la présence de Mathis - en même temps ce mec est une cause perdue en ce qui concerne le latin - et la mienne. Enfin c'est ce que je croyais:

— Timéo, la phrase suivante s'il te plaît?

Et merde. Déjà que je n'ai rien préparé mais en plus je n'ai pas suivi la correction et je ne sais pas de quelle phrase elle parle.

— J'ai pas fait, me risqué-je.

— OK. Mélaine?

Elle s'en fiche! La prof se fout se savoir si j'ai fait mes devoirs! C'est fantastique!

— Hé mec, chuchoté-je en donnant un coup de coude à Mathis. Elle s'en bat les couilles si on a pas fait.

— Super Tim, dit-il sans lever les yeux de son écran. En attendant tu m'as fait perdre une vie.

Je le laisse faire son boudin et je laisse échapper un discret soupir de soulagement. Mélaine se foutait donc bien de notre gueule. Je la regarde victorieusement en espérant qu'elle se retourne et qu'elle croise mon regard, ce qu'elle ne tarde pas à faire. Elle affiche un air satisfait, elle a obtenu ce qu'elle voulait: me faire flipper pour mes devoirs.

Alors que je fais semblant de suivre la suite de la correction parce que quand même, il ne faut pas abuser, je sens un regard posé sur moi. Je me tourne et constate que Salomé, la brune mignonne de première, me regarde. Et je me sens d'un coup super bien parce que j'ai réussi à attirer son attention pour une fois, en espérant que ce ne soit pas la dernière.



En vrai ça fait quelques jours que ce chapitre est prêt mais j'ai des problèmes avec Internet du coup c'est la galère. J'espère en tout cas que ce chapitre vous a plu.

A.

Toutes les filles du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant