Chapitre 32 : Rebondir

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Je n'arrive pas à dormir. Il est 3h du matin et je suis en sueur dans mon lit. Je regarde par ma fenêtre et la lune éclaire encore le ciel. Je prends la bouteille d'eau à côté de mon lit afin de me désaltérer un peu. Malheureusement, elle est vide! N'y tenant plus, je me décide à quitter ma chambre et à descendre prendre de l'eau fraîche. Je me rends jusqu'à la cuisine, ouvre le frigo et me prends une bouteille d'eau et la boit d'une traite.

— On ne boit pas à la bouteille ! Me dit mon père dans la pénombre.

Je sursaute en l'entendant. Il est près de la fenêtre, une cigarette à la main.

— Je croyais que tu avais arrêté. Dis-je, allumant la lumière de la cuisine.

— C'est ce que j'ai fait croire à ta mère. Tu n'arrive pas à dormir ? 

— Il fait trop chaud. 

— C'est uniquement la chaleur, ou il y a quelque chose d'autre ? Dit-il, amusé.

— Uniquement la chaleur. Dis-je peu convainquant.

— J'ai vu Rose aujourd'hui, enfin, hier... Je lui ai dit de passer, mais elle m'a répondue quelques chose de si vague, que je n'ai rien compris. Dit-il, avec un petit sourire en coin.

— On est un peu... à vrai dire, je ne saurai définir notre relation à présent. Avoue-ai-je à contre coeur.

— Qu'est-ce-que tu lui as fait ? 

Je fronce les sourcils, agacé de toujours être celui responsable des conflits.

— Pourquoi cela devrait-il forcément venir de moi ?! 

— Tu es le fils le plus chiant que j'ai! Voilà pourquoi. 

— Et bien cette fois-ci, c'est elle qui a merdé ! Dis-je n'arrivant pas à cacher ma frustration.

— Rose? La parfaite petite Rose ? Dit-il avec surprise.

— Elle n'est pas si parfaite... en tout cas pas ces jours-ci ! 

— Explique-moi, pour que je comprenne. 

— Je n'ai pas envie de rentrer dans les détails mais tout ce que je peux te dire, c'est que j'ai fait beaucoup d'efforts ! Et cela pendant tout le temps que nous avons été ensemble. Je n'ai pas l'impression d'avoir eu un retour favorable de sa part, c'est tout. 

— Tu l'aimes ? Me demande-t-il abruptement.

Je n'ai jamais eu ce genre de conversation avec mon père et je ne suis pas sûr de vouloir commencer...

— Je n'ai pas envie de discuter de ça avec toi, dans une cuisine à 3h du matin ! 

— Tu veux qu'on aille pêcher ? 

— Quoi? "

— Si tu ne veux pas en discuter dans la cuisine. C'est l'heure idéal pour se préparer pour aller à la pêche. Je t'attends dans la voiture dans trois-quart d'heures. Dit-il, jetant son mégot par la fenêtre et quittant la pièce.

Je reste debout dans la cuisine abasourdi par sa proposition.

...

Assis dans le 4x4 de mon père, je n'arrive toujours pas à comprendre comment j'ai fait pour me retrouver là ! Nous roulons depuis une heure et il a embarqué tout son matériel en un temps record. Nous nous sommes arrêtés à une station service pour acheter de quoi manger et nous voilà sur la route ! Je reconnais l'endroit, il nous y emmenaient souvent Timothy et moi, le dimanche pour pêcher mais aussi camper. On a arrêté d'y aller quand Tim a quitté la maison.

Nous nous arrêtons enfin, sur notre emplacement de prédilection. Je l'aide à décharger et à mettre nos cannes et victuailles sur la barque. Puis en quelques coups de rames, nous sommes au milieux de la rivière Quinnipiac. Il fait frais en cette heure de la journée. Le soleil se lève doucement, il est caché par les feuilles des grands arbres qui peuplent les bordures de ce court d'eau. Je ne pensais pas à cela, quand je me suis réveillé en quête de fraîcheur, mais je ne m'en plains pas non plus ! J'accroche une mouche à mon hameçon et lance ma canne en un grand mouvement. Mon père fait de même puis nous attendons que les poissons mordent.

— Alors... maintenant qu'on est là... tu peux tout me raconter. On a du temps et de quoi subvenir à nos besoins. Dit-il, lorgnant sur la glacière.

Je regarde la nature autour de moi, intimidé par l'idée de raconter mes peines de coeur à mon père. Après tout, je n'ai rien à perdre...

— Rose et moi, faisons une pause... à mon initiative. J'ai pris conscience de certaines choses et je ne veux pas continuer à entretenir la même relation que nous avions. 

— Tu lui a parlé de ce qui n'allait pas ? 

— Oui, avant mon départ, mais comme toujours avec elle, c'est moi qui interprète mal, elle ne se remet jamais en question et c'est ça que je veux provoquer chez elle ! Une remise en question ! Elle est tellement sûr d'elle et ce depuis que je la connais. Elle a du mal à admettre quand elle a tord. 

— C'est le quotidien de bon nombre d'entre nous. Rose n'est pas particulière sur ce point. Dit-il, défaitiste.

— Si elle est différente ! Dis-je surpris par virulence. C'est pour ça que... c'est pour ça que ça fait mal...

Il se tourne doucement vers moi. Il est soudain moins léger qu'à son habitude.

— Tu l'aime, pas vrai ? 

— Oui. 

— Vous êtes si jeune tout les deux... En plus de découvrir l'amour, vous découvrez aussi la vie. C'est beaucoup pour de jeunes adultes comme vous. Quand j'ai rencontré ta mère, nous étions déjà ce que nous sommes, ça nous a permis de vraiment profiter l'un de l'autre. Vous êtes en train de vous construire en tant qu'individu, mais vous n'avancez pas au même rythme. Un jour, vous aurez accomplit les choses nécessaire à votre épanouissement et à ce moment là, vos chemins irons dans la même direction. 

— Tu le crois ? 

— Oui. Je l'ai observée plusieurs fois en ta compagnie... Elle te défend comme personne ! Même quand tu dépasses vraiment les bornes! Il n'y que le coeur qui puisse agir ainsi.

— J'aimerais que ça soit plus simple entre nous. J'ai le sentiment qu'on se ressemble trop, et ce n'est pas forcément une bonne chose! Je l'aime comme un fou et c'est pour ça que je suis autant en colère contre elle, car je lui en veut avec la même passion. 

— Je ne peux pas te dire quoi faire de ta vie. Tu es un adulte, et je dois accepter ça. Tu vas devoir donc agir en adulte à ce sujet. Il n'y a que toi qui sache ce qui est bon pour toi. C'est ton coeur, pas le mien. Je ne peux que t'emmener pêcher et écouter ce que tu as à me dire. Ça c'est mon rôle... Dit-il, tirant sur sa canne, tenant une prise.

Il se bat un instant, pour attirer le poisson jusqu'à lui, et au bout de quelques minutes, il le jette à l'intérieur du panier. C'est une carpe, de taille moyenne.

— Tu es en veine aujourd'hui, on dirait. 

— Une journée ensoleillée, un fils qui me parle et une canne à pêche... que demander de plus ? Une bière fraîche peut-être ? 

J'en sors une de la glacière et la lui tend. 

— C'est donc une journée parfaite... Répondit-il, après sa première gorgée.

Nous restons ainsi, jusqu'à la mi-journée... Sur le chemin de retour, c'est moi qui conduit. Je me sens étrangement plus léger. Je ne m'attendais pas à ce que ce moment avec mon père, soit si libérateur. Je ne sais toujours pas ce que je vais faire, mais je n'ai plus peur. À présent je veux tout, c'est ce dont je suis sûr et si il faut que je patiente pour que Rose soit prête, et bien je le ferais. Je n'hésiterai pas à m'éloigner pour qu'elle montre enfin son vrai visage. Si elle m'aime réellement comme elle le dit, nous nous retrouverons. Nous nous sommes repoussés presque toute notre vie, pour comprendre qu'être ensemble était inévitable.

Strive : Youth - T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant